Les actualité du 6 décembre 1910
La mort de Mary Bakker Eddy
La fondatrice, et grande-prêtresse de l'Église de la science chrétienne, Mme Eddy, vient de mourir aux États-Unis à l'âge de quatre-vingt-neuf ans. Attirée vers le mysticisme dès son enfance, elle avait étudié la philosophie, la logique et l'éthique, et commença en 1879 son œuvre des Christian scientists, basée sur ce principe que l'esprit est tout, que la matière n'est rien, qu'il n'y a que la foi qui sauve et qui guérit.
Elle écrivit plusieurs ouvrages, dont le plus connu est Science et santé avec la clef des Ecritures. Elle niait l'existence de la maladie. Sa doctrine, renouvelée du pyrrhonisme, à savoir que ce que nous pensons seul existe et que ce que nous voyons, touchons, entendons et goûtons n'existe pas, était l'envers de la science positive.
Mme Eddy avait cependant réussi à réunir aux États-Unis environ un million d'adeptes, surtout des femmes, et avait amassé une grosse fortune avec la vente de ses livres, dont celui cité plus haut fut tiré jusqu'à 200,000 exemplaires qui se vendaient 25 francs. Elle demandait aux prosélytes 1,500 francs pour les instruire dans la science chrétienne.
Beaucoup de ses adeptes, imbus de sa doctrine la guérison par la simple foi, moururent victimes de leur croyance, pour n'avoir pas fait appel à la science médicale. Peut-être seraient-elles mortes tout de même. L'humoriste Mark Twain a fortement plaisanté Mme Eddy et sa science chrétienne». Quoi qu'il en soit, si celle-ci ne lui a pas conféré l'immortalité que lui attribuaient certains de ses adeptes, lesquels n'ont pas voulu croire à sa mort, elle lui donna la longévité et la fortune avec laquelle est assuré l'avenir de l' Eglise de la science chrétienne en attendant que le développement spirituel de l'humanité assure son triomphe sur la mort.
Cette Église sera dirigée par un conseil d'administrateurs et non par Mme Augusta Stetson, la directrice déposée de la première Église, qui avait, dit-on, l'ambition de succéder à Mme Eddy. Celle-ci avait reçu du gouvernement français le ruban d'officier d'académie en 1907.
Le Temps – 6 décembre 1910
EN BREF
La nouvelle revue des Folies-Bergère - Il en est, chez Clément Bannel, aux Folies-Bergère, comme chez Nicolet: de plus en plus fort. On pouvait croire, après la revue de l'an dernier, que l'élégante somptuosité de la mise en scène ne serait plus dépassée. Elle le fut cependant: quand la borne est franchie il n'est plus de limites. Cette année, MM. Paul Fiers et Eugène Héros ont eu besoin de quarante-cinq tableaux, par suite, quarante-cinq décors différents et costumes à l'avenant. Nombreuses sont les scènes comiques, Citons, au hasard du souvenir, celles du garçon de bains, du coureur à pied, du courriériste, de la dactylographe, de Bébé et de Dodor, du football dans la salle, du grand industriel. L'intervention du directeur augmente pour le finale des actes. Celui du premier acte forme une série de tableaux pittoresques ou brillants, les Variétés en 1810, une soirée chez Pauline Borghèse, les maréchaux de France, le Salon de peinture de 1810, pour aboutir à la Distribution des aigles, d'après le tableau de David, une apothéose fulgurante, montrant tous les maréchaux de l'Empire, étendards en main, s'inclinant devant l'empereur. Le finale du deuxième acte nous montre la cour de Henri Vlll, la cour de François Ier et l'entrevue du camp du Drap d'or.. Les interprètes sont de choix Claudius, Maurel; Chevalier, très amusant dans son imitation de Mayol; M. Baldi, qui imite M. Guitry dans l Aventurier, ainsi que M. Le Bargy. Mlle Marville est une excellente commère. A coté d'elle il faut distinguer Mlle Marnac, miss Haney, Reine Eymard, et après avoir mentionné le succès des danseurs et danseuses de la troupe Jackson, constater que le bataillon des jeunes femmes reste digne de sa renommée. Le Temps – 6 décembre 1910
Mlle Dutrieu bat le record féminin d'aéroplane - Gênée par un fort brouillard, Mlle Hélène Dutrieu n'avait du, samedi dernier, prétendre au record de l'aéroplane, côté des femmes, ainsi qu'à la Coupe Femina qui l'accompagne. Elle s'était engagée à l'Aéro Club pour faire hier une tentative. Le succès a couronné les efforts de Mlle Hélène Dutrieu qui, vainquant le vent et le froid, tint l'air pendant 1 heure 9 minutes, ayant volé, à Etampes, sur un circuit de 7 kilomètres de périmètre 60 kil. 800. Mlle Dutrieu nous a narré son exploit: Je voulais partir dans la matinée, nous, a-t-elle dit, mais le vent était si violent que j'ai attendu l'après-midi. N'y tenant plus, j'ai fait sortir mon appareil du hangar, bien que le vent fit '' zou, zou '' autour des hangars. Essayez toujours, me dit Henry Farman. Si le vent vous gêne trop, vous vous arrêterez. Ce que femme veut, Dieu le veut, ajoute Mlle Dutrieu toute souriante. J'ai fait un tour, et puis deux tours. Comme l'appareil tenait très bien, comme mon amour-propre était en jeu, j'ai continué. La piste était tracée par six pylônes où des commissaires veillaient. D'abord ces pylônes furent assez visibles ; mais à mesure que la nuit venait, je ne les distinguais presque plus. Au moment où je me suis arrêtée, à cinq heures moins dix, je ne voyais plus rien du tout J'avais dépassé l'heure ; j'étais la première femme ayant volé soixante minutes; j'avais battu le record féminin de distance. J'étais, contente ! Mais je ne serai vraiment satisfaite que lorsque j'aurai volé trois heures. Dans cette intention, je me suis engagée de nouveau à l'Aéro Club, et je recommencerai jeudi prochain. Comme nous demandions à la recordwoman de l'aviation si la tentative de la Coupe Michelin lui souriait : Il n'y a rien à faire contre Farman, dit-elle. Le Matin – 6 décembre 1910