Les actualités du 31 octobre 1909
Une femme ensevelie vivante dans l'effondrement d'une rue à Montmartre
Un tragique accident et bien fait pour impressionner les Parisiens s'est produit, hier, à sept heures du soir, à Montmartre. Sans cause apparente, sans que rien semble motiver une semblable catastrophe, une partie de la rue Tourlaque — qui va de la rue Caulaincourt à la rue Damrémont — s'est effondrée. Cent cinquante mètres cubes de terre ont disparu dans une excavation qu'on ignorait et deux personnes, deux passants, un homme et une femme, qui descendaient paisiblement la rue, ont été ensevelis vivants dans l'énorme masse de terre.
L'homme, M. Michaudet, demeurant, 11, rue Carpeaux, a pu être retiré vivant du sable mouvant, mais il n'en est malheureusement pas de même pour la femme, dont on ne connaît pas encore avec certitude l'identité. Aussitôt que l'accident se fut produit, les pompiers accoururent et tentèrent les plus courageux efforts pour retrouver la disparue, mais leur travail trop hatif ne fit que provoquer un nouvel éboulement, dont un pompier faillit être victime.
A sept heures et demie du soir, l'état-major des pompiers est sur place, M. le colonel Vulquin et M. Lépine, préfet de police, dirigent en personne les travaux de sauvetage. Le trou béant est éclairé par les deux projecteurs électriques des pompiers, installés au deuxième étage de la maison qui fait, en face, le coin de la rue Damrémont. L'excavation s'allonge, effrayante, sur douze mètres, au ras de l'immeuble tout neut qui fait l'angle des rues Tourlaque et Damrémont ; les fondations de l'immeuble sont à nu ; la largeur du trou tient la moitié de la rue et tout au fond, c'est-à-dire à une dizaine de mètres, on aperçoit l'entrée d'une galerie boisée qui a dû jadis faire partie d'une carrière.
La masse énorme de terre a disparu dans le sous-sol comme coule le sable d'un sablier. Dans quel coin de cette colossale tombe se trouve la malheureuse femme disparue ? Nul ne peut le savoir, et des ingénieurs qui ont connu jadis les plans — détruits en 1870 — du sous-sol de la Butte, affirment que le trou peut avoir trente-cinq mètres de profondeur.
Le sauvetage n'a pu être organisé d'une façon pratique que vers onze heures du soir, lorsque l'on eut réussi à recruter une équipe de charpentiers de chez M. Borderel, le grand entrepreneur de charpentes de la rue Clignancourt. Un plancher fut installé, non sans peine, au-dessus du trou béant. On pouvait craindre un nouvel effondrement, qui aurait entraîné le reste de la rue et peut-être l'immeuble voisin.
La maison qui se trouve au 12 de la rue Tourlaque fut évacuée, tout au moins par les locataires demeurant sur le devant, au-dessus du précipice ; mais, dans une écurie qui se trouve au n° 12, un cheval est resté. Effrayé par le bruit qu'il entend, il frappe du sabot contre la cloison de planches ; on craint un moment qu'il ne réussisse à la démolir avant la , confection du plancher ; il tomberait sûrement dans le trou. Ce ne sera pas trop que toute la nuit pour établir le plancher et les treuils qui serviront à enlever la terre, et, au dire des gens compétents, il faudra quarante-huit heures pour retrouver la malheureuse, qui n'est peut-être pas morte. Il se pourrait, en effet, qu'elle se trouvât dans une excavation.
Il y a cinq ans le même accident, mais moins grave, s'est produit au même endroit ; deux enfants furent entraînés dans l'éboulement et l'un d'eux, le jeune Demeulle, âgé de trois ans, fils du boulanger installé au coin de la rue Tourlaque, fut retiré vivant après plusieurs heures de recherches : il était resté dans une poche formée par de grosses pierres, à un mètre à peine sous terre.
Dans la soirée, plusieurs personnes se sont présentées pour demander des renseignements sur la femme ensevelie, qu'ils supposaient être de leur famille. On croit — mais le fait n'est pas suffisamment établi — qu'il s'agit d'une dame Chevalier, habitant avec son mari au 86 bis de la rue Lepic. Elle sortit vers sept heures du soir pour faire quelques provisions dans le quartier, et n'est pas rentrée chez elle de la soirée. M. Chevalier et son petit garçon, d'une dizaine d'années, se sont tenus toute la nuit aux abords du trou, qui ne leur a pas livré son secret angoissant.
Le Figaro – 31 octobre 1909
EN BREF
Première représentation de Chocolat-Aviateur au Nouveau Cirque - C'est une intéressante appropriation des inventions contemporaines à l'art de divertir que M. Charles Debray vient d'offrir hier au soir à son public heureux de rire, et fidèle aux espiègleries de Footit et de Chocolat. M. Henry Moreau a imaginé en effet, un. voyage en aéroplane des deux célèbres clowns. Ce voyage commence par une leçon pleine d'imprévus et de cocasseries. Cependant, Footit et Chocolat partent tout de même, au grand désespoir des habitués du Nouveau Cirque et des délégués des théâtres de Paris ; et, tout à coup, ils se trouvent en Afrique, alors qu'ils s'imaginent avoir atteint le pôle Nord. Chocolat y retrouve, avec joie, sa famille d'origine ; mais, Footit n'y rencontre pas moins Peary et, Cook qu'il tente, en vain, de mettre d'accord,: en affirmant que lui seul revient, en vérité, des régions arctiques. Un nouvel inventeur veut aussi leur faire apprécier sa machine nouvelle, mais celle-ci se brise, et c'est la chute dans l'eau, avec la scène aquatique coutumière à cet établissement. La musique de M, Emile Bonnamv est comme toujours alerte et pimpante. M. Liesse, du Palais-Royal, et MM. Chauveau et Lecourt sont réellement joyeux, et les danseuses évoluent avec charme. La Presse – 31 octobre 1909
Diligence attaquée par des bandit — La diligence qui fait le
service entre Aix et Jumes-Riez (Basses-Alpes), a été attaquée la nuit dernière.
Cette malle-poste part tous les jours d'Aix à deux heures et emporte les valeurs
et les chargements destinés à toute la région de Riez. Les sommes ainsi groupées
sont souvent importantes. La Sûreté avait été prévenue et, pour parer à tout
événement, quatre inspecteurs avaient été chargés dé convoyer la malle-poste. A
six kilomètres d'Aix, soudain, une douzaine d'individus surgirent et ouvrirent
un véritable feu de salve contre la voiture qui fut criblée de balles. En même
temps, deux des bandits avaient bondi à la bride des chevaux et intimaient au
cocher de quitter son siège. Une décharge de coups de feu fut la réponse des
inspecteurs de la brigade mobile. Surpris par cette intervention inattendue, les
bandits, dont deux ou trois doivent avoir été blessés, prirent la fuite et
disparurent dans les champs voisins La nuit était noire, il pleuvait à verse,
mais on se mit cependant à la poursuite des bandits, qui ne furent pas rejoints.
Deux individus arrêtés à Marseille sont soupçonnés d'avoir organisé cette
audacieuse agression. Journal des débats politiques et littéraires – 31
octobre 1909