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CPA Scans

14 janvier 2011

Les actualités du 14 janvier 1911

Le reliquaire de Soudeilles

L'église de Soudeilles Un reliquaire d'une valeur artistique indiscutable et d'une authenticité certaine a disparu à Soudeilles, petite commune de la Corrèze. Bien qu'il fût classé comme objet historique et ne pût être, à ce titre, aliéné sans l'autorisation du ministre des beaux-arts, la municipalité l'a-t-elle vendu à un antiquaire, ou ce reliquaire ayant été volé, n'a-t-elle vendu qu'une copie qui lui aurait artificieusement été substituée on ne sait par qui, comme elle le prétend? Ou bien encore, cette substitution suivie d'une vente fictive n'aurait-elle eu pour but que de masquer la vraie vente ? Autant de points qu'un juge d'instruction a été chargé d'éclaircir.

En tout cas, un fait reste acquis c'est que l'aliénation, sous quelque forme qu'elle se soit produite, n'a pas eu l'assentiment du ministère des beaux-arts. La loi de 1887 a donc été violée. Cette loi prévoit des sanctions, en dehors de celles qui sont d'ordre purement administratif, et permet d'atteindre la municipalité responsable. Est-ce illusoire d'espérer qu'elles seront appliquées ? Nous verrons.

En attendant, il est impossible de ne pas remarquer le peu de sécurité qu'offre la garde par les municipalités rurales surtout des trésors artistiques qui donnent à tant d'églises, même des plus humbles villages, un si puissant attrait. Non seulement ces trésors sont là moins que partout ailleurs à l'abri des voleurs, mais la cupidité barbare des gardiens eux-mêmes peut être tentée d'en tirer parti, au mépris des intérêts les plus évidents de l'art que la loi de 1887 a entendu sauvegarder.

Comment parer à ce double danger ? Le transport de ces objets précieux dans les musées départementaux ou nationaux prête à des objections qui ne sont pas négligeables. Ces œuvres d'art sont le plus souvent en même temps entourées, pour des raisons de sentiment purement religieux, de la vénération des fidèles. Ceux-ci considéreraient comme une sorte d'entreprise sacrilège leur ''laïcisation''. D'autre part, la présence de ces objets dans des édifices du culte qui sont eux-mêmes presque toujours d'admirables monuments d'architecture ancienne double la valeur de ces édifices aux yeux des touristes à la recherche d'émotions artistiques.

Transporter ailleurs ces joyaux, ce serait, en quelque sorte, les enlever à leur cadre naturel et réduire, au détriment des populations profanes elles-mêmes, l'intérêt des excursions dont leur petit village peut être le but. La question ne se présente donc pas sous un aspect très simple, et une solution pleinement satisfaisante n'est pas facile à trouver. Il faut tenter pourtant de résoudre le problème du mieux possible.

Renforcer les textes prohibitifs concernant l'aliénation des objets historiques faire peser sur les gardiens une responsabilité non seulement administrative et civile, mais pénale, qui les mettent en garde contre la négligence ou les tentations mauvaises, organiser un contrôle sévère et fréquent, de nature à inspirer de salutaires appréhensions, tels sont les moyens de préservation auxquels il semble qu'on puisse, pour l'instant, le plus utilement recourir. Un projet portant modification de la loi de 1887 sur divers points a été déposé. Qu'on ne tarde pas trop à le discuter, après l'avoir complété en ce sens.

Le Temps – 14 janvier 1911

 

EN BREF

Un cuisinier lacère la "Ronde de Nuit'' - Amsterdam, 13 janvier - Aujourd'hui, un ancien cuisinier, nommé Sigrist, âgé de vingt-huit ans, a donné un coup de couteau dans le célèbre tableau de Rembrandt la Ronde de Nuit, qui se trouve au musée de l'État. Il a été aussitôt arrêté. La détérioration du tableau consiste en une coupure assez profonde dans les genoux de la première figure principale du tableau et une large égratignure à la poitrine de la première et de la seconde figure principales. Sigrist a déclaré avoir agi par vengeance contre l'Etat. Ancien cuisinier à bord d'un navire de guerre, il n'avait pas été réengagé, après examen médical. Le Petit Parisien – 14 janvier 1911

Bataille mortelle entre romanichels - Deux roulottes de romanichels stationnaient avant-hier à Saint-Geours-de-Maremne (Landes). Elles étaient occupées par les familles Alexandre Soumaker et Jules Stay, acrobates ambulants. Soumaker avait épousé la sœur de Stay, qui l'a abandonné, il y a plusieurs années et cette circonstance fut l'occasion d'une dispute entre les deux hommes. Stay, exaspéré, tira à bout portant sur son beau-frère un coup de revolver. Atteint à la gorge, Soumaker tomba, frappé à mort. Ce fut le signal d'une bataille générale à laquelle les habitants de la localité n'osèrent pas s'opposer; et lorsque les gendarmes de Saint-Vincent-de-Tyrosse accoururent, il ne restait plus sur la place du village que des traces sanglantes. Les romanichels s'étaient enfuis vers Dax, emportant le cadavre de Soumaker; Les nomades, arrivés à Dax à quatre heures du matin, allèrent frapper à la porte de la gendarmerie et implorer du secours. La sœur de Soumaker, Claudine, âgée de seize ans, était mourante d'une balle de revolver dans la tête; son cousin Gustave avait reçu cinq coups de couteau, et Victorine Zepp, cinquante- huit ans, était zébrée de coups de sabre. Des mandats d'arrêt furent lancés contre Stay et ses associés, mais les retrouvera-t-on ? - Le Temps – 14 janvier 1911

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13 janvier 2011

Les actualités du 13 janvier 1911

''Le vieil homme'' triomphe au théâtre de la Renaissance

Repetition du vieil homme au theatre de la Renaissance Ce coin du boulevard est décidément voué aux répétitions générales sensationnelles. L'année dernière c'était à la Porte-Saint-Martin, la double haie de public, le terre-plein d'en face envahi par la foule, et l'arrivée des invités de MM. Hertz et Coquelin se précipitant à l'audition de Chantecler après un septennat d'impatience et de curiosité. Avant-hier, une autre double haie de badauds regardaient entrer au théâtre de la Renaissance les invités de M. Tarride, conviés à l'audition du Vieil homme, la comédie de M. Georges de Porto-Riche attendue, elle aussi, depuis pas mal d'années.

Rarement on vit salle de théâtre plus remplie. Il est hors de doute que les gens qui avaient des loges où des baignoires avaient dit à tous leurs amis et connaissances le fameux ''Venez, on s'arrangera toujours'', car des petites cases, étroites que vous savez surgissait un nombre de têtes tout à fait disproportionné avec le carré et le cube métrique de l'espace disponible. Chaque possesseur d'un fauteuil avait dû inviter un occupant supplémentaire - car un tas de suppléants éventuels assistaient au spectacle debout devant toutes les portes, dans l'expectative, semblait-il, de l'évanouissement d'un titulaire. Mais les titulaires se cramponnaient à leur siège, et ne pensèrent s'évanouir que d'émotion.

Tout le ban et l'arrière ban des amateurs habituels des répétitions générale était présent. Il y avait même tous les intermittents, tel, par exemple, M. de Montesquiou, et quelques extras, tel M. Gabriel d'Annunzio. Il y avait quelques ''tenues'' sensationnelles: Mlle Cécile Sorel apparaissait dans une avant-scène entièrement vêtue et turbanée de noir, comme il sied pour entendre des pensées fortes et éprouver des émotions profondes. Mlle Ventura, au contraire, car il y a deux écoles, arborait une toilette rouge à mettre en fureur toute la Camargue, comme il convient pour savourer de la psychologie, si j'ose dire, saignante. Quant à Mlle Spinelly - car décidément il doit y avoir trois écoles - elle réagissait en gaieté, exhibant une petite robe de garden-party printanier en liberty japono-vermiculé d'une fantaisie tout à fait inattendue.

Grâce aux menaces d'excommunication proférées par les communiqués du théâtre, les spectateurs furent à peu près exacts et le rideau se leva majestueusement à une heure vingt au milieu d'un tel recueillement que l'on eût certainement entendu voler une mouche, si c'eût été la saison des mouches. La forte, littéraire, délicate, spirituelle et très émouvante comédie de M. de Porto-Riche se déroule dans un unique décor que pinxit Jusseaume. Ce décor représente. une vaste pièce, qui est à la fois un salon, une salle commune, une bibliothèque, un cabinet de travail et un bureau d'administration. C'est la pièce à tout faire du directeur d'une grande imprimerie, à côté de Grenoble. Ce voisinage dauphinesque est révélé non seulement par les allusions du texte, mais aussi par une chaîne lointaine de cimes neigeuses, aperçue à travers la grande baie du fond.

C'est dans cet unique décor que pendant cinq heures d'horloge, trois tout petits entr'actes étant défalqués, M. de Porto-Riche nous tint sous le charme de son esprit, de son observation aiguë, de son style frappé au bon coin des classiques. Mais c'est au cinquième acte, sans contestation possible, que fut tiré le bouquet du feu d'artifice psychologique. La scène finale de cet acte, la scène où la mère, menacée de perdre son enfant par la faute de l'égoïsme et de la légèreté du père, oublie instantanément quinze ans de passion, de jalousie et de souffrance, et hurle sa terreur, sa douleur et sa haine, est certainement une des scènes les plus poignantes que l'on ait entendues au théâtre.

Il n'y avait d'ailleurs qu'à regarder la salle bouleversée et conquise, applaudissant d'enthousiasme. avec des mouchoirs Cédant aux instances de ses interprètes; M. de Porto-Riche consentit à se montrer sur la scène. On l'aperçut, troublé, vêtu de son traditionnel complet, chiffonnant sous l'empire de l'émotion son traditionnel feutre mou, et, pour répondre aux bravos qui redoublaient, s'inclinant dans sa traditionnelle cravate Lavallière. M. Tarride embrassa M. de Porto-Riche, qu'entouraient tous les artistes: Mme Simone, Mlle Lantelme habillée par Paquin de façon à révolutionner le Boulevard, à plus forte raison le Dauphiné Mlle Margel, Mlle Liceney, M. Dubosc, et à la fois sur la scène et dans la salle ce fut - je te passe mon corbillon, qu'y met-on ? la jubilation, l'admiration, l'effusion, la congratulation, l'acclamation, l'ovation, en attendant, inévitablement, la location

Le Figaro – 13 janvier 1911


EN BREF

Guillaume II et le Kronprinz collaborent a une opérette - Berlin, 12 janvier — Les Munchener Neueste Nachtrichten maintiennent, malgré les démentis dont elle pourrait être frappée, une information sensationnelle d'après laquelle il serait joué cet hiver une opérette intitulée Rêve d'amour, dont le compositeur ne serait autre que le kronprinz, et le librettiste l'empereur Guillaume II. Cette fantaisie impériale coûterait un million cent vingt-cinq mille francs, donnés par les cercles financiers La mise en scène serait en effet plus belle encore que celle de Sardanapale et c'est d'abord devant un public restreint et choisi que Rêve d'amour débuterait a l'Opéra royal. Le Matin – 13 janvier 1911

Un ouragan épouvantable s'abat sur Cherbourg – Cherbourg, l2 janvier - Un épouvantable ouragan de nord-est sévit sur la ville. Le vent est tellement violent que des arbres ont été arrachés, des toitures effondrées et que la remise des décorations décernées à l'occasion du 1er janvier, qui devait avoir lieu aujourd'hui, a été ajournée. La ville a éprouvé de nombreux dommages et la navigation a été entravée. Le dundee Hirondelle, chassant sur ses ancres, a été heureusement secouru par un remorqueur des mouvements du port. De nombreux navires sont obligés de relâcher. A Osmonville, le dundee Voyageur, capitaine Le Thérézien, de Tréguier, a été jeté contre des rochers; le canot de sauvetage a réussi à sauver l'équipage, qui se trouvait dans une situation très critique. Le navire est complètement perdu. On craint d'autres sinistres. Le contre-torpilleur Rapière, appareillait pour aller remplacer le Yatagan, au Havre. An cours d'une manœuvre, il a heurté le quai. Le mât s'est brisé et est tombé sur le pont, heureusement sans blesser aucun marin. L'Ouest-Eclair – 13 janvier 1911

12 janvier 2011

Les actualités du 12 janvier 1911

Favier à expié son crime ce matin à Lille

Lille palais de Justice et prisons

Il fut un temps, qui n'est pas très lointain, où, devant tout un peuple assemblé sur la place laplus vaste de la ville, le condamné était conduit au supplice lentement, presque cérémonieusement; les yeux pouvaient lire dans les siens, éprouver le sentiment d'épouvante qu'ils reflétaient. C'était une vision inutile, immorale et malsaine. Depuis longtemps, il n'en est plus ainsi. La guillotine se dresse toujours, mais on la cache, on la dissimule dans les coins, à l'ombre des murs, comme si on était honteux de la besogne qu'elle fait. Devant la prison, pavillon agrémenté de motifs en briques rouges formant angle avec la façade du Palais de justice, est un cercle noir, que protège un double rang de baïonnettes. Au milieu, des hommes se silhouettent dans les rayons de lumière jaunâtre que jettent des falots: c'est là que s'accomplira la lugubre besogne.

Comme elles sont longues ces minutes dernières qui s'égrènent aux horloges des geôles. Cette mise en scène de gens armés, de personnages graves, aux visages composés, qui soulignent leurs paroles basses de gestes nerveux, de peuple avide de voir, dont le grondement de colère emplit la ville d'un grand frisson, ajoute à l'appréhension de l'attente. Quelque endurci soit-on, on est pris, malgré tout, de compassion dédaigneuse pour l'être misérable que ses semblables ont rejeté de leur sein, et qui, déjà, appartient au bourreau. Et, d'ailleurs, quand la grande ombre du néant est déjà sur ses yeux, si près de l'expiation qu'il a déjà expié son crime, ne lui est-il pas pardonné ?

Maître Dubron, qui, à son talent justement apprécié d'avocat, joint de rares qualités de cœur, disait dans sa plaidoirie devant la cour d'assises: Favier est un être étrange, profondément troublant, inquiétant même. Il semble qu'il y ait en lui une sorte de dédoublement de la personnalité. C'est un homme qui est le témoin d un autre, qui en écoute la voix, qui regarde faire ses gestes, qui obéit à l'impulsion et à la volonté qu'il lui suggère.

L'attitude de Favier, à la minute affolante du réveil, cette sorte d'inconscience qui semblait être en lui, cette acceptation tacite de la mort brusquement entrevue et acceptée avec indifférence, semblerait donner raison à la thèse soutenue par Me Dubron. Pas un geste de révolte, pas une parole de regret, pas un mot d'amertume, pas une plainte, pas une larme, rien. Pendant une heure, cet homme a créé autour de lui une atmosphère de gêne et de malaise indéfinissable. Il a été déconcertant de simplicité, de douceur et de résignation.

Depuis deux jours cependant, une inquiétude était en lui. Après une nuit agitée, vers trois heures du matin, il s'était assoupi. Il était six heures vingt quand pénétrait dans sa cellule M. Chouzy, procureur de la République. Les yeux mi-clos, les mains jointes derrière la tête, Favier était étendu sur sa couchette. Le procureur de la République l'ayant légèrement touché a l'épaule, prononça la

phrase rituelle et attendit. Comme Favier le regardait et ne répondait pas, il demanda: Avez-vous entendu ? M'avez-vous compris ? Et, de même qu'un écho, le condamné répéta: Je vous ai entendu, je vous ai compris. Résolument, Favier se leva, se vêtit, puis, s'adressant au gardien Legentil, qui l'avait veillé, il dit sur un ton où perçait une pointe de raillerie grondeuse : J'avais le pressentiment de ce qui arrive, mais vous, vous saviez que c'était pour aujourd'hui et vous me l'avez caché. Il s'avança vers Me Dubron, lui prit les mains, le remercia en des paroles affectueuses et sincères, lui remit un paquet de lettres, où tout l'amour qu'il avait eu autrefois pour sa femme était exprimé. Il lui confia également quelques objets destinés à sa famille. Il exprima sa gratitude à M. Soland, le secrétaire de Me Dubron, qui maintes fois l'avait assisté, et dit à M. Delalé, juge d'instruction, combien il lui était reconnaissant de l'esprit d'humanité dont il avait toujours fait montre à son égard. Tout cela fut fait naturellement, sans effort apparent, sans tremblement, sans contrainte.

Dans le coin le plus sombre de la cellule, l'aumônier l'attendait. Il s'agenouilla à ses pieds et, pendant quelques minutes, les voix du prêtre et du condamné se mêlèrent dans le silence glacial des couloirs déserts. l'aumônier l'attendait. Il s'agenouilla à ses pieds et, pendant quelques minutes, les voix du prêtre et du condamné se mêlèrent dans le silence glacial des couloirs déserts. La messe entendue au parloir des familles et prolongée le plus longtemps possible, Favier ne fut pas conduit tout de suite à la salle du greffe où l'attendaient M. Deibler et ses aides. L'aube tardait à naître. Entre son avocat et l'aumônier, écoutant les exhortations de l'un, les paroles de consolation et d'espoir de l'autre, il attendit, et cette attente, véritable agonie morale, dura vingt minutes. Me Dubron sentait de grosses gouttes de sueur perler à son front, l'aumônier balbutiait, sentait sa force l'abandonner.

Enfin le jour vint, clair, bleuté d'une belle matinée d'hiver. Alors, comme ai l'on avait hâte de rattraper le temps perdu, on précipita les étapes de la pénible cérémonie. Dans l'encadrement de la porte de la prison ouverte, Favier apparut la tête haute, trop haute, presque défiante, sur le torse mis à nu. Posément, il promena ses regards sur la foule et se dirigea de lui-même à peine soutenu vers la guillotine. Vit-on dans cette attitude une provocation ? On applaudit, on applaudit longuement bruyamment, et des maisons ayant vue sur la place une clameur assourdissante salua la chute du couperet. Un jet de sang jaillit jusqu'au trottoir. Favier avait expié son crime, l'avait expié en présence du père et du frère de sa victime; qui avaient sollicité et obtenu l'autorisation de le voir mourir.

Quelques instants plus tara, le fourgon de Deibler, encadré par des gendarmes à cheval, emportait vers le cimetière les restes du supplicié. Le corps de Favier ne sera pas autopsié et la famille s'est refusée à abandonner la tête au professeur Debierre, qui voulait étudier le cerveau. Dans quelque temps, le cadavre sera exhumé, mis dans un cercueil plus convenable que les quatre planches de sapin où il a été placé, et porté dans une concession qui sera achetée prochainement par Me Dubron dans un autre coin de terre. Là seulement l'oubli et le silence se feront sur le nom de l'assassin du garçon de recette Cornil Thain

Le Petit Parisien – 12 janvier 1911


EN BREF

Un drame au village - Dans la soirée de lundi, M. Maurice Asse, âgé de quarante-quatre ans, charron à Lieurey, arrondissement de Pont-Audemer, reçut d'un de ses ouvriers nommé Victor Conard, vingt-sept ans, une demande de règlement de comptes. Comme Conard était pris de Boisson, M. Asse refusa d'accéder à cette requête en lui disant de revenir le lendemain. Furieux de ce refus, Conard monta dans sa chambre, prit son fusil revint chez M. Asse, et à bout portant, lui broya le crâne. Après quoi il prit la fuite. L'enquête semble démontrer que ce crime aurait été commis à l'instigation d'une femme dont Conard était l'amant et qui voulait se débarrasser de M. Asse. Le signalement de l'assassin a été donné à toutes les brigades de gendarmerie des environs. Le Temps – 12 janvier 1911

Un cadavre dans la cave - Un incident macabre fait en ce moment beaucoup de bruit dans le quartier Gaillon. Dimanche dernier, une dame Pauline Scholtz, femme de ménage, âgée de cinquante ans, à qui le propriétaire avait donné congé, il y a quelques jours, se suicidait, mais la pauvre femme, voulant d'abord se venger de sa concierge, tenta, auparavant de mettre le feu à la loge. Ceci fait, elle remontra chez elle, grimpa sur la barre d'appui de sa fenêtre et se tira trois balles de revolver dans la tête. Son corps tournoya dans le vide et vint s'écraser sur le pavé de la cour. Jusque-là, ce n'était qu'un fait-drivers assez banal, mais où l'affaire devient particulièrement bizarre, c'est qu'au lieu de remonter le cadavre dans la chambre de la défunte, sous prétexte que l'escalier était trop étroit, on le descendit dans la cave, on l'étendit sur une échelle et on le laissa dans un coin du sous-sol. Hier soir, seulement quatre croque-morts vinrent procéder à la mise en bière, grâce, il faut le dire aux démarches répétées de plusieurs locataires de la maison, très contrariés de ce voisinage macabre. Mais le cercueil resta dans la cave une nuit de plus. Le corps a été enlevé sans bruit ce matin à neuf, heures et transporté au cimetière de Pantin où a eu lieu l'inhumation. La Presse – 12 janvier 1911

11 janvier 2011

Les actualités du 11 janvier 1911

Une épidémie décime nos moutons

Moutons Bourges, 9 janvier — L'année qui vient de finir a été terrible pour l'agriculture. Les pluies continuelles ont non seulement détruit, les récoltes et pourri la terre qui ne peut même pas recevoir, les semences nouvelles, mais elles ont développé les parasites des plantes et du bétail. L'invasion du mildew qui a dévasté le vignoble français était causée par les brouillards tièdes de l'été; l'épidémie de cachexie aqueuse qui vide depuis deux ou trois mois toutes les bergeries du Centre, est due aux pluies printanières et estivales qui ont transformé les pâturages en marais et fait pulluler un certain petit ver plat

Ce parasite est appelé douve du foie par les campagnards, et distôme hépatique par les vétérinaires. Il se loge exclusivement dans le foie des animaux, surtout des moutons. Quand il y est en nombre, il arrête la fonction de cet organe, et l'animal meurt au bout de deux ou trois mois, selon sa résistance, après avoir passé par toutes les phases de l'anémie et du dépérissement.

Tel est le fléau qui s'est abattu sur les sols argileux et argilo-calcaires du Berry, du Nivernais. de la Sologne, qui nourrissent près de quinze cent mille bêtes a laine. Nous venons de parcourir ces pays et nous n'avons trouvé que désolation sous les chaumes couverts de neige. Le département de l'Indre a été le plus éprouvé, sauf la région de Champagne, qui est à fond de calcaire. Le reste a été infecté. Tout l'arrondissement de la Châtre, une grande partie de celui du Blanc et la partie sud de Chateauroux accusent des pertes qui vont jusqu'à 95 %. Sur un troupeau de 500,000 têtes, 200,000 ont disparu.

Dans le Cher, où la race a été plus fortement croisée de mérinos, l'hécatombe est moins effrayante. Sur 350.000 moutons, on ne compte guère qu'un déchet d'une cinquantaine de milliers. La maladie s'est montrée surtout aux environs de Saint-Amand. Le troupeau solognot, très résistant, possède la douve du foie à l'état endémique. Il n'en a pas moins été décimé. Du côte de Nevers, on n'estime atteints que 10.000 moutons, sur 136.000.

Mais le vétérinaire départemental Martin nous a signalé un autre danger. La douve s'attaque maintenant aux bovins, qui sont, on le sait, la richesse du Nivernais. Il ne se passe pas de jour sans qu'on conduise à l'équarrissage un ou plusieurs veaux, car le parasite frappe rarement les adultes. M. Martin en a compté cinq cents depuis deux mois, et il s'attend à en découvrir un millier encore d'ici au printemps.

Comme il n'existe aucun remède contre la cachexie aqueuse, on juge du désespoir des éleveurs. Leur seule ressource est de vendre les animaux dès les premiers symptômes les animaux dès les premiers symptômes. La viande est en effet parfaitement saine pour la boucherie. C'est ce qui explique l'affluence des moutons au marché de la Villette depuis trois mois. Quelquefois, une bonne alimentation arrête la maladie, quand le foie n'est pas trop gorgé de vers. Les professeurs d'agriculture conseillent, à titre préventif, de garder les animaux à l'étable et d'éloigner tout de suite ceux qui présentent des signes funestes.

Ce dépeuplement des bergeries va tarir la production pendant deux ou trois mois, car on en cite où il ne reste plus une seule brebis. Cependant il ne faut pas croire que les dix-sept millions de sujets de l'espèce ovine française sont menacés. La distomatose n'est pas une maladie contagieuse proprement dite, et les gens compétents pensent qu'elle n'aurait pas pris cette gravité si les bergers avaient été moins négligents.

Le Gaulois – 10 janvier 1911


EN BREF

Un tamponnement a Dreux - Dreux, 9 janvier — Samedi soir, a. 10 h. 1/2, un train de marchandises, extraordinaire, était resté en détresse à 1.500 mètres de Dreux, lorsqu'il lut télescopé par un autre train qui le suivait. Cinq wagons furent réduits en miettes. Le choc fut si violent qu'un wagon contenant une citerne d'alcool rentra dans le wagon qui le précédait. Par suite de ce tamponnement, le service des trains a été fait sur voie unique entre Dreux et Marchezais. Les trains ont subi un retard considérable par suite de l'encombrement de la gare de Dreux. Il n'y a pas eu d'accident de personnes. Le Siècle – 11 janvier 1911

Un tamponnement près d'Agen - Agen, 9 janvier. — Ce matin, vers 5 heures 45, le train rapide 122, de Cette à Bordeaux, a tamponné une rame de wagons déraillés entre le passage à niveau de l'abattoir et celui de la route du gaz, à 300 mètres environ de la gare d'Agen. Le mécanicien du train de marchandises en manœuvre, sachant que le rapide allait arriver, avait pris la précaution de faire fonctionner le disque et de poser des pétards sur la voie en se portant au-devant du 122, mais le rapide était proche et en pleine vitesse. Aussi, la collision ne put-elle pas être évitée, mais le choc fut néanmoins relativement peu violent, le mécanicien Père, du train 122 ayant renversé la vapeur et bloqué les freins. Les voyageurs du rapide ont ressenti une forte secousse, mais aucun d'eux n'a été blessé. Quant au train tamponné, il a eu deux ou trois wagons éventrés, et un bœuf a été tué. Le Siècle – 11 janvier 1911

10 janvier 2011

Les actualités du 10 janvier 1911

Deschanel contre Brisson, qui présidera la chambre ?

Assemblée Nationale

A voir le peu d'animation qui règne au Palais-Bourbon, on ne se douterait guère que c'est demain, conformément à la Constitution, que la Chambre reprend ses travaux. Peu de députés sont venus, cet après-midi. Aucune convocation de groupe n'a eu lieu. C'est M. Louis Passy, doyen d'âge, député libéral de l'Eure, qui présidera cette première séance, assisté de MM. Chaulin-Servinière, Even, Python, Maître, Charles Dumas et Poitou-Duplessy, les six plus jeunes membres de l'assemblée, comme secrétaires.

Après le discours du président provisoire, la Chambre aura à élire son bureau définitif et le scrutin sera ouvert pour l'élection du président. Deux candidats sont en présence M. Henri Brisson, présidant sortant, et M. Paul Deschanel, ancien président de la Chambre, qui brigue à nouveau le fauteuil présidentiel.

Il va sans dire que La candidature de M. Paul Deschanel a mis en grand émoi les radicaux. Les journaux du parti, tant à Paris qu'en province, donnent le signal d'alarme. Le bulletin officiel du parti dénonce la conspiration réactionnaire et convoque à grands cris pour la bataille de demain le ban et l'arrière-ban des troupes. Les troupes marcheront-elles ? Jusqu'à présent, elles ne mettent aucune empressement à répondre à ces appels passionnés.

Sans formuler positivement des griefs contre l'ancien président, certains élèvent des objections, lui reprochent la partialité dont il fit montre contre le cabinet en maintes circonstances; ils ont l'air de trouver qu'il a fait son temps, que ses forces baissent et aussi son autorité sur l'assemblée.

L'attitude des socialistes est curieuse. Selon toute apparente, les 75 se diviseront sur la question présidentielle. A part quelques fervents du cénacle de la rue Cadet, qui redoutent l'excommunication majeure, la groupe unifié se montre favorable à la candidature Deschanel. On ne pardonne pas à M. Brisson d'avoir, lors de la grève des chemins de fer, impitoyablement consigné la porte du Palais-Bourbon aux délégations des cheminots et on lui tient rigueur de divers rappels à l'ordre qui tombèrent sur certains incorrigibles interrupteurs.

Une autre inconnue, qui n'est pas encore dégagée, réside dans l'attitude des nouveaux. Que feront ces nouveaux ? Il semble qu'ils tiennent en leurs mains le sort de la bataille. Il va sans dire qu'ils seront assiégés de sollicitations contraires et beaucoup d'entre eux vont se trouver fort perplexes. Pour éviter des défections possibles et forcer la main aux indécis, les combistes avaient songé à demander le scrutin public à la tribune et à bulletins ouverts.

Mais cette procédure, qui supposerait une modification préalable du règlement, ne paraît pas possible à l'heure actuelle. Il faudra inventer un autre moyen d'intimidation, et l'on sait que les combistes, en cette matière, ne manquent ni d'audace ni d'imagination. Quoi qu'il en soit, la lutte sera vive et l'écart de voix assez faible entre les deux compétiteurs.

Le Gaulois – 10 janvier 1911


EN BREF

Le premier voyage d'un nouveau-né - La femme d'un modeste ouvrier du Bourget, Mme Alice Cognacq, se sentant prise, avant-hier soir, des douleurs de l'enfantement, demanda à son mari de la conduire aussitôt à l'hôpital Lariboisière. La gare était fermée. Après avoir inutilement appelé un employé, M. Cognacq réussit à trouver une porte qui n'était pas verrouillée. Il était temps Mme Cognacq était à bout de forces. Elle eut à peine le temps de s'asseoir dans la salle d'attente quelques secondes plus tard, elle mettait au monde un gros garçon. Que faire ? M. Cognacq n'hésita pas. Puisqu'on était à la gare, autant attendre le premier train pour Paris. Deux infirmières d'un hôpital parisien arrivèrent à propos. Après avoir donné les soins essentiels à la jeune maman et à son bébé, elles les accompagnèrent dans leur voyage. A sept heures et demie du matin, Mme Cognacq arrivait à la gare du Nord et, quelques minutes après, elle trouvait à l'hôpital le bon lit qu'elle avait bien gagné. Le Petit Parisien – 10 janvier 1911

La télégraphie sans fil et la tour Eiffel - La tour Eiffel joue, de plus en plus, avec, une extrême utilité, le rôle de poste central de télégraphie sans fil. Afin de régulariser ses communications une circulaire ministérielle du 15 octobre dernier a prescrit une série d'expériences destinées à fixer les longueurs d'onde nécessaires et suffisantes pour les communications maritimes, avec la tour. Il en résulte que les meilleures communications entre les postes de T. S. F. et la tour Eiffel se font avec une onde hertzienne de 450 mètres et une étincelle de 22 millimètres. Entre les stations côtières à moyenne portée et la tour, l'onde est de 300 mètres et l'étincelle de 12 millimètres. Les radiotélégrammes de la grande station de Toulon sont perçus, pendant le jour, à Paris, avec une onde de 1,350 mètres et des étincelles de 8 millimètres seulement. Ces ondes qui s'entrecroisent dans l'espace ne sont-elles pas pour quelque chose dans les pluies obstinées dont nous sommes affligés ? Les météorologistes ne le pensent pas en général, et les expériences de vérification sont évidemment difficiles à faire, puisque de tous côtés, et non pas rien qu'en France, on fait de la télégraphie sans fil. En tout état de cause, ce que pourraient faire les ondes, ce serait de condenser les nuages sous forme de pluie; mais elles ne peuvent produire logiquement les nuages. On ne voit donc pas bien a priori quelle peut être leur influence sur le régime exagérément pluvieux. Le Temps – 10 janvier 1911

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9 janvier 2011

Les actualités du 9 janvier 1911

La fanfare Lorraine défie l'occupant allemand

Lorraine sportive 8 janvier 1909

Metz – 8 janvier - Les autorités allemandes d'Alsace-Lorraine, qui, depuis quelque temps, multiplient, semble-t-il, les vexations qu'elles infligent aux populations alsaciennes et lorraines, ont provoqué, ce soir, par leurs maladresses, un incident extraordinaire à Metz, qui a produit une profonde émotion dans la ville.

Ce soir, en effet, la société La Lorraine Sportive offrait, dans un hôtel de la ville, devant une salle archicomble, un concert à ses membres honoraires. L'assistance était exclusivement composée d'indigènes, de vieux Messins. Avant l'ouverture, déjà, de nombreux agents de police entouraient l'hôtel. La soirée avait commencé et M. Samain, président, venait de prendre la parole en français, pour souhaiter la bienvenue à l'assemblée, quand l'inspecteur de police Schantge, agissant en vertu d'ordres arrivés du ministère de Strasbourg, fit irruption sur la scène, déclarant que le concert n'aurait pas lieu. Il invita l'assemblée à se disperser, en ajoutant que la réunion était publique et en contravention avec la loi allemande sur les réunions.

Les paroles de l'inspecteur furent couvertes de huées par le public. Le président consulta l'assemblée sur la question de savoir si la réunion était publique ou privée. La question fut couverte par de formidables applaudissements et par les cris de : Vive la Lorraine ! Continuez la séance !  La fanfare de la Lorraine Sportive joua alors la Marche de Sambre-et-Meuse, au milieu des applaudissements frénétiques de l'auditoire.

A ce moment, l'inspecteur de police quitta la scène et revint bientôt, accompagné de huit agents. Ceux-ci s'emparèrent du président et du chef d'orchestre, qu'ils conduisirent au dehors. L'orchestre continua quand même le concert, toujours acclamé par le public. La police occupa la scène, le public resta cependant dans la salle. Finalement, les musiciens entonnèrent la Marseillaise, puis ils partirent aux sons de sonneries françaises de clairon. Ces incidents ont causé une émotion extraordinaire parmi le public.

Le Gaulois – 9 janvier 1911


EN BREF

Une auto dans l'océan: M. Maillard, sénateur tombe à la mer - Nantes, 8 janvier - Hier soir, à sept heures, l'automobile du sénateur Maillard, conduite par son chauffeur, s'est jetée à la mer à l'emplacement dit la Chambre des Vases près du Croisic, une heure avant la pleine mer. Fort heureusement, le sloop Risque-Tout, patron Olivier, se trouvait à deux ou trois mètres du quai. L'avant de l'automobile se brisa sur les bords du sloop qui s'éloigna lentement sous la poussée de d'auto, donnant à M. Maillard, qui occupait le véhicule, et à son chauffeur, le temps de se dégager. L'automobile disparut aussitôt dans les flots. Les personnes qui se trouvaient à proximité appelèrent au secours. Le patron Fernand, qui se trouvait non loin de là, arriva à force de rames et, aidé d'un matelot, fut assez heureux pour sauver les deux naufragés. On espère que, malgré son grand âge, M. Maillard en sera quitte pour l'émotion. Le Petit Parisien – 9 janvier 1911

Un trésor découvert sous une-toiture - Saint-Lô, 8 janvier - Le 1er février 1910 M. Albert Fontaine, ouvrier menuisier, travaillant pour le compte de M. Auguste Lerouxel, charpentier à Hébécrevon, découvrait la maison de ce dernier, afin de réparer la toiture, lorsqu'il mit au jour, dans la sablière, une boite en chêne d'une longueur de 30 centimètres et d'une hauteur de 15 centimètres. L'ouvrier appela son patron et lui dit: Voilà un trésor, mais je ne veux pas y toucher, car c'est peut-être ma mort. Une légende normande prédit, en effet, la mort dans le courant de l'année de toute personne qui découvre un trésor. Moins superstitieux que son ouvrier, M. Lerouxel prit le coffret et le descendit chez lui. Là, devant sa femme et M. Fontaine, il ouvrit la botte et découvrit 1.400 francs en pièces de cinq francs peu usagées, pour la plupart à l'effigie de Charles X puis une pochette contenant des pièces d'or, dont un louis de 50 francs, le tout représentant une somme de 14.800 francs. M. Lerouxel recommanda à son ouvrier le plus grand silence sur cette affaire, et lui donna une somme de 120 francs. Malheureusement, la trouvaille s'ébruita et la sœur de l'ancienne propriétaire de la maison, une dame Joséphine Allix, veuve Yonnet, âgée de soixante-sept ans, propriétaire à Hebécrevon, porta plainte pour vol, entre les mains du procureur de la République de Saint-Lô. Elle faisait valoir en ces termes ses droits sur la somme d'argent trouvée Ma feue sœur, Céleste Fleuret, décédée depuis dix-sept ans, possédait la maison de Lerouxel. A sa mort, les héritiers ne trouvèrent que peu d'argent et une boite dans laquelle elle enfermait ses économies ne fut jamais retrouvée. Ce ne peut être que celle qui a été découverte par le charpentier. L'affaire, vint, les 22 et 29 octobre devant le tribunal correctionnel de Saint-Lô. Les époux Lerouxel, inculpés de vol et complicité de vol. furent condamnés chacun à six mois de prison, car le tribunal, que les trois conditions prévues par l'article 716 du code civil pour que les 14.800 francs fussent considérés comme un « trésor » n'étaient pas remplies. Sur appel, l'affaire est venue devant la cour d appel de Caen, qui a rendu son arrêt. La cour annule le jugement du tribunal, car elle estime que les circonstances de la cause ne permettent pas de décider que la veuve Yonnet est fondée dans sa réclamation de propriété. Elle décide que la somme trouvée est bien un trésor et que le délit de vol ne peut être relevé. L'ouvrier Fontaine, qui a trouvé la botte, a droit à la moitié de la somme. Le Petit Parisien – 9 janvier 1911

8 janvier 2011

Les actualités du 8 janvier 1911

Le Danton s'échoue dans le port de Brest

Cuirassé Danton

Brest, 7 janvier (4 heures). Un grave accident est survenu ce matin au Danton, à l'heure où il commençait les essais de ses machines à point fixe, c'est-à-dire à l'endroit où les amarres maintiennent solidement les bâtiments pour les essais préliminaires des machines. Les amarres qui le retenaient par l'arrière se sont brisées presque simultanément, et notre Dreadnought s'est échoué par l'avant sur une longueur de 50 mètres environ, sur un fond de vase et de rochers. Ce qui aggrave la situation. c'est que l'échouage a eu lieu au moment de l'étale de pleine mer et que le bâtiment s'est déjaugé au fur et à mesure que la mer baissait.

En ce moment, la situation est très critique: l'arrière a continué à descendre avec la marée, tandis que l'avant restait hors ne l'eau. D'autre part, le bâtiment s'est échoué sur le côté gauche du chenal, dont le talus est en pente et qui est incliné sur la droite d'un angle de 10° environ. Il est craindre que cette situation anormale cause des avaries matérielles graves, notamment dans les tourelles et les machines.

Les autorités de l'arsenal prennent toutes les dispositions pour déséchouer le navire à la prochaine pleine mer, vers 9 heures ce soir. Notons en passant que la mer a baissé de 4 mètres depuis le moment de l'échouage, et qu'à marée basse l'avant du navire n'était immergé que de 3 mètres environ. On avait craint à un moment donné la possibilité d'un chavirement. Il ne semble pas que cette redoutable éventualité eut pu se produire, étant données la largeur du bâtiment dans les ponts et la disposition de sa quille. Cependant s'il était resté dans sa position primitive sur le côté gauche du chenal, son inclinaison à marée basse aurait été des plus dangereuses.

Le capitaine de vaisseau Hebert, qui commande le Danton a pris l'heureuse initiative de faire haler l'arrière, placé vers le milieu du chenal dès le début de l'échouage, pendant que le bâtiment flottait encore sur une grande longueur. Cette manœuvre prudente a peut-être empêché, sinon une catastrophe, du moins des avaries graves..

Souhaitons que notre Danton sorte indemne de celle situation critique. Ce nouvel accident a jeté la consternation dans l'arsenal de Brest, où tous, ouvriers, ingénieurs ci officiers, suivaient avec un intérêt tout particulier l'armement de cette belle unité qui devait faire des essais en mer libre la semaine prochaine. Le Danton semble faire l'objet d'une guigne obstinée. On se souvient, en effet, qu'il ne put être lancé, le 4 juillet 1909, qu'à la deuxième tentative de lancement. Le 22 mai, un premier essai avait échoué. Le navire glissa d'une longueur de 44 mètres, puis s'arrêta net au tiers de sa cale, 3 m. 50 de sa quille portant a faux.

L'Ouest-Eclair – 8 janvier 1911


EN BREF

L'honneur des cadets de Montauban - Ils étaient jeunes, dix-sept ans à peine. Empanachés de bravoure, ils aimaient la controverse et tenaient tête aux contradicteurs jusqu'à la diatribe. Ils avaient de la réputation. Sous les couverts de la place Nationale, on les voyait promener avec solennité leur jeune compétence. Un soir, ils en vinrent aux mains; l'étudiant administra deux gifles au fils du maître d'armes. C'était grave, c'était une injure, une affaire d'honneur. Et nos cadets de constituer témoins selon les règles. Rétractation ou réparation ! demandèrent les témoins du fils du maître d'armes. Rétractation, jamais ! répliquèrent les témoins de l'étudiant. Ce fut la réparation, non par les armes – aucun d'eux ne savait tenir le moindre fleuret, ou presser la gâchette - mais par le bâton, et la direction du combat fut confiée au. maître d'armes, père de l'un des combattants. L'impartialité du directeur de la rencontre fut absolue. On désigna le lieu et le moment la route des Albarèdes a une heure de l'après-midi. Adversaires, témoins et arbitre arrivèrent en voiture. Les deux jeunes gens se dévêtirent alors, ne gardant que le pantalon et la chemise, et après les recommandations d'usage, le combat commença, passionné. Dès que l'un des adversaires fut déclaré en état d'infériorité notoire et dut quitter le combat; ses témoins eurent pour mission de le venger, comme à l'époque des gardes du cardinal et des mousquetaires de M. de Tréville, et un nouveau duel au bâton recommença entre témoins. La rencontre dura une heure. Homériquement. Enfin, après que dix-huit bâtons eurent été brisés sur la tête, les oreilles ou les épaules des combattants, le combat cessa et l'honneur fut déclaré satisfait. Le Temps – 8 janvier 1911

Une seule passagère pour tout un transatlantique - New-York, 28 décembre - Il s'est produit aujourd'hui un fait, sans précédent dans les annales, maritimes de New-York. Ce matin, un des plus grands transatlantiques de la Red star Line, le Vaterland, a quitté le port de New-York avec un seul passager à bord. Cet unique passager est Mme Harry Pollock, femme d'un sportsman fort connu à New-York. Pas une autre âme vivante — comme passager — ne se trouvera avec elle en première classe sur le gigantesque navire. Elle aura en conséquence cent cinquante stewards et femmes de chambre à sa disposition ; un orchestre jouera pour elle toute seule durant tout le voyage et elle pourra, dans ses promenades solitaires sur le pont, monopoliser la conversation du capitaine. C'est pour elle qu'a tribord ou à bâbord, on abaissera en cas de mauvais temps les toiles ; pour elle que l'on fera marcher la sirène qui annonce l'heure du déjeuner ; pour elle que l'on dressera la table dans la grande salle à manger. Le Vaterland deviendra son yacht de plaisance pour toute la traversée pour la somme que paie un voyageur de première classe. Le Matin – 8 janvier 1911

7 janvier 2011

Les actualités du 7 janvier 1911

Le secrétaire d'État à la Marine victime d'un déraillement

Deraillement Un déraillement s'est produit sur la ligne de l'Ouest-Etat, entre les stations du Perray et des Essarts-le-Roi, près de Rambouillet, hier matin, à dix heures et demie. Le train express 1.505, de Paris à Angers, dans lequel se trouvait M. Guist'hau, sous-secrétaire d'Etat à la Marine, passait au kilomètre 45-360 quand il a déraillé.

Ce train, après s'être arrêté à Versailles, comme l'indique son horaire, avait repris sa marche sur Chartres, première station, et filait à une vitesse de 80 kilomètres à l'heure, lorsque, arrivé à environ 2 kilomètres 400 de Rambouillet, une des bogies avant de la locomotive sortit des rails, cassant les coussinets, les coins et les émisses. Par la vitesse acquise, la locomotive, et le tender sortirent des rails, s'engageant sur la voie montante. Le mécanicien bloqua ses freins, mais l'attelage s'étant rompu, la locomotive continua sa route, laissant derrière elle le reste du train.

Celui-ci, qui comprenait un wagon-restaurant, deux wagons de 1ere classe et un wagon de seconde classe, s'arrêta au bout de 200 mètres environ. Les wagons se télescopèrent et se renversèrent sur le coté gauche, après avoir arraché une centaine de mètres de rails et détérioré environ 350 mètres voies. Des morceaux de rail ont été projetés dans le fossé et le ballast est fortement creusé.

Le personnel du train, mécanicien, chauffeur et conducteur, se porta aussitôt au secours des voyageurs. Pendant ce temps, un train de secours partait de Rambouillet avec tout un matériel de sauvetage. Par bonheur il n'y avait pas d'accidents graves de personnes. Trois voyageurs ont été légèrement contusionnés : MM. Richet, 8, rue du Marché-Popincourt, et Lebreton, 19, rue des Halles, à Paris ; Veillantel, 29, avenue de la Gare à Houilles. Le cuisinier du wagon-restaurant, M. Song, et M. Gordet, son aide, ont été également légèrement blessés. Après visite du docteur Humbert, à la gare de Rambouillet, ils ont pu continuer leur voyage par un train spécial formé aussitôt après l'accident, ou regagner Paris, à leur gré.

L'interruption des voies a duré toute la journée. Le préfet de Seine-et-Oise, M. Autrand, s'est rendu aussitôt en automobile sur les lieux et a procédé à une première enquête avec MM. Théaux, sous-préfet de Rambouillet, et Prinet, juge d'instruction.

Le Petit journal – 7 janvier 1911


EN BREF

Le mauvais temps - De diverses régions d'abondantes chutes de neige sont signalées. A Carcassonne, les courriers sont arrêtés. A Béziers, une marchande de primeurs, Mme veuve Domergue, est morte subitement d'une congestion causée par le froid. De Clermont-Ferrand on mande que toute la région est ensevelie sous une épaisse couche de neige; dans les rues de la ville, la circulation est difficile. En Algérie, des indigènes ont déclare au commissaire de police de Blida qu'ils avaient recueilli un jeune homme européen qui s'était perdu dans la montagne et qui avait les pieds gelés. Le signalement du jeune homme a été lancé dans toute la région. En Italie, les journaux oublient de nombreux télégrammes signalant l'arrêt des trains causé par la neige. L'interruption a duré deux jours entre Plaisance, Parme et Milan; 150 voyageurs sont restés en pleine campagne pendant vingt heures dans des wagons non chauffés. Le Temps – 7 janvier 1911

Collision entre contrebandiers et douaniers - On mande de Béziers qu'à la suite de la capture d'un chargement d'alcool passé en fraude, une collision a eu lieu entre contrebandiers et deux agents du fisc, Mercier et Boyer. Ces derniers furent assaillis par une force triple et l'attelage leur fut enlevé. Des coups de revolver furent tirés suivis de coups de pierre et de coups de matraque. M. Boyer fut grièvement blessé; M. Mercier moins grièvement. La police a opéré trois arrestations. Le Temps – 7 janvier 1911

6 janvier 2011

Les actualités du 6 janvier 1911

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La Vie et la Mort de Victor Regnard

Nous avons dit hier que l'état de Regnard ne laissait plus guère d'espoir. A dix heures, le malheureux comédien rendait le dernier soupir après une agonie douloureuse et sereine. Sur le lit de mort, où il repose, des mains amies ont déjà déposé des fleurs, et M. Fort, l'aimable directeur de l'hôpital Lariboisière, qui assista l'artiste dans ses derniers moments, fut le premier a déposer une gerbe.

Regnard était, pour employer l'expression habituelle, une physionomie bien parisienne. Né à Paris le 5 mars 1854, il débuta au petit théâtre de la Tour d'Auvergne, où sa verve et son entrain le firent  vivement remarquer. Il fut engagé au théâtre de Cluny où il se fit applaudir longtemps dans le Lycée de jeunes filles de joyeuse mémoire. Puis il créa successivement: Trois femmes pour un mari, Une femme collante, Coquard et Bicoquet. Dans Les Petites Michu aux côtés de Mmes Alice Bonheur et Odette Dulac, il eut un succès retentissant.

Regnard, jovial, bon enfant, toujours souriant, ne comptait que des amis dans tous les milieux. Il s'était depuis longtemps consacré aux bonnes œuvres, entre autres, à la mutualité, et il était plus fier de la modeste médaille de la Mutualité dont il portait le ruban à la boutonnière, que de la distinction académique dont il était titulaire. On sait également qu'il était secrétaire de l'Association des artistes dramatiques et organisateur des -matinées de Pont-aux-Dames

Les anecdotes sont nombreuses qui montrent l'extrême simplicité et la modestie de Regnard. Une d'elles se rapporte au temps déjà lointain où l'artiste entrait à Cluny pour créer Trois femmes pour un mari. Il avait d'abord refusé le rôle craignant de s'en mal acquitter. Si j'allais mettre la pièce par terre. Un pareil rôle ! J'ai peur de n'être pas de taille. disait-il à l'auteur, M. Grenet-Dancourt. Et il avait fallu que M. Grenet-Dancourt le rassurât et lui imposât cette création qui devait le faire connaître dans Paris et qui fut, d'ailleurs, la plus belle de sa carrière. Regnard joua Trois femmes pour un mari 525 fois de suite aux applaudissements de tout Paris.

Des ce matin, le corps du malheureux artiste a été transporté dans la salle d'école des infirmières, transformée en chapelle ardente. Durant toute la journée, les très nombreux amis de Regnard ont défilé devant le lit où il repose et sont venus rendre un dernier hommage à leur vieux camarade. Le fils du défunt est venu ce matin à L'hôpital. Le comité de l'Association des Artistes a décidé de prendre à sa charge les frais des obsèques dont la date n'est pas encore définitivement arrêtée.  Il est probable que l'inhumation aura lieu à Pont-aux-Dames le comité désirerait, en effet, que Regnard reposât auprès de Coquelin qu'il aida avec tant de zèle et de dévouement pour faire aboutir, la création de la Maison des artistes.

La Presse – 6 janvier 1911

EN BREF

Une ville engloutie - Saint-Pétersbourg, 5 janvier - La secousse sismique de l'avant-dernière nuit a été terrible dans l'Asie centrale. Selon les dernières nouvelles qu'il est impossible cependant de contrôler, vu la rupture des communications télégraphiques, la ville de Prejvalsk a été entièrement engloutie sous terre et un grand lac s'est formé à sa place. On ignore ce que sont devenus les habitants. La ville de Pishpek, qui comptait 6,000 habitants, a été complètement détruite. D'après les journaux, le tremblement de terre du Turkestan dépasse en violence ceux des siècles passés et l'on s'explique, maintenant, l'intensité des oscillations signalées hier par les observatoires du monde entier. A Taschkend même, qui est la capitale du Turkestan russe grande cité de 200,000 âmes les dégâts sont considérables. Le nombre des victimes, civiles ou militaires, est élevé. Beaucoup de maisons se sont écroulées et des milliers de gens sont sans abri. Tous les appareils sismographiques de l'observatoire de Pouikof, près de Saint-Pétersbourg, ont été faussés par la violence du tremblement de terre. Le Petit Parisien - 6 janvier 1911

Les grèves en Belgique: Sanglante collision entre mineurs et gendarmes - Voici quelques détails sur les incidents qui se sont produits, dans le bassin de Liège, où la grève générale des mineurs a été proclamée hier. Quelques jours avant le nouvel an, des grèves partielles se déclaraient dans les charbonnages de la province de Liège, motivées, la plupart, par l'application du nouveau règlement minier. Mardi soir, la grève générale était votée et on comptait environ 8 000 grévistes. Dans tout le bassin l'effervescence est grande et les incidents se multiplient. Hier encore, une collision s'est produite, mais cette fois avec les gendarmes, et le sang a coulé. Un cortège de grévistes venant de Flemalle, se rendait à la Maison du Peuple de Seraing, où un referendum était organisé sur la question de la reprise du travail, lorsqu'à Seraing, il rencontra des gendarmes à cheval. Accablés d'injures, ceux-ci voulurent arrêter quelques manifestants, il furent accueillis par une grêle de pierres et plusieurs coups de feu. Le commandant des gendarmes fit alors les sommations d'usage mais comme les grévistes refusaient de se disperser, et qu'un gendarme venait d'être atteint au bras, l'ordre de tirer fut donné. Il se produisit à ce moment une panique épouvantable. On releva cinq blessés. Parmi eux se trouvent un gendarme atteint au bras, deux grévistes blesses aux jambes, un jeune homme au pied et une vieille femme qui passait au moment de la bagarre et qui, atteinte d'une balle dans la tête, est dans un état désespéré. Si une détente ne survient pas à bref délai, de terribles éventualités sont à redouter. Des troupes de la garnison de Liège sont prêtes à partir pour Seraing. La Croix – 6 janvier 19100

5 janvier 2011

Les actualités du 5 janvier 1911

La police londonienne donne l'assaut à un repaire d'anarchistes

London bobbies

Un drame sanglant s'est déroulé hier sur les confins de la Cité de Londres, en pleine ville, à peu de distance du Stock Exchange, de la Banque d'Angleterre et du London Hospital, dans le voisinage des grandes artères de Mile End et de Commercial Road. La police, forte d'un millier d'hommes, à cerné un repaire d'anarchistes recherchés pour l'assassinat de policemen au cours d'une affaire de cambriolage, et après avoir sollicité le concours de la troupe et de l'artillerie pour fusiller les bandits, a laissé la maison brûler, engloutissant les hommes dans la fournaise.

La tragédie de Sidney street est l'aboutissant de cette affaire d'Houndsditch, qui fit tant de bruit dans la seconde moitié de décembre. Dans la nuit du 16 décembre, des policemen appelés pour arrêter des cambrioleurs qui tentaient de percer le mur mitoyen d'une bijouterie, furent assaillis par les bandits qui prirent la fuite. Trois policemen furent tués et deux grièvement blessés. Le lendemain on retrouvait dans une maison du voisinage un homme mortellement blessé d'un coup de revolver dans le dos. L'enquête démontra qu'il appartenait à la bande des cambrioleurs et qu'il avait été blessé accidentellement par ses complices, ou volontairement assassiné par eux pour assurer son silence.

La police arrêta les personnes susceptibles de donner des renseignements sur le défunt. Elle interrogea notamment une Russe nommée Rose Selinsky, restée à son chevet. Rose Selinsky déclara que passant la soirée chez une amie dans la maison, elle avait entendu des inconnus monter à l'étage supérieur un fardeau pesant et s'enfuir précipitamment. Elle monta avec son amie par curiosité après le départ des inconnus, trouva l'homme ensanglanté et courut chercher un médecin. La police ne fut pas dupe de cette fable et pensa que Rose Selinsky connaissait très bien le mourant.

La perquisition faite dans la maison amena la découverte d'un grand nombre de papiers intéressants qui mirent les détectives sur des traces nouvelles. L'homme assassiné était en relations étroites avec des anarchistes russes. C'était donc de ce côté qu'il fallait chercher les complices. On se trouva ainsi amené à lancer un mandat d'amener contre trois suspects, les nommés Fritz, âgé de vingt-cinq ans, forgeron, Russe, Pierre le Peintre, âgé d'environ trente ans, probablement Russe, et Yourka, vingt et un ans, également Russe.

Des le 17 décembre au matin, toutes les gares de Londres étaient surveillées. Les coupables ne pouvaient demeurer cachés que dans l'East End. La police fit un grand cercle autour du quartier suspect et commença ses recherches. On avait mis pour cela sur pied tous les inspecteurs de Scotland Yard.

Le 28 décembre, dans Gold street, on trouva un véritable arsenal de bombes, de revolvers, et le propriétaire de l'immeuble reconnaissait dans la photographie de l'ami de Rose Selinsky celle d'un locataire de sa maison. Il révélait par la même occasion son vrai nom Mouromstef. Ce dangereux anarchiste avait pris les dehors d'un peintre amateur et on le voyait parfois à sa fenêtre maniant ostensiblement ses pinceaux. Le propriétaire n'avait pas prêté une attention particulière à son absence depuis le 16, car il partait assez souvent pour le continent où il faisait de petits séjours.

Mouromtsef, qui avait ainsi deux domiciles en plus du logis qu'il avait pris dans la maison mitoyenne du bijoutier d'Houndsditch. était l'âme de la bande. Les recherches faites sur ses visiteurs de Gold street confirmèrent les premiers soupçons touchant les nommées Fritz, Pierre le Peintre et Yourka. Une prime de 12,500 fr. fut offerte à qui le livrerait. Cette promesse semble avoir permis à la police de trouver leurs traces à Sidney street.

La police fut mise sur la trace des coupables par une femme. Il y a quelque temps, une jeune Anglaise de l'East End fut attirée dans une maison par deux étrangers et maltraitée. La jeune fille savait bien qui étaient les deux étrangers, elle les connaissait depuis quelque temps, mais pour différentes raisons, encore inexpliquées, elle ne prévint pas la police. Récemment, cependant, la jeune fille ayant de nouveau rencontré ses persécuteurs, alors qu'elle se trouvait accompagnée d'un de ses parents, celui-ci n'hésita pas à aller confier l'histoire à la police. Il révéla que les deux hommes en question n'étaient autres que Pierre le Peintre et Fritz, qu'ils vivaient en compagnie d'un autre anarchiste, nommé Rozes, dans une maison de Sidney street.

La police fit évacuer dans la nuit les habitants de la maison de Sidney street au troisième étage de laquelle les assassins étaient couchés, puis, à quatre heures du matin, les agents conduits par l'inspecteur Wensley se faufilèrent dans l'escalier, montèrent jusqu'à la chambre des bandits et se mirent en devoir de forcer la porte mais les forcenés étaient prêts et, quand la porte céda, ils firent feu. Un agent s'affaissa. Obéissant à un plan concerté, les agents se replièrent. Au même moment, la maison était cernée, rendant la fuite impossible. Les forcenés, restés seuls dans la maison, se barricadèrent et organisèrent la défense, leur apparition successive à toutes les fenêtres donnait l'impression qu'ils étaient six.

Jusqu'ici d'ailleurs on n'est pas encore exactement fixé sur le nombre des morts mais la fait qu'on n'avait dans le courant de l'après-midi retrouvé que deux cadavres confirmerait l'hypothèse que les deux seuls bandits étaient demeurés dans la maison. La police n'a fait aucune communication à la presse, mais les deux cadavres retrouvés sont carbonisés et si méconnaissables qu'il sera extrêmement difficile de prouver qu'ils sont bien ceux de Fritz et de Pierre le Peintre, recherchés pour l'affaire de Houndsditch: ils portent tous deux des blessures d'armes à feu, de telle sorte qu'il sera impossible de savoir s'ils se sont suicidés ou s'ils ont été tués par les assiégeants.

Parmi les ruses de guerre employées au cours de la bataille, figurait l'apparition d'un mannequin de policeman à une croisée, afin d'attirer le feu des forcenés pendant que les policiers, cachés dans quelque embrasure, ripostaient à coups de carabine. Le cordon de troupes et de police encerclait Sidney street sur un rayon très étendu comprenant Russel street, Oxford street, Wolsey street, Hankins street et Lindley street. Les troupes de la garde écossaise et les 700 policiers qui entouraient le pâté de maison furent nécessaires non seulement pour empêcher la fuite des assassins, mais aussi pour maintenir la foule. Toute la population semi orientale qui remplit le quartier de Whitechapel s'était ruée dans la direction de ce nouveau fort Chabrol.

Devant le London Hospital, où avaient été transportés l'agent blessé Leeson et trois ou quatre pompiers ou soldats, la foule se cramponnait aux grilles et refoulait jusqu'au côté opposé de la grande avenue de Mile End. Même encombrement dans toutes celles des rues latérales que la police n'avait pas déblayées. La plus curieuse était une sorte de ruelle, Hawkins street, entre deux rangées de ces maisons à un étage où se tassent par milliers les juifs de Whitechapel. Le bâtiment où se trouvait le fort occupait l'extrémité même de cette petite rue noire. Aussi les badauds étaient-ils massés depuis le matin à deux cents mètres de l'endroit où se tiraient les coups de fusil; c'était un mélange incroyable de tous les spécimens humains, depuis les purs Orientaux, Arméniens, Syriens ou Turcs, jusqu'à l'ouvrier anglais, mais physiquement dégénéré, des docks, sans compter les ouvriers juifs qui travaillent dans ces taudis à faire des boutonnières de pantalon. Tout cela loqueteux, misérable, énervé, s'amusant comme à la foire.

En contraste avec cette population peu anglaise et qui ne fait guère honneur à Londres, la tenue de la police et de la troupe était comme toujours parfaite. Les scots guards, que l'on avait embusqués aux fenêtres de la brasserie située derrière le fort, tiraient comme au stand. Les bobbies s'employaient avec leur calme ordinaire à assurer, au milieu de cette effervescence, le service d'ordre. On a beaucoup remarqué le courage personnel montré par M. Churchill qui s'est exposé plusieurs fois, notamment quand il s'est joint aux soldats et aux policemen chargés de pénétrer les premiers dans la maison incendiée.

Le Temps – 5 janvier 1911

EN BREF

Grève des mineurs en Belgique – Liège, 4 janvier - La grève générale des mineurs a été proclamée ce matin. Il y a douze mille grévistes dans le bassin. Cet après midi, à trois heures, un important groupe de grévistes parcourait les rues de Seraing, quand, rue Ferrer, ils se retournèrent vers les gendarmes qui les escortaient et tirèrent dans leur direction des coups de feu. Les gendarmes ripostèrent et plusieurs grévistes furent atteints par les balles. On a relevé cinq hommes et une femme blessés. La femme avait reçu une balle de revolver dans la tête. Le bourgmestre a pris un arrêté interdisant les rassemblements; il a mandé cinquante gendarmes à cheval. La garnison de Liège est consignée. Le Petit Parisien – 5 janvier 1911

Tremblement de terre en Asie mineure - Hier, tous les sismographes du continent étaient mis en mouvement entre onze heures et demie et minuit et demie, c'est à dire à peu près à la même heure si l'on tient compte de la concordance des heures et enregistraient un tremblement de terre qui, étant donné l'agitation excessive des appareils devait être excessivement violent. Des dépêches parvenues de Saint-Petersbourg et de Tachkent dans la soirée sont venues confirmer la violence du tremblement de terre et aussi mettre d'accord les différentes appréciations données à la localisation de son épicentre. La secousse sismique, dont l'intensité concorda avec celle des oscillations des sismographes s'est produite dans le Turkestan russe et plus particulièrement semble-t-il dans la partie orientale de cette contrée, c'est à dire dans la région montagneuse. À Tachkent, la capitale, le tremblement de terre a été fortement ressenti vers quatre heures du matin. A Vernyi, dans le district de Semiretchi, au pied des monts Thian-Chan, tous les bâtiments peu solides ont été détruits; ainsi que les poêles ; et, comme le thermomètre marque dix degrés au-dessous de zéro, le population souffre terriblement. Les communications avec Djurkend sont interrompues. A Aoulié-Ata et à Kopal, de très fortes secousses se produisant dans la direction de l'ouest à l'est ont été également ressenties et des crevasses se sont produites dans le sol. Partout de nombreuses tribus, terrifiées par le tremblement de terre, se sont dispersées à travers les steppes. II est probable que le phénomène s'est étendu à d'autres centres ; mais cette répercussion, localisée dans de vastes zones quasi désertiques, ne sera contrôlée que d'ici quelque temps. Le Figaro – 5 janvier 1911

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