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26 septembre 2009

Les actualités du 26 septembre 1909

debris republique

Le Dirigeable République s'écrase – Les 4 hommes d'équipage périssent !

Moulins, 25 septembre. Le dirigeable la République vient de faire explosion ; les deux officiers et les deux sous-officiers qui le montaient sont tués ! Telle est la nouvelle terrifiante en son laconisme qui ce matin vers neuf heures se répandit comme une traînée de poudre provoquant partout la plus vive et la plus douloureuse émotion. On venait de le voir passer au-dessus de notre ville, ce dirigeable, et des milliers de personnes ; avaient acclamé les officiers du bord qui les avaient joyeusement saluées.

Le dirigeable, de retour des manœuvres de Lapalisse, avait quitté le parc de Rozières à six heures cinquante du matin ; il était piloté par le capitaine Marchal, le lieutenant Chauré et les adjudants mécaniciens Réau et Vincenot. Le "lâchez tout !" avait été donné en présence de quelques curieux seulement, le départ n'ayant été décidé qu'à la dernière minute, le temps très clair paraissant favorable.

Jusqu'à Moulins, la République avait fait un excellent voyage, acclamée sur tout son parcours par les populations enthousiastes des localités qu'elle traversait. Le dirigeable avait passé à Moulins, à huit heures vingt-cinq ; il marchait à bonne allure à une altitude de cent vingt mètres. On remarquait tout particulièrement sa parfaite stabilité. Sa vitesse pouvait être évaluée à environ quarante kilomètres à l'heure. A ce moment, il avait parcouru quarante-quatre kilomètres à vol d'oiseau.

Le trajet obligeait l'aéronat à suivre la route nationale numéro 7, de Paris à Antibes, et à longer la voie ferrée Paris-Lyon. Il était surveillé par plusieurs officiers du parc aérostatique montés dans deux voitures automobiles. L'une de ces voitures s'arrêta au bureau central des postes de Moulins pour expédier au ministère de la guerre un télégramme signalant que "tout allait bien à bord". Pendant ce temps, la deuxième automobile continuait la poursuite du dirigeable. C'est alors que la catastrophe se produisit.

A son allure constante de quarante kilomètres, l'aéronat passait près du château d'Avrilly, dépendant de la commune de Trévol, et appartenant au comte Jean de Chabannes La Palice, lorsque, d'après des témoignages oculaires, une aile de l'hélice gauche se brisa brusquement et fut projetée en l'air avec force. Ce projectile creva l'enveloppe du ballon, lequel se dégonfla ; en même temps, on entendit une explosion comparable à celle d'un coup de canon : c'est ce qui fit croire tout d'abord à une explosion. Un moment avant, on avait vu le capitaine Marchal échanger des signaux de satisfaction avec les officiers de l'automobile.

L'ensemble du dirigeable tomba comme une masse avec une vitesse vertigineuse et vint s'abîmer sur l'accotement de la route dans un chaos effroyable. Les quatre malheureux officiers ou sous-officiers qui le montaient furent pris sous les débris et horriblement écrasés. Les deux automobiles militaires, qui convoyaient l'aéronat et qui étaient commandées par le lieutenant Tixier, du génie, arrivèrent presque aussitôt. Le personnel du château du comte Jean de Chabannes La Palice et les paysans travaillant dans les champs accoururent prêter leur assistance au lieutenant Tixier et à ses hommes.

La nacelle gisait, littéralement écrasée, sur la route, et recouverte par la toile du ballon ; un silence de mort régnait ! On souleva la toile et alors quel terrifiant spectacle s'offrit à la vue de tous ! La nacelle contenait quatre cadavres. Le capitaine Marchal paraissait assis, le buste renversé en arrière, les yeux grands ouverts. Le lieutenant Chauré était un peu en dehors de la nacelle. Les deux adjudants mécaniciens étaient enfouis sous les cylindres du moteur.

nacelle republique

Les victimes gisaient au milieu d'un inextricable amas de débris de toiles, de fils, d'armature. Ce ne fut qu'après un quart d'heure d'efforts surhumains que l'on put dégager le corps du lieutenant Chauré. L'infortuné officier avait succombé littéralement écrasé par la chute de l'armature.

Dix minutes après, on retira le corps du capitaine Marchal. Quant aux adjudants Vincenot et Réau, écrasés sous le moteur, il fallut près de trois quarts d'heure d'efforts pour les dégager ! Le docteur Buvat, qui se trouvait parmi les sauveteurs examina rapidement les malheureux. Il eut l'impression que le lieutenant Chauré vivait encore, mais le pouls ne battait, plus et les pupilles ne donnaient aucune réaction à la lumière ; la mort survint quelques secondes après. Quant aux trois autres victimes, elles avaient succombé instantanément.

D'un examen plus approfondi, ces constatations ont été faites : Le capitaine Marchal avait une fracture de la voûte crânienne avec épanchement de la matière cérébrale. Il n'avait pas d'autre blessure apparente. Son attitude était celle de l'effroi. Le lieutenant Chauré portait a l'arcade sourcilière droite une profonde blessure et dans l'aine droite -une plaie béante de dix centimètres de longueur sur cinq centimètres de largeur. Son pantalon et sa chemise étaient lacérés.

Les deux adjudants étaient complètement engagés sous le moteur qu'il fallut soulever à l'aide d'un cric. L'adjudant Réau avait le maxillaire inférieur brisé en plusieurs endroits et une jambe fracturée. L'adjudant Vincenot, en attitude de tire-bouchon, avait également une jambe cassée. Les victimes avaient été tuées autant par la violence du choc contre terre que par la chute des agrès sur leurs têtes.

Les corps furent relevés et transportés séparément dans un breack appartenant au comte de Chabannes La Palice, au pavillon du château d'Avrilly. On les déposa sur la toile de l'aéronat et on les recouvrit d'un drap blanc. Les deux adjudants ont été déposés entre leurs deux officiers. Des gendarmes et des chasseurs ont été chargés du funèbre service d'honneur. Dès la terrible nouvelle connue, plusieurs médecins se sont rendus au château du comte de Chabannes La Palice, mais hélas en vain !

Également le préfet est arrivé sur les lieux de la catastrophe, accompagné de son secrétaire général ; de nombreux officiers de la garnison l'ont suivi. Pendant toute la journée, une foule énorme; accourue en automobile, à bicyclette, a, pied, de Moulins et des communes voisines, a encombré la route : l'émotion de tous était considérable. De son côté, une équipe du génie est partie de Nevers pour Trévol, afin dy recueillir les débris du dirigeable qui ont été projetés et disséminés de tous côtés. Le dirigeable gît à terre lamentablement. Il est complètement perdu. La nacelle, la poutre et les appareils de propulsion sont absolument en miettes.

II résulte des premiers renseignements recueillis sur les lieux de la catastrophe, que la perte du dirigeable République s'est produite a la suite de la rupture d'une branche de l'hélice. La pièce détachée a crevé le ballon, qui se trouvait alors à environ 200 mètres de hauteur. Deux voitures d'ambulance de la garnison de Moulins ont été envoyées sur les lieux pour ramener les quatre cadavres à l'hôpital militaire de Moulins, où on a fait leur toilette funèbre.

Une foule vivement émue est allée saluer les dépouilles des victimes. Les deux officiers sont vêtus de vêtements de cuir. Le capitaine Marchal est méconnaissable, la tête ayant été broyée. Le lieutenant Chauré a une attitude tragique. Il a dû, de sa main droite, essayer de déganter sa main gauche, avant que l'a mort l'ait surpris, pour exécuter plus facilement une manœuvre.

Le préfet s'est entretenu avec M. Gondard, maire, au sujet des mesures à prendre. L'autorité militaire va faire décorer l'amphithéâtre de fleurs et de drapeaux. D'autre part, toutes les mesures sont prises à l'hôpital pour que les corps soient conservés parfaitement jusqu'à mardi ; mais les obsèques auront lieu très probablement lundi matin, à dix heures. Cet après-midi, le maire de Moulins a fait mettre en berne le drapeau de l'hôtel de ville, ainsi que ceux des édifices publics. Les habitants ont imité cet exemple.

Le Gaulois – 26 septembre 1909

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L'ambiance à Paris - Paris s'était réveillé gaiement hier. Un beau soleil promettait aux Parisiens une superbe journée et c'était depuis le matin un défilé incessant d'automobiles et de piétons se dirigeant vers le Grand Palais, où avait lieu l'ouverture du Salon d'Aviation. Subitement, vers onze heures, une nuée de camelots s'abattait dans les rues, porteurs d'éditions spéciales, annonçant la terrible catastrophe de Moulins. Une stupeur profonde s'empara de la foule qui avait peine à croire à une semblable calamité. Des groupes se formèrent à tous les carrefours et, le premier moment de stupéfaction passé, une immense consternation régna dans tout Paris. Ouvriers, midinettes, cochers, conducteurs de tramways, gardiens de la paix même, ainsi que la foule élégante qui se pressait aux portes du Grand Palais, tous se communiquaient l'incroyable nouvelle, commentant avec passion et tristesse les détails encore succincts que l'on avait à ce moment. La nouvelle se répandit partout : sur les grands boulevards, on s'arrachait les journaux, les cafés regorgeaient d'un public anxieux de connaître les causes de ce drame affreux. Dans les cercles, ou sont déjà rentrés une grande partie des membres, on commentait avec angoisse la destruction de notre beau dirigeable ; le soir, dans les restaurants, dans les théâtres, l'émotion était générale : elle était sincère, douloureuse même ; on comprenait que la perte de cette admirable unité de combat, qui ensevelit-sous ses lambeaux déchiquetés quatre victimes du devoir, était un véritable deuil national. Le gaulois – 26 septembre 1909

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