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CPA Scans
5 février 2010

Les actualités du 5 février 1910

Inondation 1910 sauveteurs

La fin du cauchemar

Paris vient de vivre quinze journées et quinze nuits sinistres, douloureuses, affolantes par instant; et il les a vaillamment vécues. A l'assaut si imprévu du fléau il a opposé tout d'abord une fermeté d'âme, une crânerie, une bonne humeur dont les étrangers, demeurés au milieu de nous, s'avouaient non pas surpris mais émus, et déjà rassurés. Mais Paris a fait mieux que d'être brave; il a su faire face à l'ennemi terrible il a su lutter, et jour à jour, à force d'opiniâtreté, de discipline, de ténacité intelligente, être plus fort que lui.

L'organisation de la défense contre l'eau, des secours, des moyens de transport à rétablir et modifier vingt fois par jour, à mesure que la catastrophe y jetait quelque perturbation nouvelle, fut à la fois une œuvre de courage et de méthode dont Paris, dans l'avenir aura sujet de s'enorgueillir, comme d'une bataille gagnée. En particulier, on ne saurait assez louer et remercier nos grandes Compagnies de chemins de fer, si épouvantablement éprouvées par le sinistre, de l'effort héroïque fourni par elles sans tapage, froidement, durant ces journées effarantes où l'on vit d'abord une Compagnie en recueillir une autre; puis, sinistrée elle-même, en appeler à son secours une troisième. et dans ce désarroi fou, des horaires nouveaux s'établir, les trains de trois réseaux combiner leur marche; et tout cela sans qu'il en résultât une hésitation, un à coup dans le service, une résistance du personnel, un accident.

Nos industriels, nos commerçants n'ont pas supporté l'épreuve avec moins de vaillance. Un seul chiffre, cité hier à la tribune de la Chambre des députés, suffit à le démontrer. La Banque de France s'était préoccupée de la situation faite aux débiteurs des effets payables dans le département de la Seine et la banlieue pour l'échéance du 31 janvier. Et elle avait prescrit à ses agents de faire remarquer aux débiteurs, en leur présentant ces effets, qu'ils disposaient, pour les payer, d'un délai légal à vingt jours. On suppose peut-être, que la majorité des débiteurs a cru devoir mettre à profit cette tolérance? Nullement. Cinq pour cent des effets présentés par la Banque, en temps ordinaire, reviennent impayés. La proportion, cette fois, a été de dix pour cent au lieu de cinq.

Pas un instant Paris n'a donc été atteint aux sources de son activité économique. Et si le sinistre a multiplié chez nous et autour de nous des ruines qui doivent être promptement et puissamment secourues, ces ruines ne doivent pas un instant nous faire oublier qu'il y a derrière elles une grande cité pleine de courage, où la vie ne s'est point arrêtée, et qui demeure à tous l'accueillante ville qu'elle fut toujours. Elle a pour l'instant quelques blessures à panser; et son joli visage est marqué, çà et là, de balafres inattendues. Mais ne serait-ce pas pour les vrais amoureux de Paris une raison de plus d'y revenir, et bien vite ?

Si quelque chose est capable d'adoucir le malheur qui vient de nous atteindre, c'est à coup sûr le merveilleux élan de sympathie que le monde entier est en train de marquer à la France. Cette sympathie dépassé tout ce à quoi ou aurait pu s'attendre. Le chiffre colossal des dons qui ont été souscrits en quelques jours, parfois en quelques heures, est bien fait pour nous toucher. Comment citer ces innombrables donateurs, comment leur dire à quel point leur générosité si spontanée et si affectueuse est allée au cœur de tous les Français ? Plus de trois millions nous sont déjà arrivés de l'étranger. La souscription ouverte par le lord-maire de Londres dépasse à elle seule le million. Il en est de même de celle des Etats-Unis. Un seul Etat, celui de Massachusetts, contribue pour 250,000 francs; on parle, de la même somme pour l'Etat de New-York. Et que dire de ce citoyen américain, bien connu à Paris, M. Rodman Wanamaker, qui désire prendre à sa charge tous les frais résultant de la distribution de pain aux sinistrés ?

Ce n'est pas uniquement l'importance extraordinaire des dons qui nous frappe mais aussi le grand nombre des donateurs à côté des puissants et des riches, que de petits, que d'humbles ont tenu à nous envoyer leur obole On éprouve une singulière émotion à parcourir ces listes, à lire les noms de tous ces amis lointains dont le malheur nous a révélé l'affectueuse sympathie.

Le Figaro – 5 février 1910


EN BREF

Au vélodrome d'hiver - À la veille d'ouvrir ses portes au public le Vélodrome d'Hiver a été transformé en une presqu'île reliée au reste du monde par la seule et unique voie du Métropolitain Etoile-Italie. Encore quelques centimètres de crue et l'immense salle couvrant plus d'un hectare était submergée. Dans ces conditions il ne fut plus question d'ouverture et les charpentiers présents au Vélodrome allèrent construire des passerelles pour les maisons inondées d'alentour avec les bois et les échafaudages du Vélodrome.Le quartier des coureurs construit le long de la rue des usines fut entièrement noyé ainsi que le souterrain qui conduit sur la pelouse.L'eau a maintenant baissé de plus d'un mètre et les dégâts sont heureusement peu importants. D'ici cinq ou six jours tout sera remis en ordre et nous aurons le 13 février prochain la première tant attendue.Le meeting d'ouverture sera donné avec le programme; déjà annoncé, les dimanches, 13 et 20 février! Le Gaulois – 5 février 1910

 

Nostalgie d'ours - La situation de l'ours Martin hospitalisé chez les animaux féroces du Jardin des Plantes est vraiment digne de tout notre intérêt. On a un peu négligé le plus aimable des végétariens, très injustement. Il faut savoir gré à un animal armé de semblables crocs de ne pas être carnivore. Il a beaucoup plus de mérite que les vulgaires ruminants. Or, nous le laissons parmi les fauves et il se meurt de dégoût et de peur. Les temps ont bien changé depuis que l'arche de Noé atterrit sur le mont Ararat et que les animaux se répandirent sur la terre, par couples sagement conjugaux. Les livres nous ont montré le défilé touchant, qui se renouvelle le samedi, à la porte des mairies. Mais que ce tableau est loin de la réalité Il suffit de passer un quart d'heure au Jardin des plantes, pour s'en convaincre. Entre les tigres, les léopards, les panthères et les lions, l'ours Martin a perdu sa jovialité. Et depuis qu'il a appris la mort de cette grande girafe et de ces deux petites antilopes, il se meurt d'inquiétude. Dès qu'on pénétre dans la galerie, il se soulève et du regard demande qu'on le ramène chez lui, dans sa fosse, prés de son arbre. Non point qu'il méprise ses hôtes il les respecte au contraire et leur sait gré de ne pas lui faire peur; mais parce que, comme tous les sinistrés, il a hâte de rentrer chez soi. Des bonnes sociétés d'assistance aux animaux ont protégé les chiens et les chats victimes de l'inondation. Ne feront-elles rien pour l'ours national et populaire ? Le Figaro – 5 février 1910

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