Les actualités du 31 décembre 1908
Tempête de neige sur le territoire
La tempête de
neige qui a sévi sur Paris s'est étendue sur toute la
France ou peu s'en faut. De tous les points du pays nos
correspondants nous signalent des bourrasques plus ou moins
violentes.
Dans le Roussillon, un ouragan s'est déchainé provoquant une tempête terrible qui a causé dans tous les ports du littoral des dégâts énormes. Dans la partie montagneuse du département des Pyrénées Orientales la neige est tombée en telle abondance que les communications sont totalement rompues, notamment avec l'arrondissement de Prades. Les amoncellements de neige sont tels que l'ont craint même si le temps change immédiatement que les électeurs sénatoriaux ne puissent tous se rendre au chef-lieu le 3 janvier.
A Grenoble, à Belfort, à Saint-Jean-de-Maurienne, à Mâcon, la neige tombe à gros flocons depuis deux jours. Les communications sont difficiles et les trains subissent des retards considérables. La marche des tramways est interrompue. Partout le froid est extrême. Dans la Haute-Maurienne, le temps est plus particulièrement mauvais et la neige tome en rafales comme on ne l'y avait pas vue tomer depuis nombre d'années.
Dans la région du Jura, la neige s'amoncelle dans certains passages et les obstrue complètement. Un vent glacé souffle et, congelant la neige aussitôt qu'elle est tombée, en forme des masses dures comme le roc et sur lesquelles la mine seule pourrait avoir prise. Dans le Centre, la neige a cessé de tomber aujourd'hui mais le froid est très vif. La Loire charrie des glaçons énormes. A lois notamment et dans les environs, le sol est recouvert d'une couche de verglas qui rend les rues et les routes absolument impraticables.
Sur le littoral, dans le Golfe du Lion et dans le Golfe de Gacogne, la tempête sévit avec violence. Au large de Marseille, par suite d'un fort vent du Nord-Ouest, la mer est démontée et les courriers n'ont pas pu partir à leur heure habituelle. Les paquebots n'arrivent qu'avec de grands retards.
Le Figaro – 31 décembre
1908
EN BREF
La grève des boueux – Les délégués des boueux grévistes, ceux des entrepreneurs et les représentants de l'administration se sont retrouvés devant la Commission du Travail, à l'hôtel de Ville. Une longue discussion s'est à nouveau engagée. A l'issue de de cette réunion, nous avons interrogé l'un des délégués qui nous a dit: "L'entente n'a pu se faire malgré les efforts des conseillers municipaux. Les entrepreneurs (...) n'ont voulu admettre aucune de nos revendications ! Vous savez ce qu'elles sont: 6 F par jour pour une voiture à un cheval et 7 F pour une voiture à deux chevaux. (...) Les entrepreneurs n'acceptent pas nos réclamations, dans ces conditions les pourparlers sont rompus. (...) La grève continue donc sans que l'on puisse voir une solution prochaine. La Presse – 31 décembre 1908
La guerre au Printemps – Rome – On commente vivement un article que Monsieur Scarfoglio, Directeur du Mattina de Naples, vient de publier dans son journal. Monsieur Scarfoglio est persuadé que la guerre éclatera au printemps prochain dans les Balkans et qu'elle entrainera une conflagration générale. A son avis, la France à tout à gagner à la guerre et peut désormais se payer le luxe de la revanche. L'Angleterre non plus n'a rien à perdre, et les avantages d'un conflit avec l'Allemagne compenseraient largement les risques qu'elle pourrait courir. Pour l'Allemagne au contraire, la guerre signifierait la banqueroute et un désastre complet pour son industrie et son commerce. (...). La Presse – 31 décembre 1908
Mort depuis 6 semaines – Monsieur Lompré, commissaire du quartier du Pont-de-Flandre était informé hier matin par la concierge de la maison située au 26, Rue de Nantes, que depuis quelques jours, une insupportable odeur cadavérique était répandue dans toute la maison. Elle semblait provenir de la chambre habitée par un jeune homme de 29 ans, Pierre Pichard, saigneur aux abattoirs. Le magistrat se rendit rue de Nantes et fît ouvrir la par un serrurier la porte de la chambre de Pierre Pichard. Un affreux spectacle s'offrit à ses yeux. Sur le plancher, gisait en pleine décomposition et à moitié dévoré par les rats le cadavre du mal heureu. Au milieu de la pièce se trouvait un réchaud éteint et sur une table une lettre dans laquelle Pierre Pichard annonçait qu'il se donnait la mort à la suite de chagrins intimes. Cette lettre était datée du 16 novembre. Il y avait donc plus de 6 semaines que Pichard était mort. Le Petit Parisien – 31 décembre 1908
Paris patauge - En attendant les balayeurs municipaux,
tant de véhicules et tant de piétons ont foulé
la neige des chaussées et des trottoirs qu'elle n'a même
plus sa elle couleur blanche. Ce n'est déjà plus de la
neige, c'est de la boue, et Paris a horreur de la boue. (...) En
longues files, omnibus, fiacres, camions, tombereaux avançaient
péniblement dans les tas de neige amoncelés; seuls les
autobus et les automobiles main tenaient une certaine allure. Les
conducteurs d'ailleurs, en ont largement profité. Ils
demandaient aujourd'hui des prix élevés pour les
moindres courses, mais il est vrai qu'ils devaient user beaucoup plus
d'essence qu'en temps ordinaires. (...) Certains omnibus qui en temps
ordinaire font leur trajet en 40 minutes arrivent difficilement au
bout de leur ligne en une heure et demie et même deux heures.
(...) Quant au métropolitain, il a fonctionné régulièrement.
Les recettes ont augmenté de façon considérable
car c'était le seul moyen de locomotions rapide. Les services se sont ressentis
également du mauvais temps. De grands retards se sont
produits. A l'heure du courrier de nombreuses voitures ont dû
être abandonnées et les sacs de lettres portés à
bras dans les gares de Paris. Certains courriers ont été
manqués. Les communications télégraphiques et
téléphoniques se sont également ressenties des
perturbations atmosphériques. Les halls des grandes gares
parisiennes, en particulier ceux de la gare Saint-Lazare et de la
gare de Lyon présentent un aspect des plus curieux. Sur les
bancs, des miséreux, hommes, femmes et enfants sont serrés
les uns contre les autres pour se réchauffer. Sur toutes les
lignes, les trains ont subi des retards. Un train spécial d'excursionnistes anglais venant de Calais qui devait arriver hier
soir à 6 H 33 n'est entré en gare qu'à 10 H 50. Quand les gares ont rendu aux rues où
la bise souffle les malheureux qui s'y réfugient, ils
cherchent un gite pour passer la nuit à l'abri du froid. Une
partie se dirige vers les Halles pour aider au déchargement
des voitures ou au transport des denrées dans l'espoir de
gagner quelques sous. (...) Rue Réaumur, le long des bâtiments
des Arts-et-Métiers, on ne cesse depuis 24 heures de
distribuer des soupes, de la viande et du pain. Aux portes des
casernes, on a distribué aussi des soupes aux pauvres gens qui
viennent s'y présenter nombreux. La Presse – 31 décembre
1908