Les actualités du 30 mars 1909
Les boutonniers de Méru saccagent l'appartement du patron
A peine la grève des postiers venait-elle de se terminer, que des incidents d'une extrême gravité se produisaient dans le département de l'Oise. C'est la petite ville de Méru qui en a été le théâtre, dans l'après-midi d'hier. Depuis trois semaines environ, les ouvriers qui fabriquent des boutons de nacre, se plaignant d'une diminution de salaires, ont cessé le travail.
Hier, au sortir d'un meeting, où un délégué de la C.G.T. avait pris la parole, un groupe de quatre cents chômeurs envahissait la maison de M. Doutelle, vice-président du syndicat patronal, après avoir brisé les vitres à coups de pierre. Mme Doutelle qui se trouvait seule dans ces tragiques circonstances, avait pu s'enfuir à temps devant la horde furieuse et trouver un refuge dans une maison amie.
Bientôt, les appartements étaient vides ; la bande de grévistes, après avoir brisé les glaces, fracturé les armoires, détruit les bibelots, déchiré les tentures, emportaient les débris sur la route, en formaient un tas, auquel ils mettaient le feu. Pendant que les flammes consumaient le mobilier, les grévistes dansaient autour en criant : "Nous reviendrons ; on recommencera quand tu reconstruiras ton château".
C'est, on le voit, la reproduction exacte des scènes violentes qui se sont déroulées, dans les circonstances analogues, à Cluses et à Fressenneville. (...) Bien que la situation soit toujours tendue et la surexcitation des esprits encore grande, aucun incident ne s'est produit dans la matinée.
Le préfet, qui vient d'arriver à Méru, a pris la haute direction du service d'ordre. Celui-ci se compose de plusieurs brigades de gendarmerie, et deux escadrons de cavalerie sont attendus.Un certain nombre de patrons seraient décidés à accorder des satisfactions aux ouvriers, sur les revendications présentées par leurs syndicats. Les grévistes n'ont tenu aucune réunion dans la matinée.
La Presse – 30 mars 1909
Lire la suite des évènements de Meru
EN BREF
Cycliste tué en course. — Un club parisien faisait courir hier une épreuve cycliste sur le parcours de Versailles à Rambouillet et retour. Plus de deux cents concurrents étaient partis de la grille de l'Orangerie, et la course paraissait devoir se terminer dans de parfaites conditions, lorsqu'un accident se produisit à quelques kilomètres de Châteaufort. Deux coureurs, Rumpler et Bellanger, luttant de vitesse, se heurtèrent si violemment que Rumpler tomba, la tête en avant, sur le radiateur d'une automobile qui arrivait en sens inverse : il eut le crâne fracassé. Quant à Bellanger, il fut relevé sérieusement contusionné. Le chauffeur de l'automobile avait tenté d'éviter les cyclistes en faisant un brusque crochet; mais il n'avait pu y parvenir et sa voiture, filant sur le bas-côté de la route, avait brisé un arbre et s'était renversée dans un champ de terre labourée. Le chauffeur en fut quitte pour la peur. Le corps de Rumpler a été transporté à la mairie de Palaiseau. Le Temps – 30 mars 1909
Le plus petit conscrit — Jeudi prochain, 1er avril, un minuscule conscrit, le plus petit sans doute de France, passera en costume d'enfant devant le conseil, de révision de Mortagne. Il s'agit de Julien Touchard, né à Mauves (Orne) le 19 juillet 1888, fils de M. Touchard, tambour afficheur et facteur du télégraphe à Mauves. Sa taille est de 88 centimètres et son poids de 40 livres. Il a au point de vue physique l'aspect d'un enfant de sept ans. Venu au monde bien constitué, il a cessé de se développer normalement à partir de l'époque où il a été vacciné. Il est le cadet de cinq enfants, deux garçons et trois filles, tous de taille moyenne. Son frère aîné achève son service militaire au 103e de ligne. On ne verra sans doute pas Julien Touchard à la caserne. Le Temps – 30 mars 1909