Les actualités du 10 janvier 1911
Deschanel contre Brisson, qui présidera la chambre ?
A voir le peu d'animation qui règne au Palais-Bourbon, on ne se douterait guère que c'est demain, conformément à la Constitution, que la Chambre reprend ses travaux. Peu de députés sont venus, cet après-midi. Aucune convocation de groupe n'a eu lieu. C'est M. Louis Passy, doyen d'âge, député libéral de l'Eure, qui présidera cette première séance, assisté de MM. Chaulin-Servinière, Even, Python, Maître, Charles Dumas et Poitou-Duplessy, les six plus jeunes membres de l'assemblée, comme secrétaires.
Après le discours du président provisoire, la Chambre aura à élire son bureau définitif et le scrutin sera ouvert pour l'élection du président. Deux candidats sont en présence M. Henri Brisson, présidant sortant, et M. Paul Deschanel, ancien président de la Chambre, qui brigue à nouveau le fauteuil présidentiel.
Il va sans dire que La candidature de M. Paul Deschanel a mis en grand émoi les radicaux. Les journaux du parti, tant à Paris qu'en province, donnent le signal d'alarme. Le bulletin officiel du parti dénonce la conspiration réactionnaire et convoque à grands cris pour la bataille de demain le ban et l'arrière-ban des troupes. Les troupes marcheront-elles ? Jusqu'à présent, elles ne mettent aucune empressement à répondre à ces appels passionnés.
Sans formuler positivement des griefs contre l'ancien président, certains élèvent des objections, lui reprochent la partialité dont il fit montre contre le cabinet en maintes circonstances; ils ont l'air de trouver qu'il a fait son temps, que ses forces baissent et aussi son autorité sur l'assemblée.
L'attitude des socialistes est curieuse. Selon toute apparente, les 75 se diviseront sur la question présidentielle. A part quelques fervents du cénacle de la rue Cadet, qui redoutent l'excommunication majeure, la groupe unifié se montre favorable à la candidature Deschanel. On ne pardonne pas à M. Brisson d'avoir, lors de la grève des chemins de fer, impitoyablement consigné la porte du Palais-Bourbon aux délégations des cheminots et on lui tient rigueur de divers rappels à l'ordre qui tombèrent sur certains incorrigibles interrupteurs.
Une autre inconnue, qui n'est pas encore dégagée, réside dans l'attitude des nouveaux. Que feront ces nouveaux ? Il semble qu'ils tiennent en leurs mains le sort de la bataille. Il va sans dire qu'ils seront assiégés de sollicitations contraires et beaucoup d'entre eux vont se trouver fort perplexes. Pour éviter des défections possibles et forcer la main aux indécis, les combistes avaient songé à demander le scrutin public à la tribune et à bulletins ouverts.
Mais cette procédure, qui supposerait une modification préalable du règlement, ne paraît pas possible à l'heure actuelle. Il faudra inventer un autre moyen d'intimidation, et l'on sait que les combistes, en cette matière, ne manquent ni d'audace ni d'imagination. Quoi qu'il en soit, la lutte sera vive et l'écart de voix assez faible entre les deux compétiteurs.
Le Gaulois – 10 janvier 1911
EN BREF
Le premier voyage d'un nouveau-né - La femme d'un modeste ouvrier du Bourget, Mme Alice Cognacq, se sentant prise, avant-hier soir, des douleurs de l'enfantement, demanda à son mari de la conduire aussitôt à l'hôpital Lariboisière. La gare était fermée. Après avoir inutilement appelé un employé, M. Cognacq réussit à trouver une porte qui n'était pas verrouillée. Il était temps Mme Cognacq était à bout de forces. Elle eut à peine le temps de s'asseoir dans la salle d'attente quelques secondes plus tard, elle mettait au monde un gros garçon. Que faire ? M. Cognacq n'hésita pas. Puisqu'on était à la gare, autant attendre le premier train pour Paris. Deux infirmières d'un hôpital parisien arrivèrent à propos. Après avoir donné les soins essentiels à la jeune maman et à son bébé, elles les accompagnèrent dans leur voyage. A sept heures et demie du matin, Mme Cognacq arrivait à la gare du Nord et, quelques minutes après, elle trouvait à l'hôpital le bon lit qu'elle avait bien gagné. Le Petit Parisien – 10 janvier 1911
La télégraphie sans fil et la tour Eiffel - La tour Eiffel joue, de plus en plus, avec, une extrême utilité, le rôle de poste central de télégraphie sans fil. Afin de régulariser ses communications une circulaire ministérielle du 15 octobre dernier a prescrit une série d'expériences destinées à fixer les longueurs d'onde nécessaires et suffisantes pour les communications maritimes, avec la tour. Il en résulte que les meilleures communications entre les postes de T. S. F. et la tour Eiffel se font avec une onde hertzienne de 450 mètres et une étincelle de 22 millimètres. Entre les stations côtières à moyenne portée et la tour, l'onde est de 300 mètres et l'étincelle de 12 millimètres. Les radiotélégrammes de la grande station de Toulon sont perçus, pendant le jour, à Paris, avec une onde de 1,350 mètres et des étincelles de 8 millimètres seulement. Ces ondes qui s'entrecroisent dans l'espace ne sont-elles pas pour quelque chose dans les pluies obstinées dont nous sommes affligés ? Les météorologistes ne le pensent pas en général, et les expériences de vérification sont évidemment difficiles à faire, puisque de tous côtés, et non pas rien qu'en France, on fait de la télégraphie sans fil. En tout état de cause, ce que pourraient faire les ondes, ce serait de condenser les nuages sous forme de pluie; mais elles ne peuvent produire logiquement les nuages. On ne voit donc pas bien a priori quelle peut être leur influence sur le régime exagérément pluvieux. Le Temps – 10 janvier 1911