Les actualités du 14 janvier 1908

Le Triomphe de Farman

Encouragé par ses heureux essais de samedi, M. Henri Farman avait convoqué, ce matin la commission de l'Aéro club, pour tenter officiellement de gagner le Grand Prix Deutsch-Archdeacon de 50.000 francs, réservé, on le sait, au premier aviateur ayant bouclé un circuit fermé de mille mètres.

A neuf heures, ce matin, la commission était au grand complet. MM. Archdeacon, Maurice Farman, Kapferer, Ferber, comte de La Vaulx, Blériot, etc., étaient présents, ainsi que toutes les notabilités de l'aviation. On plaça les deux poteaux éloignés de 50 mètres, l'un de l'autre et entre, lesquels M. Farman devait passer à l'aller et au retour ; à 500 mètres de là, on planta le poteau de virage. Henry Farman a réussi, dès son premier essai, à gagner le prix tant convoité.

Il partit à 10 h. 18 m., s'enleva de suite avec la plus grande facilité à environ 5 à 6 mètres de hauteur et fila à bonne allure vers le poteau de virage. Son moteur Antoinette marchait à la perfection'; le virage fut abordé à toute vitesse ; c'est à peine si l'aéroplane s'abaissa de deux ou trois mètres en virant sous un diamètre de 200 mètres environ. A la sortie du virage, l'appareil se dirigea avec une remarquable stabilité vers les deux poteaux de départ ; dès lors les spectateurs sentirent que le prix allait enfin être gagné et une grande angoisse les étreignit...

L'aéroplane filait toujours vers son but ; 100 mètres restaient à peine à parcourir, puis 50 mètres seulement ; l'appareil se maintenant toujours à la même hauteur sans ralentir sa vitesse. Les poteaux furent enfin dépassés et M. Farman, coupant l'allumage, atterrit tout doucement sur le sol. De frénétiques applaudissements saluèrent cette sensationnelle performance. La journée du 13 janvier restera inoubliable dans les annales de l'aviation, car elle marque la date où, pour la première fois, un homme a "volé" un circuit fermé d'un kilomètre.

Tout le monde était joyeux et Farman plus que les autres. Nous nous approchons de lui et le félicitons très chaudement de ce merveilleux succès qui est la juste récompense de son inlassable et méritoire persévérance. M. Farman fut suivi pendant son superbe vol par la voiture automobile des membres de la commission de l'Àéro Club, dans laquelle avaient pris place MM. Henri Kapferer, le comte de la Vaulx, et Blériot.

La durée totale du vol, chronométrée par M. Kapferer, fut de 1 m. 28 secondes ; la hauteur varia entre 4 et 6 mètres, mais ne fut à aucun moment moindre. La commission de l'Aéro Club se réunira ce soir et homologuera officiellement cette; merveilleuse performance, et, jeudi soir, un banquet sera offert à M. Henri Farman, a l'Automobile Club de France, au cours duquel on lui remettra solennellement outre les 50.000 francs qu'il a si vaillamment gagnés, la médaille d'or de l'Aéro Club de France.

La célèbre maison Antoinette remporte aujourd'hui un succès triomphal, et son éminent directeur, M. Levavasseur, se verra remettre, jeudi, la médaille décernée au constructeur du premier moteur ayant volé un kilomètre, en circuit fermé. Ce moteur Antoinette, vainqueur du prix Deutsch-Archdeacon, est, rappelons-le, un 8 cylindres 50 chevaux, pesant seulement 80 kilogrammes et alliant à une robustesse exceptionnelle une régularité et une souplesse admirables.

La Presse – 14 janvier 1908

EN BREF

la variole noire a Brest - Brest, 13 janvier - Une épidémie de variole noire s'est déclarée à l'hospice de Brest ; on a enregistré, à l'heure actuelle, cinq cas, dont deux très graves et un décès. On pense que le fléau a été apporté à Brest par le matelot Yves Guelou, qui fut débarqué du vapeur Ville-de-Carthage, le 31 octobre dernier, et mourut à l'hospice civil, où il avait été transporté ; depuis cette date, plusieurs cas se produisirent à l'intérieur de l'hôpital. L'épidémie menace désormais de se propager, et les mesures les plus rigoureuses vont être prises par les autorités maritimes. Le Petit Parisien – 14 janvier 1908

Collision entre deux tramways - Une collision s'est produite, hier matin, à sept heures, rue de Paris, aux Lilas, entre deux tramways électriques de la Compagnie de l'Est Parisien. La voiture 740, dont le receveur était M. Porte, et que conduisait le wattman Belle, se trouvait sur la voie de garage, se disposant à partir pour Romainville. Tout à coup, survint à toute vitesse le tramway n8 74, piloté par le wattman Jaubert et se dirigeant sur l'Opéra. Les employés de la station n'ayant pas encore procédé à l'aiguillage, ce second tramway s'engagea sur la voie de garage et vint heurter violemment la voiture n° 70. Les glaces des deux véhicules volèrent en éclats. Projetés les uns sur les autres, les voyageurs se mirent à pousser des cris déchirants. Une vingtaine d'entre eux étaient sérieusement contusionnés. Le Petit Parisien – 14 janvier 1908