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26 mai 2010

Les actualités du 26 mai 1910

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Graves incidents de grève à Mery-Sur-Oise

Mery sur Oise cariere grue

Mery sur Oise – 25 mai - La riante commune de Méry-sur-Oise est actuellement troublée par des faits de grève d'une extrême gravité : les carriers de la région, qui ont abandonné le travail depuis soixante-six jours, se livrent aux actes de sabotage les plus violents, et la situation semble devoir prendre un caractère révolutionnaire nettement caractérisé, les grévistes ayant rallié à leur cause les ouvriers des autres corporations. Il s'agit, comme toujours, d'une question de gros sous ; les carriers exigent une augmentation de salaire que les patrons se veulent pas, ou ne peuvent pas, leur accorder. D'où conflit très calme — la grève des bras croisés sans manifestation aucune — jusqu'au jour, c'était la semaine dernière, où une trentaine de renards, désireux de donner du pain à leur famille, abandonnèrent les meneurs du mouvement gréviste et reprirent le chemin des carrières, acceptant de travailler aux conditions anciennes.

Dès lors, l'exaspération des chômeurs éclata et les violences commencèrent. A la grève des bras croisés succéda la grève des poings tendus et, par solidarité, les plâtriers d'Argenteuil, de Vauréal, de Sergy, de Villiers-Adam se joignirent aux carriers de Méry : le mouvement comptait à ce moment près de trois mille hommes auxquels ne tardèrent pas à se mêler tous les chômeurs de la région. Et bientôt l'on vit poindre également quelques gréviculteurs de profession, toujours à l'affût de mauvais coups à faire exécuter.

Dans ces conditions, les événements ne pouvaient manquer de se précipiter. D'abord, hier, les grévistes s'attaquèrent aux grues, qui montent, à la gare des marchandises, la pierre extraite des carrières. Ces grues furent sabotées et mises hors d'usage. Le sous-préfet de Pontoise accourut et réquisitionna d'urgence une soixantaine de gendarmes ; c'était insuffisant, et pendant toute la journée les scènes les plus violentes se succédèrent, sans qu'il fût possible de les empêcher.

Comme le matin les grévistes avaient appris que la Compagnie du Nord avait l'intention de faire partir un train, formé de wagons chargés de pierres de taille, train bloqué depuis plusieurs jours, deux cents carriers envahirent la gare, avec la volonté d'empêcher ce départ. Les femmes, accompagnées de leurs enfants, survinrent peu après ; elles n'étaient pas les moins exaspérées, ces femmes. Elles mêlèrent leurs menaces, leurs injures et leurs cris à ceux des hommes, prêtes à faire un mauvais parti aux agents de la Compagnie qui ne paraissaient nullement intimidés. Le train, néanmoins, était sur le point de démarrer, lorsque les femmes eurent l'idée de s'étendre sur la voie avec leurs enfants, criant sur un ton de défi : Osez donc donner le signal du départ ! L'intervention du capitaine de gendarmerie qui tenta la conciliation n'eut aucun succès ; on le conspua, sept arrestations furent opérées mais le train resta en panne, et finalement les grévistes se retirèrent triomphalement... car, entre temps, ils avaient déboulonné les essieux des wagons.

Ce n'était pas fini. D'autres méfaits furent ensuite commis dans des carrières de la route de Bonnelles, où le travail avait été repris partiellement et où les grévistes sabotèrent tous les appareils d'extraction. La nuit était venue. Les grévistes, leurs femmes et leurs enfants campèrent à la belle étoile, couchèrent sous les roues des wagons, brûlant des traverses de ballast et, pendant toute la nuit se chauffant autour de ces bûchers improvisés. Ainsi se passèrent la journée d'hier et la dernière nuit.

Ce matin, l'effervescence s'était encore accrue et la présence des nombreux gendarmes de renfort nouvellement réquisitionnés n'imposait à personne. Dès le petit jour, les grévistes et leurs familles avaient abandonné la voie ferrée laissée par eux en piteux état pour aller s'installer aux environs. Toute la matinée, ils se concertèrent, prêts à tenter de nouveaux attentats, tandis que le préfet de Seine-et-Oise, le sous-préfet de Pontoise et le commissaire spécial de Versailles s'entretenaient de la situation et arrêtaient des dispositions en vue de maintenir l'ordre et faire respecter la liberté du travail.

Cette conférence fut tout à coup interrompue par un cycliste qui vint annoncer au sous-préfet : Deux cents grévistes chantant l'Internationale viennent d'envahir la voie ferrée au-delà de la gare ; ils détruisent tout et s'apprêtent à faire basculer la grue des marchandises. Accompagné de gendarmes, le sous-préfet se rend immédiatement à l'endroit indiqué et l'auteur de l'attentat pris sur le fait est mis en état d'arrestation. Mais: ses camarades veulent s'y opposer, excités par les femmes qui leur crient à s'époumonner : Hardis les hommes ! A bas les gendarmes ! Vive la grève !

Alors, une violente bagarre éclate : les gendarmes tentent de repousser les manifestants de plus en plus furieux ; ceux-ci, armés de boulons et de pierres, que les femmes et les enfants leur ont apportés, lancent leurs projectiles dans la direction des gendarmes ; des corps à corps se produisent, les bâtons se mettent de la partie, le sang coule... Et, comme des troupes de renfort arrivent au pas de course et s'apprêtent à charger les émeutiers, les femmes et les enfants se couchent par terre afin d'empêcher la charge.

Cette tactique réussit pleinement. Elle permet aux grévistes de s'esquiver et de se mettre momentanément hors d'atteinte. Ils escaladent avec prestesse les talus d'où ils recommencent à jeter des pierres, des boulons et des débris de toutes sortes sur les gendarmes. L'assaut est ordonné ; les braves soldats ainsi menacés, et dont plusieurs sont déjà blessés, se précipitent à la poursuite de leurs adversaires ; à leur tour, ils grimpent sur les talus et alors une véritable chasse à l'homme s'effectue, mouvementée, presque tragique...Les haies, les buissons sont fouillés, des cris de haine et de mort sont poussés ; des arrestations sont opérées et, finalement, la voie ferrée est occupée militairement, tandis qu'un poste est installé à la gare. Les gendarmes blessés sont transportés en automobiles à l'hôpital de Pontoise.

Bientôt ces violents incidents ont une fâcheuse répercussion parmi les terrassiers et les poseurs de la voie ferrée, qui sur l'ordre de leur secrétaire, le citoyen Delpierre, décident de se joindre au mouvement. Dans la soirée, des charges ont dû encore être ordonnées aux abords de l'entreprise Hennocque, que des bandes avaient envahie. L'insuffisance des troupes actuellement à Méry ayant été reconnue, le préfet de Seine-et-Oise a réquisitionné de la cavalerie, qui, demain, prendra possession de la gare et assurera le service des patrouilles.

Le Gaulois – 26 mai 1910


EN BREF

Roumanie Un jockey tué par le public - Bucarest, 25 Mai - Le champ de courses de Braïla a a été hier après-midi le théâtre d'un drame sans précédent dans les annales sportives. Le public ayant remarqué que le jockey Gallas retenait son cheval, se mit à protester. Plusieurs parieurs furieux de cette manœuvre, sortirent alors leurs revolvers et tirèrent sur Gallas qui, criblé de balles, tomba de cheval. Il avait succombé. Une panique indescriptible se produisit sur la pelouse et on dut interrompre la réunion. Des troupes appelées ont réussi à rétablir l'ordre, mais les meurtriers du jockey avaient disparu, profitant du tumulte. Le Petit Journal – 26 mai 1910

Les sapeurs du Génie font sauter un clocher - Mantes, 25 juin. Les sapeurs du génie de Versailles ont. fait sauter ce matin, le clocher de l'église de Moutchauvet, près Septeuil, qui, depuis le mois de décembre dernier, était fort endommagé. C'est à la suite d'un violent orage que ce clocher, qui date du quinzième siècle, avait été en partie détruit. Depuis lors, les architectes avaient longuement examiné l'église et déclaré nettement, dans leurs divers rapports, que la destruction immédiate du clocher était indispensable, étant donné le danger réel que présentait cette partie du monument. La direction du génie envoya donc, ce matin, un détachement à Montchauvet. Les hommes placèrent trente kilogrammes de mélinite dans une anfractuosité de la pierre et s'éloignèrent après avoir mis le feu à la mèche. Le Petit Parisien – 26 mai 1910

Un réserviste impotent doit rejoindre son corps - Cherbourg, 25 mai - Cet après-midi, à l'arrivée des réservistes, les Cherbourgeois ont été douloureusement émus en voyant descendre du train un homme qui, les pieds enveloppés dans de l'ouate, se traînait péniblement sur deux béquilles. Ce réserviste, nommé Auclair, demeurant 24, rue Mouffetard, à Paris, déclara s'être présenté par deux fois aux Invalides pour obtenir une dispense. N'ayant pas été reconnu, il avait dû rejoindre son corps sous peine de passer pour insoumis. Au 1er d'infanterie coloniale, où Auclair est affecté, le médecin-major l'a reconnu impropre au service. Il a rédigé un rapport tendant à faire renvoyer Auclair dans ses foyers. Le Petit Parisien – 26 mai 1910


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