Les actualités du 9 octobre 1909
La crise sardinière: bagarre à Douarnenez, les gendarmes chargent
De graves événements se sont déroulés, cet après-midi, à Douarnenez, où l'agitation la plus vive règne depuis quelques jours. Vers quatre heures, après la réunion de la salle de Venise, où s'étaient rendus 4,000 pêcheurs, une colonne de manifestants se forma et voulut sortir drapeau rouge en tête.
Le préfet, M. Giraud, voulut s'opposer à cette exhibition, mais il du renoncer à son opposition, le patron pécheur Stéphan lui ayant promis que la manifestation serait calme. M. Giraud se contenta de donner aux gendarmes à cheval l'ordre de prendre la tête des manifestants qui s'engageaient à travers la ville en chantant l'lntemationale.
La colonne visita d'abord l'usine Chancerelle, ou elle obligea les femmes qui y travaillaient à sortir. La même manœuvre fut faite aux usines Béziers, et les manifestants, après avoir visité les usines Carnaud et Duguet, revinrent devant la manufacture Robert Chancerelle. Le préfet et le commissaire de police Rio voulurent alors s'opposer à l'envahissement de l'usine.
Malgré leurs exhortations, les manifestants qui étaient très surexcités, continuèrent à s'avancer. Ils entourèrent bientôt les magistrats, et, comme M. Giraud leur intimait l'ordre de se disperser, un certain nombre se précipitèrent sur lui et le malmenèrent de façon brutale. S'adressant alors, aux gendarmes, le préfet cria : Déblayez-moi toute la rue !
Ce fut alors le signal d'une bagarre épouvantable. Noyée dans la foule des pêcheurs, les gendarmes reçoivent sans broncher d'énormes pierres. Leurs chevaux, tiraillés par les manifestants, se cabrent, menaçant de les désarçonner. Devant cette situation, le préfet fait avancer les chasseurs à cheval de Pontivy. Mais quand les cavalièrs arrivent, ils se heurtent à une barricade faite de madriers et de moellons. Pour se dégager, les gendarmes doivent mettre sabre au clair et charger à travers la foule. Cette opération, menée avec vigueur, réussit seulement à disperser les manifestants.
Naturellement, elle ne se fit pas sans dommages. Quinze pêcheurs furent retrouvés, après le passage de la charge, blessés plus ou moins grièvement. Trois d'entre eux durent même être conduits sur le champ à l'hôpital. Du côté de la police, un capitaine de gendarmerie a reçu une grosse pierre dans le dos. Le préfet, qui a immédiatement demandé des renforts, se tient en permanence à la mairie, car on redoute de nouveaux désordres pour cette nuit.
Le Petit Parisien – 9 octobre 1909
La typhoïde ravage saint- Brieuc |
EN BREF
La folie d'un chauffeur — Un terrible drame s'est déroulé hier, vers onze heures et demie du matin, à Epernay. Les rues étaient remplies d'ouvriers quittant les ateliers et les caves, lorsqu'une voiture automobile dans laquelle se trouvait un chauffeur et un chien arriva à une allure fantastique par le pont de Marne. Pressentant un accident qui ne pouvait manquer de se produire, un agent qui se trouvait de planton sur le pont fit signe au chauffeur d'avoir à modérer son allure, mais celui-ci, au lieu d'obéir, mit de l'avance à l'allumage et pénétra dans la ville à plus de 100 kilomètres à l'heure, disent les témoins. Au vol, le policier put saisir le numéro de la voiture : le 964- N-2. Arrivé rue Jean-Moët, l'automobile, qui n'avait pas ralenti sa marche, happa au passage un ouvrier caviste, M. Georges Renard, âgé de vingt-six ans, et qui fut, par un hasard extraordinaire, enlevé du sol. Accroché à l'avant du châssis de la machine il fut emporté pendant plus de 100 mètres. Il se trouvait toujours sur l'avant de l'automobile lorsqu'au coin de la rue Bernon deux fillettes qui traversaient la chaussée furent renversées. La première a été tuée sur le coup ; quant à la deuxième, elle respirait encore lorsqu'on la releva, mais au bout de quelques instants, elle rendait le dernier soupir. Aux cris poussés par les témoins de cet accident, de courageux citoyens se mirent en travers de la route, décidés coûte que coûte à arrêter ce fou criminel qui continuait à rouler sans se soucier du passant qu'il avait happé et des fillettes qu'il avait tuées. Enfin, le chauffeur n'osa pas renverser la barrière humaine qui se dressait devant lui, il arrêta sa machine. Aussitôt vingt personnes se précipitèrent sur lui, l'arrachèrent de son siège et se mirent en devoir de le lyncher. Il était déjà en piteux état lorsque les agents vinrent l'arracher des mains de la foute qui voulait le tuer. Il fut conduit au commissariat de police où son identité fut établie; c'est un nommé Otto Dobler, âgé de vingt-six ans, sujet allemand. Il était au service d'un propriétaire de Hautvillers (Marne) depuis cinq ou six jours seulement. M. Gaston Renard, la première victime du chauffeur criminel, ne porte que des contusions sans gravite, mais l'épouvantable vision qu'il eut, au moment où il fut enlevé par la voiture et surtout où la voiture renversait sous ses yeux les deux pauvres fillettes, lui a donné une forte commotion cérébrale. Les deux fillettes tuées se nomment : Lucie Landwerlin, âgée de treize ans, et Simone Koeltgen, âgée de six ans et demie. Les corps des deux victimes ont été ramenés chez les parents, de modestes ouvriers, dont la douleur est indicible. Le Temps – 9 octobre 1909
Un pont près de s'effondrer - Orléans, 9 Octobre - Ce matin, une des culées en maçonnerie du pont de Joie, établi au sud de la gare des Aubrais au-dessus des voies du chemin de fer s'est effondrée de plusieurs mètres, laissant suspendu dams le vide le bout du tablier metallique. Il n'y a eu aucun accident de personnes. Les mesures de sécurité ont été prises aussitôt et la circulation des trains sous le pont n'a pas été entravée ; la cause de l'accident paraît dû à l'infiltration de l'eau amassée depuis quelques jours dans la tranchée d'un tunnel, creusé actuellement près de la culée du pont. Le Petit Journal – 10 octobre 1909
Une bourrasque sur Paris - Une averse furieuse est tombée, hier, sur Paris et sa banlieue, il allait être midi quand, tout à coup, le ciel s'assombrit. Le vent se mit à souffler avec force de l'ouest ; un coup de tonnerre retentit et la pluie se mit à ruisseler avec une telle abondance qu'en deux minutes les chaussées des rues formèrent des nappes d'eau de plusieurs' centimètres, d'épaisseur, fait très rare à Paris. Cela, fort heureusement, dura tout au plus un quart d'heure; Ce petit déluge avait succédé à la bourrasque qui, elle aussi, avait été d'une violence extrême et avait causé plusieurs accidents. Le Petit Journal – 9 octobre 1909