Les actualité du 13 novembre 1910
Paris redoute une nouvelle crue
Sur les bords défleuris que la Seine arrose trop, les Parisiens étaient fort nombreux hier à contempler la crue et à y croire, malgré l'optimisme de MM. Charguéraud, Rousseau, Boreux, Drogue et Tur, nos défenseurs administratifs contre les inondations. Cependant, ils n'étaient pas inquiets ni trop affligés. Le spectacle n'apparaissait pas encore dramatique. Seuls, des charretiers se hâtaient sur les berges à emporter les matériaux de construction, les mariniers doublaient les amarres des chalands pour résister a des courants grandissants. Les douaniers du quai du Louvre déménageaient des paperasses de leur guinguette du bord de l'eau.
Le fleuve ne charriait pas encore trop de butin. Des remorqueurs manœuvraient, plus hardis que les bateaux parisiens. Sur chaque pont et en bordure de tous les parapets, les curieux, uniformément, profitaient du charmant soleil. Ils se partageaient les souvenirs encore humides de l'inondation, les anecdotes accessoires et les drames qui se déroulèrent dans les caves, entre l'eau révolutionnaire et les nobles bouteilles.
A Passy, dans les quartiers bas, on commence à déménager. Les berges sont sous l'eau, des charrettes, laissées là, ne laissent plus paraître que le haut de leurs roues et les pointes de leurs brancards. Sur le quai de Passy, près du pont de la ligne du Champ-de-Mars à la gare Saint-Lazare, des ouvriers bouchent avec rapidité toutes les ouvertures donnant sur le fleuve. Partout sont rangés des sacs de ciment, des planches, des tréteaux, des briques.
Mais le centre de cette activité fébrile se trouve à la rue Félicien-David, qui fut si éprouvée l'année dernière, et qui est transformée depuis hier en un véritable chantier. L'usine Bosch a fait élever, dans l'après-midi, une murette qui bouche complètement une de ses entrées. A la fabrique Choubersky, l'eau affleurait vers quatre heures à l'ouverture des bouches d'égout et on essayait de bâtir le plus vite possible de petits barrages tout autour.
Rue Théophile-Gautier, une humidité inquiétante a gagné les caves et les sous-sols. Tout le quartier est plein d'une animation extraordinaire. Des employés de la Compagnie du gaz; armés de longues pompes à main, vident sur les trottoirs l'eau qui s'est déjà infiltrée dans les conduites. Chacun est devenu maçon, et, armé d'une truelle, de briques et d'un peu de ciment, construit une foule de petits barrages circulaires ou carrés qui donnent, sur toute sa longueur, un aspect étrange.
Entre le pont de l'Alma et le pont Alexandre-III, tout est également prêt pour lutter contre l'envahissement de l'eau, madriers, planches, piles de sacs de ciment; briques. Les employés de la voirie sont là, prêts à toute éventualité, groupés autour de braseros bien garnis. Les curieux se promènent et c'est avec intérêt qu'ils suivent l'évolution d'un bateau-atelier des bateaux-parisiens, dont le pilote s'aplatit sur sa passerelle pour passer sous les ponts. Ce bateau s'arrête à tous les pontons pour en consolider les attaches.
La rue Watt est envahie par l'eau sur une longueur de cinquante mètres environ. Une pompe fonctionne. La circulation n'est pas interrompue. L'éclairage fait défaut sur le pont Alexandre-III. On sait que le transformateur électrique est placé sous le pont. Or, il est submergé. Fait plus grave. L'usine de l'Est-Parisien, à Vitry, a été envahie par les eaux. Elle alimente les becs électriques de l'avenue Gambetta et de l'avenue de la République, lesquels becs se sont éteints hier soir. Quant aux tramways, ils marcheront, grâce au concours des usines Thomson-Houston et Est-Lumière. Les caves de la Préfecture de police, le souterrain de ronde du Palais de Justice et les caves des maisons du quai des Grands-Augustins ont été, hier soir, envahis par les eaux.
Le ministre des travaux publics, M. Puech, qui a parcouru Paris, a pensé qu'il ne suffisait pas d'avoir rassemblé les matériaux qui serviront à empêcher les débordements. Il a prescrit de procéder à des expériences de mise en place, afin d'éviter toute hésitation et, tout flottement au moment critique; bien que, pour l'instant, il n'y ait aucune inquiétude immédiate, ces expériences de mise en place des barrages mobiles vont avoir lieu à Passy et à la Rapée. Dès hier, 200 cantonniers ont surélevé la digue du quai de la gare. Même travail a été effectué devant la gare des marchandises d'Ivry.
Le préfet de police a adressé des instructions très précises aux maires, commissaires de police et officiers de paix. Il a, pour tracer ces instructions, envisagé trois phases: celle où l'inondation, peu importante encore, permet de se servir des voitures, celle où l'établissement des passerelles devient nécessaire; celle enfin où ni voitures ni passerelles ne sont plus utilisables, et où il faut organiser un service de bachotage. Pour les voitures, il appartiendra aux maires.de se procurer, par voie de réquisition et avec le concours, au besoin, des commissaires de police, les attelages dont la nécessité aura été reconnue.
Quant aux passerelles, aussi bien celles devant assurer la circulation publique que celles destinées à desservir les immeubles, elles seront établies par les soins des municipalités, avec le concours, suivant le cas, des fonctionnaires du service des routes ou des agents de la voirie municipale.
Le Figaro – 13 novembre 1910
EN BREF
Trois ouvriers ensevelis - Tunis, 12 novembre. - Dans un chantier de terrassements situé près de Tunis, au pied de la montagne Sidi I3el Hassen, sept ouvriers indigènes étaient occupées à charger des wagonnets, près d'une paroi taillée à pic, lorsqu'une énorme masse de terre tomba sur eux. Avertis par les cris des contremaîtres, quatre d'entre eux purent fuir, mais les trois autres restèrent sous la masse. Les travaux de déblaiement furent entrepris aussitôt par leurs camarades, qui parvinrent à retirer un nommé Abdeselem ben Ali, qui respirait encore. Il avait tes deux jambes brisées et de nombreuses contusions sur le corps. Quant aux deux autres, nommés Moussa ben Boubaker et Abdou bel Hadj Ahmed, ils avaient cessé de vivre. Le Petit Parisien – 13 novembre 1910
Romanesques voleurs - Un peu avant l'heure de la fermeture des bureaux, hier soir, deux jeunes gens élégamment vêtus et paraissant âges de dix-sept à dix-huit ans, se présentaient quai des Orfèvres et demandaient à parler à M. Hamard. Mis en présence du chef de la Sûreté, ils déclarèrent se nommer Léopold Capel et Armand Foy et avoir tenté de voler, avec menaces et violences, mardi soir, la caissière d'un grand magasin de confections situé place Saint-Pierre, à Nantes. Excités par la lecture de romans policiers, dirent-ils, nous avions résolu de devenir des bandits célèbres. Mais aujourd'hui nous regrettons notre acte et nous venons nous constituer prisonniers. Au surplus, nous sommes sans ressources. Les deux romanesques voleurs ont été envoyés au Dépôt. Le Temps – 13 novembre 1910
On annonce la mort de M. Vauthier, le chanteur d'opérette bien connu, décédé hier matin à Cassis (Bouches-du-Rhône), où il avait pris sa retraite. Il était né à Auxerre en 1845. Il avait débuté au Petit-Lazare, puis il avait été engagé en 1870 aux Folies-Dramatiques. Ses principales créations à ce théâtre furent la Boîte de Pandore et les Chevaliers de la Table Ronde. Il passa ensuite au Théâtre-Lyrique (Athénée), puis à la Renaissance, où il créa successivement la famille Trouillat, Giroflé-Girofla, la Petite Mariée, la Reine Indigo, la Camargo, la Marjolaine, le Petit Duc, Belle-Lurette, le Saïs, etc. Il quitta la Renaissance au bout de huit ans pour entrer aux Nouveautés, où ses plus remarquables créations furent le Cœur et la Main et l'Oiseau bleu. A la fin de sa carrière, Vauthier fut engagé aux Variétés, à l'époque où M. Fernand Samuel donna une saison d'opérette. C'est là qu'il reprit la fille de Mme Angot et créa un des rôles du Sire de Vergy. Le Temps – 13 novembre 1910