Les actualité du 4 décembre 1910
Une digue s'effondre sous la pression des flots– Tout un pays noyé sous 6 mètres d'eau
Nantes, 3 Décembre. Malgré toutes les précautions qui avaient été prises, malgré toute l'activité déployée par les ingénieurs des ponts et chaussées, pour éviter un désastre qui va avoir, parmi les populations riveraines, une ruineuse répercussion, la levée de la Divatte s'est rompue sous l'enorme pression des eaux.
Hier soir, on publiait une dépêche rassurante des ingénieurs, adressée à la direction des ponts et chaussés, et l'informant que le renforcement de la digue s'avançait rapidement. Malheureusement, la catastrophe devait se produire quelques heures plus tard. A 8 heures un quart, une brèche de 50 mètres s'est ouverte en amont du pont de Thouaré ; la levée, sous l'énorme pression des eaux, a cédé et le fleuve a envahi tout le pays, c'est-à-dire plusieurs communes. Fort heureusement, toutes les dispositions avaient été prises et nous n'avons aucun accident de personnes à déplorer.
Aussitôt qu'il a été informé de la catastrophe, le préfet, qui s'était, le matin même, rendu à la levée de la Divatte, s'est transporté de nouveau, hier soir, à 10 heures, sur les lieux, en automobile ; M. Rault était accompagné de M. Guist'hau, sous-secrétaire d'Etat à la Marine, arrivé le soir même de Paris, et de M. Fleury, agent voyer en chef du département. A la Divatte, se trouvaient tous les ingénieurs des ponts et Chaussées, cent marins de cette administration, les gendarmes de la 11e légion.
Le spectacle est absolument navrant : à la place de vallées riantes et fertiles, on voit maintenant une immense nappe d'eau, couvrant une étendue d'environ ,40 kilomètres carrés, et noyant les communes de Saint-Julien-de-Concelles, de Basse-Goulaine, de Haute-Goulaine, de Lachapelle-Bassemer, du Loroux-Bottereau, de La Chapelle-Heulin.
C'est exactement au lieudit La Praudière que la levée de la Divatte s'est rompue, hier soir, dans l'obscurité : c'était un bruit sinistre que celui fait par cette énorme masse d'eau, se déversant avec impétuosité dans la campagne. Pour ajouter à l'horreur de la situation, le feu a éclaté dans la ferme de M. Limousin, consumant un hangar bondé de paille et de provisions, sauvées des eaux.
Le désastre est énorme et se chiffre par millions. A trois heures ce matin, il a fallu emporter de force de leurs maisons des vieillards qui voulaient rester, car ils auraient péri. On peut évaluer à 4 ou 5 mètres de hauteur la moyenne de la nappe d'eau dans la vallée submergée.
Sur la levée, qui est à sec, s'organisent des secours par bateaux apportés de Nantes dans des prolonges d'artillerie et du train. Une coupure a été faite dans la digue à Basse-Goulaine pour égaliser le plan d'eau. On craint aussi que la digue d'Embreil, près de Saint-Julien, ne cède à son tour : on y travaille. Par suite de la rupture de la Divatte, l'eau a baissé de 35 centimètres à Nantes, mais depuis midi elle remonte à nouveau. A Ancenis, l'éclairage au gaz est supprimé ; l'eau potable manque ; les maisons sont inondées jusqu'au premier étage. Le pont de Gravelle, près de Varadey, menace d'être emporté.
Le Petit Journal – 4 décembre 1910
EN BREF
Blessé par un lion - Hier soir, un employé d'une ménagerie foraine installée aux Gobelins, s'apercevant qu'il avait négligé de tirer le verrou de sûreté de la cage d'un lion, voulut réparer cet oubli: il passa la main à travers les barreaux pour saisir la targette. Mais à ce moment le fauve bondit et arracha d'un coup de dent le bras du malheureux garçon. Le personnel de l'établissement accourut et, à coups de piques et de fourches, repoussa le lion. Le blessé, qui perdait son sang par une affreuse blessure, fut transporté l'hôpital Cochin. Le Temps – 4 décembre 1910
Une institutrice carbonisée - Hier matin, des ouvriers agricoles en
service au château de Grignon, à Orly, près de Choisy-le-Roi, ont découvert,
étendu en travers d'un sentier, le corps d'une femme à demi carbonisé. Près du
cadavre ils ramassèrent une bouteille ayant contenu de l'essence et quelques
allumettes. Le commissaire de police de Choisy-le-Roi arriva bientôt, à la
nouvelle de la macabre découverte. Des poches des vêtements, incomplètement
brûlés, il tira un crucifix, des médailles, une montre en acier oxydé marquant
sept heures, un certificat de naissance et divers papiers écrits en allemand.
Cet acte de naissance est libellé au nom d'Anne Marie Knoll, née le 10 décembre
1886 à Zerlucken (Bavière). Ses papiers ont révélé qu'elle était institutrice et
qu'elle avait été placée comme gouvernante dans plusieurs maisons, notamment au
château de Donjeux (Haute-Marne). Sur une feuille volante était inscrite cette
adresse Anna Heim, 19, avenue de Choisy, Paris. D'après ce qui resté des
vêtements il paraît que la morte était dans une situation plutôt précaire. Le
commissaire de police, après avoir fait transporter le cadavre la Morgue, a
commencé son enquête. Il est bien difficile de croire à un suicide et d'admettre
que cette jeune fille ait eu le courage de choisir une mort aussi affreuse.
D'autre part, on ne s'explique pas comment, à supposer le crime, les voisins
n'aient pas entendu pousser des cris. Le Temps – 4 décembre 1910
Le rouleau compresseur - On mande d'Oran, qu'hier soir, sur la route de Sidi-Charni, deux commerçants d'Oran, MM. Hafon, pâtissier et Hippolyte, coiffeur, revenaient de la chasse dans une charrette anglaise attelée d'un cheval l'équipage croisant un cylindre à vapeur qui procédait à la réfection de la route, l'animal prit peur et tourna court. La charrette anglaise se renversa et les deux voyageurs furent projetés juste sous le rouleau. Le mécanicien arrêta net la lourde machine, mais les corps étaient déjà à moitié broyés. Le cylindre fit marche en arrière et les corps purent être dégagés. Les blessés furent étendus sur une charrette qui les conduisit à Oran où malgré tous les soins qui leur furent prodigués, MM. Hafon et Hippolyte succombèrent à huit heures sans avoir repris connaissance. Le Temps – 3 décembre 1910