03 janv. 10
Les actualités du 3 janvier 1910
Le 31 décembre, on soupait dans l'un des restaurants les plus élégants de New-York. Toutes les places avaient été retenues à prix d'or et vraiment les convives étaient les plus heureux et les plus joyeux du monde. Ils faisaient honneur au menu délicat et se félicitaient d'attendre la nouvelle année avec une aussi grande joie de vivre. Pour que les premières minutes de 1910 fussent accueillies avec éclat, ils avaient décidé que les lumières seraient éteintes deux minutes avant la fin de 1909, et l'électricien avait reçu l'ordre d'attendre le douzième, coup de minuit pour donner à nouveau le courant et illuminer brusquement la salle de toutes ses lampes éblouissantes.
Fidèle à ces instructions, au milieu du repas l'électricien tourna ses commutateurs et les convives se trouvèrent brusquement dans l'ombre la plus complète. Il y eut cinq secondes de surprise et de silence, puis les conversations a voix basses coupées des sentences exprimées à voix haute par les consciences tranquilles, puis les petits rires des dames, les vibrations des verres en cristal. Déjà on s'accoutumait à l'obscurité lorsqu'un cri terrible s'éleva, et des flammes brillèrent, rapides et tourmentées, jetant une lueur sinistre dans laquelle on vit soudain une femme terrifiée se dresser comme une folle. La robe de Mme Charles Ellis venait de prendre feu.
La serviette et la nappe elle-même brûlaient. Les convives s'écartaient de la table et se heurtaient à ceux qui s'élançaient pour étouffer les flammes. La mêlée en un instant fut abominable. Les femmes s'évanouissant, les hommes renversant tables et chaises, saisissant à tâtons les seaux à glace des bouteilles de Champagne et les renversant autour d'eux, enlevant leurs habits noirs et les jetant avec leurs serviettes pour éteindre l'incendie naissant. Cependant l'électricien fidèle à sa consigne, restait immobile devant les hurlements de peur et de douleur, les appels désespérés et sauvages qu'il prenait pour autant de plaisanteries, un peu grossières mais joyeuses. Il attendait en souriant que l'horloge sonnât minuit.
Enfin le timbre retentit. Un, deux, trois, à douze il donna la lumière et la salle éclairée magnifiquement apparut bouleversée, pareille à un champ de bataille où des femmes roulaient évanouies dans leurs robes déchirées, où les hommes gesticulaient comme des fous et emportaient par-dessus les tables renversées Mme Charles Ellis, grièvement brûlée, à demi morte.
Le Figaro – 3 janvier 1910
EN BREF
Collision en mer d'Irlande – 13 victimes - Londres, 2 janvier - Une
grave collision entre deux vapeurs s'est produite dans la mer d'Irlande. Le
paquebot Ayrshire, appartenant au port de Glascow, était parti samedi de
Liverpool avec deux cents passagers à bord, à destination de la Perse et de
l'Australie. Le brouillard était épais, rendant difficile la traversée de la mer
d'Irlande. Tout à coup, un choc terrible se fit sentir : l'Ayrshire avait
atteint en flanc un autre navire. Toutes les mesures furent immédiatement prises
à bord de l'Ayrshire pour secourir le bâtiment en danger, mais la collision
avait été si violente qu'on ne réussit à sauver qu'une partie de son équipage.
En quelques minutes, l'Arcadian — c'était le nom du vapeur — coula avec treize
lascars occupés dans la chaufferie. Le brouillard s'étant levé peu après, on
aperçut l'Ayrshire de Holyhead et on vint le prendre en remorque pour le ramener
au port et réparer ses avaries. Le Gaulois – 3 janvier 1910
Grève des machinistes au théâtre de Lille - Lille, 2 Janvier - Sans que rien n'ait pu faire prévoir l'incident, machinistes et aides machinistes du Théâtre Municipal de Lille se sont mis en grève, ce soir, pendant la représentation qui comprenait : le Courrier de Lyon, Samson et Dalila et le Sursis. Les négociations ont duré plus d'une heure. Cependant, le public nombreux, réclamant le rideau sur l'air des Lampions, manifestait bruyamment. Enfin, les grévistes ont accepté de reprendre le travail sur la promesse d'une augmentation de cinquante centimes par jour. Le régisseur, qui avait signalé au public la cause de la longueur inaccoutumée de l'entr'acte, est venu rendre compte aux spectateurs des résultats des négociations. Des ovations lui ont été faites et la soirée s'est terminée sans autre incident. Le Petit Journal – 3 janvier 1910