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CPA Scans
5 octobre 2008

Les jours précédant l'attaque

De nombreux régiments convergent vers la région de Sommes Suippes depuis plusieurs jours. Dans le camp français, c'est l'effervescence.

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Des artilleurs installaient hâtivement des batteries lourdes, des cavaliers, lance au poing, évoluaient parmi des rangées uniformes de chevaux impeccables et dociles, des chasseurs cyclistes, troupes de poursuite, astiquaient leurs vélos suspendus aux branches des pins. Des Decauvilles serpentant à l'orée des bois déversaient des obus géants ceinturés de cuivre et marqués de signes cabalistiques, ou transportaient de grandes tonnes remplies d'une eau laiteuse pour l'approvisionnement des roulantes. Des grappes de poilus de toutes armes s'y bousculaient pour remplir le bidon ou le seau de toile, car on avait soif dans ce pays déshérité sans source ni rivière, où les puits étaient si rares!

Tous les bois à notre gauche étaient occupés par l'infanterie coloniale. Un renfort arriva pour le régiment, mais ne fut pas distribué dans les compagnies: il ne devait l'être qu'après l'attaque! Il n'y avait donc pas de doute: c'était bien une offensive qui se préparait, et qui promettait d'être de grand style! Et nous commençâmes les travaux de terrassement; chaque nuit nous montions derrière les lignes pour creuser des boyaux d'évacuation, larges de un mètre et profonds de deux, où devaient circuler sans difficultés les chars à bras des brancardiers. Puis on nous distribua les casques Adrian, qui remplacèrent définitivement en ligne chéchias, képis et bonnets de police. Nous reçûmes aussi les premiers masques contre les gaz asphyxiants, sortes de sacs triangulaires qui nous protégeaient la bouche, le nez et les yeux.

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Nous étions en position pour l'attaque dans le secteur de Perthes-Les-Hurlus. Notre corps d'Armée était encaqué à sa place pour l'assaut qu'il devait donner entre Tahure à droite et la Butte de Souain à gauche. Nous vivions dans une atmosphère presque irréelle d'enthousiasme et d'espoir. On allait bouter l'allemand hors de France; aussi fallait il voir avec quelle ardeur et quel allant extraordinaire les soldats remuaient la terre, croyant tenir la pelle pour la dernière fois. Une activité intense régnait dans ce pays que le soleil tombant aplomb semblait écraser sous une torpeur profonde. Peu à peu, le travail de fourmi de chacun transformait le terrain d'attaque en une forteresse géante. Les servants d'artillerie s'étaient mués en terrassiers, saupoudrés d'une poussière blanche qui leur envahissait les sourcils et les cheveux, ils maniaient presque sans arrêt la pioche, la pelle et le pic, ne quittant leurs outils un instant que pour tirer au canon. Toutes les nuits, les chariots amenaient des charges entières de troncs d'arbres que les batteries dévoraient sans assouvir leur faim. Les positions prenaient un aspect hérissé de fortifications sauvages. Des casemates enrobaient les canons et les protégeaient d'une triple couche de rondins...

Alors que les troupes s'organisent, une longue série de belles journées favorise les tirs de réglage puis une intense préparation d'artillerie.

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Le 18 septembre 1915, nous nous trouvons dans les tranchées, en première ligne, sur la crête d'une colline de craie, en Champagne, à environ 50 mètres des positions françaises. Ces deux derniers jours, le feu de l'artillerie française est devenu très intense. Nous avons pas mal de blessés et de tués et notre tranchée sont, en partie, détruite. Tout laisse supposer une prochaine attaque des Français. A mesure que la date fatidique approchait, le front devenait de jour en jour plus tumultueux. Vers midi, un ronronnement d'abord, mais qui se rapprochait rapidement, nous faisaient lever les yeux vers le ciel. Puis deux, trois avions suivaient le premier. Un bourdonnement continu nous couvrait d'une voûte murmurante et dans le ciel d'un bleu limpide et uniforme, les oiseaux commençaient leur ronde; Ils étaient une douzaine qui tournaient en cercles, s'éloignaient, brillaient par moments,disparaissaient très haut ou descendaient très bas, nous laissant distinguer leurs pilotes et leurs cocardes et nous étourdissaient d'un bruit de tambourin. A leurs voix, une à une, les batteries entraient en branle et le front s'allumait en une vaste canonnade...La préparation d'artillerie dura 3 jours: ce fut une terreur ininterrompue et formidable, atteignant son maximum quand toutes les batteries frappaient à la fois, diminuant quelques fois d'intensité, mais ne s'arrêtant jamais.

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Le 24, le commandant CORTADE rassembla le bataillon pour la lecture et le commentaire d'un vibrant ordre du jour du général JOFFRE. Il s'agissait, disait-on, de rompre le front entre l'Aisne et l'Argonne, de Auberive à Massiges. Le 8ème Zouaves avait pour mission d'enlever le Bois Sabot et d'atteindre la Butte de Souain. Le commandant ajouta, pour nous donner du cœur au ventre . " Nous sommes sûrs de la victoire, et nous irons bientôt cantonner à Vouziers !"

Ces paroles suffisaient à exalter l'ardeur de la troupe, d'autant plus que nous nous rendions compte que, bien plus qu'en Artois, nous disposions de puissants moyens matériels et que depuis trois jours, d'innombrables batteries d'artillerie de tous calibres effectuaient leur effroyable et efficace besogne de destruction. L'ennemi par contre répondait faiblement. A la 6ème compagnie l'enthousiasme était général.

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