Les actualités du 20 novembre 1909
Un village corse emporté par un éboulement
Ajaccio, 19 novembre. Les pluies torrentielles qui tombent sans discontinuer depuis une dizaine de jours ont provoqué hier un important éboulement dont a eu fort à souffrir le village d'Ota, bâti en amphithéâtre sur le flanc d'une montagne, dans un des sites les plus pittoresques de Corse. Sous l'action de l'eau un des énormes rochers qui surplombent le village s'est détaché entraînant à sa suite une énorme masse de terres et de rochers.
L'éboulement a tout emporté sur son passage. Quatre maisons ont été détruites ; plusieurs autres ont été fortement endommagées. L'amas de terres et de rochers est allé s'abîmer, après un parcours de deux kilomètres au fond du ravin de la Spelunea qui a été en partie comblé.
On n'a malheureusement pas que des dégâts matériels à déplorer. Sous les ruines de l'une des maisons effondrées on a, en effet, trouvé les cadavres de Dominique Alfonsi, quarante-cinq ans, et de son fils, Antoine, âgé de sept ans. En outre, une quinzaine de personnes ont été assez sérieusement blessées. Les plus gravement atteintes ont été transférées à l'hospice d'Ajaccio.
Nombre de familles, qui ont tout perdu, se trouvent actuellement sans abri. Des secours urgents ont été demandés. Le service des ponts et chaussées avait, à maintes reprises, signalé le danger que présentait pour le village d'Ota l'instabilité des rochers qui le surplombent, qui donnent aux touristes l'impression de ne pas adhérer à la montagne. Cependant la population ne s'était pas émue.
Il est vrai que d'après une légende à laquelle les gens de la région accordent la plus grande créance, des fées bienfaisantes tiennent à l'aide de fils ces masses rocheuses et chaque année, au mois de mai, des jeunes filles vont déposer, au pied de ces rochers une certaine quantité d'huile vierge destinée à oindre les cordes protectrices. Cette huile était, du reste, fort appréciée des fées car elle disparaissait régulièrement le lendemain du jour où elle avait été déposées.
Le Petit Parisien – 20 novembre 1909
EN BREF
Des spectacles à la bougie - Par suite d'un accident survenu, hier soir, dans une tranchée, rue du Château-d'eau, et au cours duquel un câble électrique avait été avarié, plusieurs concerts et music-halls du quartier Saint-Denis ont été privés de lumière.Le concert de la Scala et d'autres établissements ont dû rembourser le prix des places. D'autres théâtres ont continué leurs représentations à la lueur des bougies. Le Petit Parisien – 20 novembre 1909
Un volcan éteint depuis plusieurs siècles menace Ténériffe - Madrid,
19 novembre — On télégraphie de Tenériffe (îles Canaries) que le pic de Teyde
éteint depuis plusieurs siècles, est en éruption. Trois cratères ouverts sur les
flancs de la montagne, du côté des villages de Tanque et de Santiago, vomissent
de temps en temps des laves. Jusqu'à présent les laves ne sont pas abondantes,
et l'on ne peut encore déterminer quelle direction prendront ces matières
incandescentes quand l'éruption aura atteint son complet développement. De très
fortes détonations se font entendre ; on les perçoit à quarante kilomètres. Les
tremblements de terre furent fréquents dans la région ces temps derniers et ils
semblent avoir été les précurseurs de cette éruption, dont il est impossible
pour l'instant de prévoir l'intensité. Une zone très peuplée, où se trouvent six
grands villages appelés Guia, Santiago, Silos, Tanque, Garachico et Icoo, est
menacée. La panique est immense. Les habitants fuient vers la côte, où les
vapeurs qui font le cabotage vont les recueillir. On prépare activement
l'évacuation de toute la région menacée. Les nouvelles reçues jusqu'à présent ne
signalent pas de victimes. Le pic de Teyde a une hauteur de 2,715 mètres
au-dessus du niveau de la mer, et il se trouve au centre de montagnes formées
par des laves. Il domine une vaste et belle vallée aussi étendue que celle qui
se trouve au pied du Vésuve et tout aussi fertile. Les villages actuellement
menacés ont subi déjà plusieurs éruptions. La première remonte au quinzième
siècle. Le village de Garachico fut détruit en 1706. Tout disparut; maisons,
chemins, plantations, moulins, etc... Le souvenir de cette catastrophe augmente
la panique actuelle. Le Matin – 20 novembre 1909