Les actualités du 9 janvier 1911
La fanfare Lorraine défie l'occupant allemand
Metz – 8 janvier - Les autorités allemandes d'Alsace-Lorraine, qui, depuis quelque temps, multiplient, semble-t-il, les vexations qu'elles infligent aux populations alsaciennes et lorraines, ont provoqué, ce soir, par leurs maladresses, un incident extraordinaire à Metz, qui a produit une profonde émotion dans la ville.
Ce soir, en effet, la société La Lorraine Sportive offrait, dans un hôtel de la ville, devant une salle archicomble, un concert à ses membres honoraires. L'assistance était exclusivement composée d'indigènes, de vieux Messins. Avant l'ouverture, déjà, de nombreux agents de police entouraient l'hôtel. La soirée avait commencé et M. Samain, président, venait de prendre la parole en français, pour souhaiter la bienvenue à l'assemblée, quand l'inspecteur de police Schantge, agissant en vertu d'ordres arrivés du ministère de Strasbourg, fit irruption sur la scène, déclarant que le concert n'aurait pas lieu. Il invita l'assemblée à se disperser, en ajoutant que la réunion était publique et en contravention avec la loi allemande sur les réunions.
Les paroles de l'inspecteur furent couvertes de huées par le public. Le président consulta l'assemblée sur la question de savoir si la réunion était publique ou privée. La question fut couverte par de formidables applaudissements et par les cris de : Vive la Lorraine ! Continuez la séance ! La fanfare de la Lorraine Sportive joua alors la Marche de Sambre-et-Meuse, au milieu des applaudissements frénétiques de l'auditoire.
A ce moment, l'inspecteur de police quitta la scène et revint bientôt, accompagné de huit agents. Ceux-ci s'emparèrent du président et du chef d'orchestre, qu'ils conduisirent au dehors. L'orchestre continua quand même le concert, toujours acclamé par le public. La police occupa la scène, le public resta cependant dans la salle. Finalement, les musiciens entonnèrent la Marseillaise, puis ils partirent aux sons de sonneries françaises de clairon. Ces incidents ont causé une émotion extraordinaire parmi le public.
Le Gaulois – 9 janvier 1911
EN BREF
Une auto dans l'océan: M. Maillard, sénateur tombe à la mer - Nantes, 8 janvier - Hier soir, à sept heures, l'automobile du sénateur Maillard, conduite par son chauffeur, s'est jetée à la mer à l'emplacement dit la Chambre des Vases près du Croisic, une heure avant la pleine mer. Fort heureusement, le sloop Risque-Tout, patron Olivier, se trouvait à deux ou trois mètres du quai. L'avant de l'automobile se brisa sur les bords du sloop qui s'éloigna lentement sous la poussée de d'auto, donnant à M. Maillard, qui occupait le véhicule, et à son chauffeur, le temps de se dégager. L'automobile disparut aussitôt dans les flots. Les personnes qui se trouvaient à proximité appelèrent au secours. Le patron Fernand, qui se trouvait non loin de là, arriva à force de rames et, aidé d'un matelot, fut assez heureux pour sauver les deux naufragés. On espère que, malgré son grand âge, M. Maillard en sera quitte pour l'émotion. Le Petit Parisien – 9 janvier 1911
Un trésor découvert sous une-toiture - Saint-Lô, 8 janvier - Le 1er février 1910 M. Albert Fontaine, ouvrier menuisier, travaillant pour le compte de M. Auguste Lerouxel, charpentier à Hébécrevon, découvrait la maison de ce dernier, afin de réparer la toiture, lorsqu'il mit au jour, dans la sablière, une boite en chêne d'une longueur de 30 centimètres et d'une hauteur de 15 centimètres. L'ouvrier appela son patron et lui dit: Voilà un trésor, mais je ne veux pas y toucher, car c'est peut-être ma mort. Une légende normande prédit, en effet, la mort dans le courant de l'année de toute personne qui découvre un trésor. Moins superstitieux que son ouvrier, M. Lerouxel prit le coffret et le descendit chez lui. Là, devant sa femme et M. Fontaine, il ouvrit la botte et découvrit 1.400 francs en pièces de cinq francs peu usagées, pour la plupart à l'effigie de Charles X puis une pochette contenant des pièces d'or, dont un louis de 50 francs, le tout représentant une somme de 14.800 francs. M. Lerouxel recommanda à son ouvrier le plus grand silence sur cette affaire, et lui donna une somme de 120 francs. Malheureusement, la trouvaille s'ébruita et la sœur de l'ancienne propriétaire de la maison, une dame Joséphine Allix, veuve Yonnet, âgée de soixante-sept ans, propriétaire à Hebécrevon, porta plainte pour vol, entre les mains du procureur de la République de Saint-Lô. Elle faisait valoir en ces termes ses droits sur la somme d'argent trouvée Ma feue sœur, Céleste Fleuret, décédée depuis dix-sept ans, possédait la maison de Lerouxel. A sa mort, les héritiers ne trouvèrent que peu d'argent et une boite dans laquelle elle enfermait ses économies ne fut jamais retrouvée. Ce ne peut être que celle qui a été découverte par le charpentier. L'affaire, vint, les 22 et 29 octobre devant le tribunal correctionnel de Saint-Lô. Les époux Lerouxel, inculpés de vol et complicité de vol. furent condamnés chacun à six mois de prison, car le tribunal, que les trois conditions prévues par l'article 716 du code civil pour que les 14.800 francs fussent considérés comme un « trésor » n'étaient pas remplies. Sur appel, l'affaire est venue devant la cour d appel de Caen, qui a rendu son arrêt. La cour annule le jugement du tribunal, car elle estime que les circonstances de la cause ne permettent pas de décider que la veuve Yonnet est fondée dans sa réclamation de propriété. Elle décide que la somme trouvée est bien un trésor et que le délit de vol ne peut être relevé. L'ouvrier Fontaine, qui a trouvé la botte, a droit à la moitié de la somme. Le Petit Parisien – 9 janvier 1911