Les actualité du 17 décembre 1910
Violente tempête sur l'ouest de l'Europe
La tempête fait rage sur nos côtes. De toutes parts les dépêches signalent que le vent d'ouest a soufflé avec une violence inouïe et que la mer est démontée. Il y a, hélas ! Des sinistres à déplorer et déjà les flots rejettent sur les plages des cadavres de marins.
A Brest, l'inquiétude était grande sur le sort du grand remorqueur de l'Etat, l'Infatigable, qui est parti mercredi à sept heures du matin pour aller au secours d'un vapeur et qui depuis n'avait pas donné de ses nouvelles. Il est heureusement rentré au port, après une traversée très mouvementée et sans avoir pu rejoindre le bâtiment, en détresse.
Devant Brest encore, un drame de la mer s'est déroulé hier. Le paquebot Kildonan-Castle a fait savoir par télégraphie sans fil à la préfecture maritime, que le steamer anglais Thornaby, de West-Hartlepool, était en détresse à 50 milles au large de l'île d'Ouessant. Les panneaux et la passerelle ont été brisés par la tempête. Les embarcations ont été enlevées par les lames. Le Kildonan-Castle est resté quatre heures près du navire en détresse, qui fait route à toute vapeur vers le sud-est pour toucher un port.
A Roscoff, le canot Commandant-Philippes-de-Kerhalle de la Société centrale de sauvetage des naufragés, est sorti dans l'après-midi pour se porter au secours d'une gabare en perdition, qu'il a eu la chance de ramener au port après avoir sauvé tout son équipage. Dans toute la Bretagne, d'ailleurs, la tempête et les orages se succèdent sans interruption.
A Lanouée, le clocher a été détruit en partie parla foudre. Partout, la campagne est inondée. La rivière, le Blavet, a débordé. Toutes les usines sont arrêtées. Plusieurs milliers d'ouvriers chôment. A Lorient, Pontivy, Vannes, plusieurs places sont transformées en étang. Le village de Lowener, entouré d'eau, est transformé en îlot. A Quiberon, la digue a été emportée en partie. La deuxième escadre ne peut appareiller et reste en baie de Port-Haliguen. Les contre -torpilleurs venus faire charbon à Lorient sont bloqués par la tempête dans l'avant-port.
Sur les côtes d'Espagne, comme dans tout le golfe de Gascogne, la tempête a soufflé et on télégraphie de la Corogne que le vapeur allemand Palermo aurait fait naufrage au cap Corrudebo. La Manche n'a pas été moins éprouvée par l'ouragan, et le service de Douvres à Calais et à Ostende a dû être supprimé. Notre correspondant de Londres nous télégraphie à ce sujet
Une tempête épouvantable, telle qu'on n'en pas vu depuis des années, a forcé les autorités à interrompre le service Douvres-Calais-Ostende, aussi bien pour la malle que pour les passagers. D'énormes paquets de mer balayent incessamment la jetée et le brise-lame. Au débarcadère de la malle-poste, plusieurs voitures de poste ont été mises en morceaux. Sur la jetée, une partie de la voie ferrée a été brisée et des tonnes de sable et de cailloux barrent la ligne qui longe le bord de la mer.
A Douvres, des marins ont failli périr sur la jetée et ont été blessés. Les portes des bureaux maritimes ont été enfoncées, des camions ont été brisés dans le voisinage du quai. Le vaisseau allemand Preussen, jeté à la côte, à l'est de Douvres, a été mis en pièces. Le vaisseau-école la Ville-d'Anvers a eu une collision dans Downs avec le vapeur anglais Anhburton, et a subi des avaries à la proue. A l'île d'Hayling, la goélette Blanche, de Dunkerque, a fait naufrage; l'équipage a été sauvé après d'héroïques efforts. A Hastings, à Worthing, à Little-Hampton et à Southampton, la tempête a causé des dégâts à la batellerie et aux maisons.
Cette particulière violence de la tempête d'hier est constatée par tous les marins. Par malheur rien n'indique qu'elle doive s'apaiser bientôt. Dans la soirée, télégraphiait-on de Calais, les rafales redoublaient de force.
Le Figaro – 17 décembre 1910
EN BREF
L'express de Cherbourg arrêté par des marins américains - L'express de Cherbourg, qui quitte cette ville à midi 16, et doit arriver à Paris à 6 heures est entré, hier soir, en gare Saint-Lazare avec un retard de plus de vingt-cinq minutes. Un cours de route, au kil. 94, près de Serquigny. le signal d'alarme fut tiré dans un wagon de troisième classe, entièrement occupé par des marins américains, qui venaient visiter la capitale et taisaient un vacarme infernal. Le train stoppa en rase campagne. Aussitôt, les marins sortirent, en hurlant, de leurs compartiments et un certain nombre d'entre eux, pour s'amuser, allèrent danser la danse du scalp autour de la locomotive. Un maître d'équipage, qui voyageait en première, se précipita vers les tapageurs et les morigéna dans leur langue maternelle. Mais ce ne fut pas sans peine qu'ils les décida à réintégrer leurs compartiments. On devine la colère et l'indignation des voyageurs. Le Petit Parisien – 17 décembre 1910
La Seine déborde à Rouen — Le trafic des marchandises est Interrompu - Rouen, 16 décembre -Le mauvais temps sévit toujours sur Rouen et sur la basse Seine. Malgré la décrue de la haute Seine et de ses affluents le fleuve déborde de nouveau, à Rouen, entre les ponts Boïeldieu et Corneille. Le service du pont transbordeur a été interrompu de nouveau, les eaux atteignant la nacelle. La tempête de vent et de pluie fait rage depuis hier soir. L'anxiété est grande dans le commerce local, car le port reste toujours encombré. Tout trafic avec Paris est arrêté, les transports fluviaux étant toujours suspendus et les chemins de fer étant insuffisants. Cinq cent mille tonnes de marchandises sont accumulées sur les quais du port de Rouen et sur tous les espaces disponibles de la voie publique. Dix mille tonnes sont apportées quotidiennement. Il faudrait un millier de trains pour dégager complètement le port. L'Echo de Paris – 17 décembre 1910