Les actualités du 8 janvier 1911
Le Danton s'échoue dans le port de Brest
Brest, 7 janvier (4 heures). Un grave accident est survenu ce matin au Danton, à l'heure où il commençait les essais de ses machines à point fixe, c'est-à-dire à l'endroit où les amarres maintiennent solidement les bâtiments pour les essais préliminaires des machines. Les amarres qui le retenaient par l'arrière se sont brisées presque simultanément, et notre Dreadnought s'est échoué par l'avant sur une longueur de 50 mètres environ, sur un fond de vase et de rochers. Ce qui aggrave la situation. c'est que l'échouage a eu lieu au moment de l'étale de pleine mer et que le bâtiment s'est déjaugé au fur et à mesure que la mer baissait.
En ce moment, la situation est très critique: l'arrière a continué à descendre avec la marée, tandis que l'avant restait hors ne l'eau. D'autre part, le bâtiment s'est échoué sur le côté gauche du chenal, dont le talus est en pente et qui est incliné sur la droite d'un angle de 10° environ. Il est craindre que cette situation anormale cause des avaries matérielles graves, notamment dans les tourelles et les machines.
Les autorités de l'arsenal prennent toutes les dispositions pour déséchouer le navire à la prochaine pleine mer, vers 9 heures ce soir. Notons en passant que la mer a baissé de 4 mètres depuis le moment de l'échouage, et qu'à marée basse l'avant du navire n'était immergé que de 3 mètres environ. On avait craint à un moment donné la possibilité d'un chavirement. Il ne semble pas que cette redoutable éventualité eut pu se produire, étant données la largeur du bâtiment dans les ponts et la disposition de sa quille. Cependant s'il était resté dans sa position primitive sur le côté gauche du chenal, son inclinaison à marée basse aurait été des plus dangereuses.
Le capitaine de vaisseau Hebert, qui commande le Danton a pris l'heureuse initiative de faire haler l'arrière, placé vers le milieu du chenal dès le début de l'échouage, pendant que le bâtiment flottait encore sur une grande longueur. Cette manœuvre prudente a peut-être empêché, sinon une catastrophe, du moins des avaries graves..
Souhaitons que notre Danton sorte indemne de celle situation critique. Ce nouvel accident a jeté la consternation dans l'arsenal de Brest, où tous, ouvriers, ingénieurs ci officiers, suivaient avec un intérêt tout particulier l'armement de cette belle unité qui devait faire des essais en mer libre la semaine prochaine. Le Danton semble faire l'objet d'une guigne obstinée. On se souvient, en effet, qu'il ne put être lancé, le 4 juillet 1909, qu'à la deuxième tentative de lancement. Le 22 mai, un premier essai avait échoué. Le navire glissa d'une longueur de 44 mètres, puis s'arrêta net au tiers de sa cale, 3 m. 50 de sa quille portant a faux.
L'Ouest-Eclair – 8 janvier 1911
EN BREF
L'honneur des cadets de Montauban - Ils étaient jeunes, dix-sept ans à peine. Empanachés de bravoure, ils aimaient la controverse et tenaient tête aux contradicteurs jusqu'à la diatribe. Ils avaient de la réputation. Sous les couverts de la place Nationale, on les voyait promener avec solennité leur jeune compétence. Un soir, ils en vinrent aux mains; l'étudiant administra deux gifles au fils du maître d'armes. C'était grave, c'était une injure, une affaire d'honneur. Et nos cadets de constituer témoins selon les règles. Rétractation ou réparation ! demandèrent les témoins du fils du maître d'armes. Rétractation, jamais ! répliquèrent les témoins de l'étudiant. Ce fut la réparation, non par les armes – aucun d'eux ne savait tenir le moindre fleuret, ou presser la gâchette - mais par le bâton, et la direction du combat fut confiée au. maître d'armes, père de l'un des combattants. L'impartialité du directeur de la rencontre fut absolue. On désigna le lieu et le moment la route des Albarèdes a une heure de l'après-midi. Adversaires, témoins et arbitre arrivèrent en voiture. Les deux jeunes gens se dévêtirent alors, ne gardant que le pantalon et la chemise, et après les recommandations d'usage, le combat commença, passionné. Dès que l'un des adversaires fut déclaré en état d'infériorité notoire et dut quitter le combat; ses témoins eurent pour mission de le venger, comme à l'époque des gardes du cardinal et des mousquetaires de M. de Tréville, et un nouveau duel au bâton recommença entre témoins. La rencontre dura une heure. Homériquement. Enfin, après que dix-huit bâtons eurent été brisés sur la tête, les oreilles ou les épaules des combattants, le combat cessa et l'honneur fut déclaré satisfait. Le Temps – 8 janvier 1911
Une seule passagère pour tout un transatlantique - New-York, 28 décembre - Il s'est produit aujourd'hui un fait, sans précédent dans les annales, maritimes de New-York. Ce matin, un des plus grands transatlantiques de la Red star Line, le Vaterland, a quitté le port de New-York avec un seul passager à bord. Cet unique passager est Mme Harry Pollock, femme d'un sportsman fort connu à New-York. Pas une autre âme vivante — comme passager — ne se trouvera avec elle en première classe sur le gigantesque navire. Elle aura en conséquence cent cinquante stewards et femmes de chambre à sa disposition ; un orchestre jouera pour elle toute seule durant tout le voyage et elle pourra, dans ses promenades solitaires sur le pont, monopoliser la conversation du capitaine. C'est pour elle qu'a tribord ou à bâbord, on abaissera en cas de mauvais temps les toiles ; pour elle que l'on fera marcher la sirène qui annonce l'heure du déjeuner ; pour elle que l'on dressera la table dans la grande salle à manger. Le Vaterland deviendra son yacht de plaisance pour toute la traversée pour la somme que paie un voyageur de première classe. Le Matin – 8 janvier 1911