01 août 10
Les actualités du 1er août 1910
Octave Lapize remporte le Tour de France
Caen, 31 juillet — C'est au café du Chalet en présence d'une foule
considérable que se sont déroulées les opérations préliminaires au départ de la
quinzième et dernière étape du Tour de France 1910. C'est M. Machurey, assisté
des dirigeants des Sociétés Sportives caennaises et de nombreuses hautes
personnalités, qui assumait la direction des formalités de contrôle, sous la
surveillance de notre excellent confrère Victor Breyer. Inutile de dire que l'on
acclame tous les favoris, en particulier Lapize et Faber qui sont très dispos.
Tous les deux déclarent qu'ils triompheront ; cela nous promet un duel peu
banal.
Le contrôle est levé à 6 h.40 et en cortège le groupe des coureurs est dirigé vers la place Saint-Gilles où l'on procède à un dernier appel. Le signal de départ est donné à 7 heures précises. Le lot s'est ébranlé en bon ordre et bientôt l'allure fut excessivement rapide. Garrigou, Ernest Paul et Azzini sont au commandement. Quatorze coureurs passent ensemble à Cabourg (24 kil. de Caen, à 238 de Paris), à 7 h. 40. Paulmier et Faber reprennent la tête et le train redevient encore plus vif. Lapize est au milieu du second peloton qui se trouve à 150 mètres. A Houlgate (28 kil.), le contrôle, superbement installé, est dirigé par le dévoué et sympathique M. Gervais ; les coureurs sont très acclamés à leur passage.
Partout, dans tous les plus petits pays, les braves gens applaudissent au passage les géants de la route. A Deauville (42 k.), c'est la cohue, plusieurs milliers de personnes forment une haie imposante et Faber qui est toujours en tête est vivement acclamé. Nous arrivons à Pont-l'Evêque (52 kil. de Caen, à 210 kil. de Paris). Faber, Paulmier, Ernest Paul, Vanhouwaert, Garrigou, Gruppelandt, Azzini, Maitron et Albini passent à 8 h. 32 ; Lapize, Cruchon, Deloffre, Lafourcade, Blaise, etc., sont à cinq minutes.
Malgré le temps incertain, la route est envahie de promeneurs cyclistes et pédestrians qui sont, venus pour assister à cette bataille finale. Après Beuzeville quelques crevaisons et le lot de tête perd une unité. A Pont-Audemer (79 kil. de Caen, à 183 kil. de Paris) l'infatigable Augé dirige le contrôle; installé , à l'Hôtel du Pot d'Etain. Grâce l'activité des membres des sociétés sportives, la route est bien .dégagée et les "Tours de France" peuvent passer aisément. Paulmier, Faber et Ernest Paul sont, toujours au commandement.
Rien de bien sensationnel à vous signaler jusqu'à Rouen, si ce n'est que le train est toujours aussi vif et que Cruppelandt, le champion de Le Globe, fait preuve d'un courage et d'une valeur, hors ligne. Plus nous approchons de la capitale de la Normandie, plus le nombre des cyclistes et pédestrians grossit, et c'est, une véritable mer humaine que nous trouvons à notre arrivée au contrôle de Rouen (129 kil. de Caen, à 133 kil. de Paris).
Depuis Rouen le train s'est maintenu régulier. A la sortie de Caudebec, Cruppelandt a été lâché par suite d'une crevaison. Ernest Paul et Faber sont réellement merveilleux. Ernest Azzini, Ménager et Bettini font également preuve d'un grand courage et suivent aisément l'allure rapide. A Gaillon (172 kil. de Caen à 90 de Paris), le peloton de tête comprenant toujours cinq hommes passe à midi 10 ; Cruppelandt, à midi 16 ; Paulmier, Cruchon, Garrigou et Lapize, à midi 21.
Nous voici à Vernon (185 kil de Caen, à 77 kil. de Paris). Malgré Le vilain temps, il y a foule aux abords du contrôle installé pair l'aimable Hoschédé, au garage Moché. Bettini, Faber, Ménager, Ernest Paul et E. Azzini passent ensemble à midi 45; Le second peloton, comprenant Garrigou, Cruppelandt, Vanhouwaert, Lapize et Cruchon arrive à midi 52, et, 200 mètres en arrière, nous apercevons Albini.
Cette fin de course fut réellement émotionnante. Dans le premier lot, Faber, E. Paul, Ménager, Azzini et Bettini menaient un train fantastique et dans le second peloton Lapize, secondé admirablement par Garrigou parvenait à reprendre peu à peu son avance. Jamais fin de course ne fut aussi empoignante et ce duel Faber-Lapize, pour la première place du classement général, restera à jamais mémorable pour ceux qui en ont pu suivre les diverses phases.
Malgré lé temps épouvantable, une foule considérable se pressait depuis Versailles pour applaudir les coureurs. A Ville-d'Avray les coureurs ne s'arrêtaient pas et, par suite de leur état, tellement ils sont couverts de boue, les spectateurs présents ne peuvent les reconnaître. On crie vive Lapize alors que c'est Azzini qui est en tête du peloton qui comprend encore Emest Paul et Ménager. Faber passe deux minutes après, c'est-à dire à 2 h. 55, le sympathique champion a fait une chute dans Picardie ; Albini passe à 3 h. et Lapize à 3 h. 15 ; Cruchon, Vanhouwaert, Paulmier et Garrigou arrivent ensemble à 3 h. 15, etc.
Depuis Ville-d'Avray ce fut la course triomphale. Escortés de cyclistes, de pédestrians, nos braves routiers, luttèrent plus vaillamment encore ; les trois leaders Ménager, Azzini et Ernest Paul arrivèrent ensemble au Vélodrome d'Auteuil dont les diverses enceintes étaient archi bondées A l'emballage finali l'Italien Ernest Azzini prit l'avantage par deux longueurs sur Ernest Paul qui précédait Ménager de la même distance.
Il serait difficile de décrire l'enthousiasme de cette foule qui applaudit à tout rompre les héros de la plus grande bataille des annales sportives du monde. Les trois premiers venaient d'achever leurs tours de piste lorsque François Faber fit son entrée. On fait une chaleureuse ovation au populaire François qui véritablement a été poursuivi par la malchance. Quatre minutes après, c'est le tour de Bettini. Puis cinq minutes d'attente et voici Lapize qui prend ainsi la première place du classement général. Les arrivées se succèdent ensuite assez rapidement.
Classement général définitif: 1. Octave Lapize, sur bicyclette Alcyon, munie de pneus Dunlop, 63 points ; 2. F. Faber, sut bicyclette Alcyon, munie de pneus Dunlop, 67 points ; 3. Garrigou, sur bicyclette Alcyon, mumie de pneus Dunlop, 86 points ; 4. Vanhouwaert, sur bicyclette Alcyon, munie de pneus Dunlop, 97 points ; 5. Cruchon, sur bicyclette Armor, munis de pneus Dunlop, 119 points; 6. Cruppelandt, sur bicyclette le GIobe, pneus Dunlop, 148 points ; 7. Ernest Paul, sur bicyclette Armor , pneus Dunlop, 154 points.
La Presse – 1er Août 1910
EN BREF
Arrestation du Docteur Crippen – Le Docteur Crippen et Mademoiselle Le
Neve ont terminé leur voyage. Ils sont aux mains de l'inspecteur Dew. Ainsi
finit – et finit mal pour eux – cette dramatique traversée du couple dont le
monde entier- grâce aux indications quotidiennes du capitaine-reporter du
Montrose suivait les moindres gestes, renseigné sur leurs inquiétudes
apparentes, leur sommeil, leur appétit et jusqu'à leurs pâleurs fugitives. Tout
ce qui lit un journal dans les deux hémisphères avait les yeux sur eux et
guettait le moment où captifs sans le savoir- ils allaient tomber dans le piège
préparé. Eux seuls ignoraient encore l'inutilité du masque, sous lequel les
tourmentaient des souvenirs. Est-il besoin de rappeler leur crime? C'est le 13
juillet que fut découvert, dans les caves de la villa qu'occupait, depuis quatre
ans, le docteur Crippen, le corps d'une femme, horriblement mutilé, que l'on
considéra, des la première enquête, comme le cadavre de la femme du docteur,
connue dans les music-halls sous le nom de Bell Elmore, et disparue depuis
plusieurs mois. Cette disparition avait, à différentes reprises, ému l'opinion.
Le docteur Crippen, interrogé, avait fourni. des explications contradictoires et
confuses. Le Figaro – 1er août 1910
Emouvant pèlerinage patriotique à Loigny - Loigny, 31 juillet - Une
touchante démonstration patriotique a eu lieu aujourd'hui dimanche, à Loigny, en
l'honneur du 31e de ligne, qui, on le sait, se défendit héroïquement dans
l'église et le cimetière du village, le 2 décembre 1870, contre tout un corps
d'armée allemand, tandis que le général de Sonis, le général de Charette et les
zouaves pontificaux, volontaires de l'Ouest, avec les mobiles des Côtes-du-Nord,
les volontaires de Tours et de Blidah, essayaient de les délivrer et, par un
superbe effort, retardaient la marche de l'ennemi et sauvaient notre armée en
retraite. Ce pèlerinage, organisé par le général Canonge, est parti ce matin de
Paris pour Chartres, où, dans la cathédrale, une messe solennelle a été célébrée
pour la France. De là, on s'est rendu à Loigny, où les voyageurs ont été reçus
par l'abbé Belane, curé. Parmi les manifestants, on comptait plus de trois cents
jeunes gens et de nombreux vétérans du 37e de ligne, notamment M. Ange-Rouge,
ancien sergent-major ; M. Louis Revaux, ancien sergent ; le chanoine Arnal, curé
des Champs, ancien caporal, blessé à cette époque. Mgr Thuriet, qui était curé
de Loigny pendant la guerre et transforma sa cure en ambulance, et le chanoine
Prévost ont accompagné le général Canonge et les voyageurs dans la visite du
champ de bataille où les zouaves pontificaux sont tombés en si grand nombre, et
sur l'emplacement de l'ancienne église, où le 37e de ligne s'est couvert de
gloire. Devant la tombe du général de Sonis, qui, on le sait, a voulu être
enterré à Loigny, le général Canonge a fait un éloquent et émouvant récit de
cette journée du 2 décembre 1870. On se pressait autour de lui ; on écoutait
avidement, et sa parole si nette, aidée de ses connaissances militaires, rendait
la scène saisissante. Une surprise attendait les visiteurs de Loigny. Devant la
porte de l'église, le général de Charette accompagné de la baronne de Charette
et de M. Lionel Hoyer, le peintre bien connu, lui aussi ancien zouave, s'est
avancé au-devant du général Canonge et, aussitôt reconnu, il a été acclamé avec
un enthousiasme indescriptible. Le général Canonge est venu de nouveau serrer
avec effusion lee mains du général de Charette sur les marches de l'église et il
a fait un superbe tableau de ce que peut une poignée de braves tels que les
héros du 37e et les zouaves pontificaux, avec des hommes comme Sonis et
Charette. On s'est séparé ensuite, le pèlerinage retournant à Paris, le général
de Charette partant en automobile pour sa résidence de la Basse-Motte en
Ille-et-Vilaine. Cette journée a laissé à tous un souvenir ému et une joie
patriotique. Le Gaulois – 1er août 1910
Paris à la nage - La Société Nationale d'Encouragement a fait disputer hier, pour la sixième fois, l'épreuve annuelle de la Traversée de Paris par amateurs. Comme pour les épreuves précédentes, et malgré la pluie, une foule considérable se pressait tout le long du parcours du Pont d'Ivry au Pont National. Trente nageurs se sont présentés au départ. Au coup de canon tous plongent à la fois, reviennent à la surface, puis se placent devant les canots qui doivent les accompagner. Dès le début la lutte fût très vive et Barrière affirma sa supériorité. Il nageait en tête de ses concurrents, par foulées puissantes, aux acclamations d'un public enthousiaste. Au Pont Royal, à 4 heures 43 minutes, Barrière (Asnières), passe premier, suivi à 20 mètres de A. Meyer (de Lyon). Viennent ensuite Raynal (Paris), Harfort (Paris), Bangerter (Paris), Coureuil (Paris), Barrat (Bordeaux). La fin de la course nous a valu une jolie lutte. C'est Barrière (Asnières) qui finalement, prend l'avantage sur Bangerter (Paris). Viennent ensuite : 3. A. Meyer, 4. Barrat, 5. Harfort, 6. Coureuil. Une longue ovation est faite aux vainqueurs qui s'empressent de se remettre entre les mains de leurs soigneurs. L'Humanité – 1er août 1910