Les actualité du 30 décembre 1910
La disparition des pêcheurs d'Islande
Si les loisirs de sa retraite conduisaient Pierre Loti à Paimpol, où il étudia les Pécheurs d'Islande, sa déconvenue serait grande. Il est presque désert, le petit port d'armement pour la pêche d'Islande; déjà en 1905, il ne comptait plus que cinquante-trois goélettes; en février dernier, ce chiffre tombait à trente et un. Il va encore diminuer, puisqu'à la prochaine campagne de pêche, on prévoit à peine vingt bateaux qui seront armés.
C'est une industrie pittoresque du pays de France, qui disparaît. Elle s'en va, pour bien des causes. Quand nous aurons signalé que la morue, au tempérament capricieux, se fait rare, dans les parages d'Islande et les a en quelque sorte, désertés, il devient inutile d'ajouter que la morue d'Islande se vendait plus cher que la morue de Terre-Neuve.
Puis Paimpol ne veut plus aller pêcher la morue. Les gars bretons, au titre de capitaine de goélette, préfèrent les avantages et l'uniforme de quartiers-maîtres, seconds-maîtres ou maîtres de la marine de l'Etat. La sécurité du pain quotidien, pour eux et leurs familles, a fait de ces marins, toujours braves et hardis, des fonctionnaires militaires. Difficile, le recrutement des gradés des équipages d'Islande; plus difficile encore, celui des équipages.
Les armateurs sont accablés de frais ridicules qui ne profitent à personne. Le Parlement a voté, en 1907, une loi dont le but est d'assurer aux équipages plus de sécurité et plus d'hygiène. L'intention était excellente. Mais on a obligé, par exemple, les armateurs à installer dans le poste une table où les hommes viendraient manger aux heures de repas. Or, deux heures après que le navire a quitté la rade, le marin qui, pour prendre ses repas, préfère s'installer dans un coin, a démonté la table et la relègue dans la cale jusqu'à la fin de la campagne.
Au moment de lever l'ancre, une commission visite la goélette et ordonne souvent le remplacement des vivres et des appareils de sauvetage. Nous ne protestons pas contre les décisions de la commission, nous disait un armateur, nous protestons contre l'heure tardive de sa visite.
Puis le marin n'est pas sérieux. Non seulement, il exige des avances, au moment de l'embarquement, mais pour obtenir son engagement, l'armateur doit lui verser un denier à Dieu variant de 200 à 300 francs. Comme chaque goélette compte environ trente hommes d'équipage, les étrennes du patron atteignent une somme qu'il lui devient impossible de payer. Les pêcheurs d'Islande vont disparaître.
Le Figaro – 30 décembre 1910
EN BREF
Les briquets imposés et libres - A dater de ce matin, les briquets au ferro-calcium sont naturalisés français, c'est-à-dire frappés des taxes proposées par M. le ministre des finances. Le Journal officiel publie la loi, exécutoire après vingt-quatre heures, qui leur donne le droit de circuler de mains en mains, de poches en poches, de bureaux de tabac en bureaux dé tabac. Donc, nous pouvons tous acheter des briquets au ferro-calcium chez les débitants de tabac, qui sont libres de vendre tous les modèles imaginables et imaginés et qui sont libres aussi de n'en pas vendre du tout. Tous les briquets que nous achèterons seront revêtus d'une estampille soudée et apparente, de 2 à 5 centimètres de longueur sur 7 millimètres de largeur, qui attestera le payement de l'impôt de deux francs. Ceux d'entre nous qui possèdent déjà des briquets devront régulariser leur situation. L'administration leur accorde un délai de quinze jours pour acheter des estampilles dans 26 bureaux de tabac et faire souder cette estampille sur les briquets. Cette réglementation est établie pour le briquet ordinaire, en simple métal, soumis à l'impôt de 2 francs. Les briquets en argent ou en platine, vendus par les bijoutiers, ne se verront pas infliger de soudure; le payement de l'impôt sera effectué à la présentation de l'objet à la garantie: une double apposition du poinçon de titre (une marque étant perpendiculaire à l'autre) remplacera l'estampille. La nouvelle loi rappelle que les allumeurs de gaz par la mousse de platine échappent à tout impôt et à toute réglementation, de même que, les briquets à silex, émeri ou corindon et acier. Les briquets qui utilisent les amorces au fulminate sont également exemptés du nouvel impôt; les bandes d'amorces supportent déjà, au profit de l'Etat, un impôt de 0 fr. 10 le cent, A l'occasion de cette réglementation l'administration se montre généreuse; elle abandonne toutes les contraventions commises sous le régime de l'ancienne législation. Par contre, forte de cette première amnistie, elle adresse les instructions les p!us sévères pour la répression des infractions à la loi nouvelle. En particulier, elle rappelle que la simple détention de briquets non soumis à l'impôt après le délai de quinzaine ci-dessus visé entraînera une amende de cinquante francs, indépendamment du quintuple droit. La vente et la fabrication illicites, la vente de briquets non estampillés entraîneront des, peines plus sévères, allant jusqu'à l'emprisonnement. Le Figaro – 30 décembre 1910
A Issy-les-Moulineaux deux aviateurs font une chute effroyable.Ils meurent peu après - Une nouvelle catastrophe vient de jeter la consternation dans le monde de l'aviation. Concourant pour l'épreuve Paris-Bruxelles-Paris, deux aviateurs, le chef pilote Laffont et son passager, M. Pola, ont trouvé la mort ce matin à Issy-les-Moulineaux. Dès 5 heures, il faisait un temps magnifique, le ciel état très clair et le vent ne soufflait qu'à 0 mètres à la seconde. Aussi, dès 5 h. 1/2, des ouvriers, les mécaniciens de Laffont, vérifiaient-ils l'appareil que l'aviateur avait mis au point pour tenter le raid Paris-Bruxelles-Paris. Laffont se présentait un peu avant 8 heures sur le champ de manœuvres, accompagné de M. Pola. L'aviateur fit sortir son appareil et se prêta, ainsi que son passager, M. Pola, aux formalités du pesage prescrit dans le règlement de l'épreuve. A 8 h. 30, les deux aviateurs prenaient place dans l'appareil et, après avoir dit Au revoir aux personnes présentes, parmi lesquelles se trouvait Mme Pola,femme du passager, ils s'apprêtèrent à prendre leur vol. L'hélice fut mise en mouvement, et l'appareil, après avoir roulé quelques mètres, s'éleva rapidement à une hauteur de trente mètres. Arrivé à cette hauteur, on le vit redescendre en vol plané et reprendre contact avec le sol: le carburateur était gelé. Après avoir réparé cet organe de l'appareil, les aviateurs repartirent et s'élevèrent à nouveau très rapidement. Au moment où le monoplan se trouvait au-dessus des hangars des dirigeables, à une soixantaine de mètres de hauteur, les spectateurs épouvantés virent l'appareil faire un virage très court, l'aile gauche du monoplan se détacher et emportée par le vent à l'autre extrémité du champ l'appareil capota alors et tomba lourdement sur le sol. On se précipita sur le lieu de la chute et on constata que le moteur était enfoncé, une aile, les radiateurs et le châssis d'atterrissage complètement brisés, le fuselage brisé en trois morceaux. Seule, la queue de l'appareil était intacte et s'était rabattue sur le monoplan. Laffont fut projeté à 3 mètres en avant et Pola fut pris sous les débris de l'appareil. Mme Pola, qui assistait au départ de son mari, vit la chute effroyable de l'aéroplane et tomba sans connaissance dans les bras des personnes qui étaient à ses côtés. Cependant, on s'était précipité au secours des malheureux aviateurs: Laffont avait le crâne fracturé, le bras gauche rentré dans le corps. Il était mort sur le coup. Quant à Pola, il était complètement défiguré, le sang lui sortait à flot de la bouche, il avait la gorge traversée par un éclat de bois, mais il respirait encore faiblement. On plaça les deux aviateurs dans une ambulance, qui partit à l'hôpital Boucicaut. Pola rendit le dernier soupir pendant le trajet. A l'arrivée à l'hôpital, à 9 heures, l'interne ne put que constater le décès des deux aviateurs. La Croix – 29 décembre 1910