Les actualités du 11 janvier 1911
Une épidémie décime nos moutons
Bourges, 9 janvier — L'année qui vient de finir a été terrible pour l'agriculture. Les pluies continuelles ont non seulement détruit, les récoltes et pourri la terre qui ne peut même pas recevoir, les semences nouvelles, mais elles ont développé les parasites des plantes et du bétail. L'invasion du mildew qui a dévasté le vignoble français était causée par les brouillards tièdes de l'été; l'épidémie de cachexie aqueuse qui vide depuis deux ou trois mois toutes les bergeries du Centre, est due aux pluies printanières et estivales qui ont transformé les pâturages en marais et fait pulluler un certain petit ver plat
Ce parasite est appelé douve du foie par les campagnards, et distôme hépatique par les vétérinaires. Il se loge exclusivement dans le foie des animaux, surtout des moutons. Quand il y est en nombre, il arrête la fonction de cet organe, et l'animal meurt au bout de deux ou trois mois, selon sa résistance, après avoir passé par toutes les phases de l'anémie et du dépérissement.
Tel est le fléau qui s'est abattu sur les sols argileux et argilo-calcaires du Berry, du Nivernais. de la Sologne, qui nourrissent près de quinze cent mille bêtes a laine. Nous venons de parcourir ces pays et nous n'avons trouvé que désolation sous les chaumes couverts de neige. Le département de l'Indre a été le plus éprouvé, sauf la région de Champagne, qui est à fond de calcaire. Le reste a été infecté. Tout l'arrondissement de la Châtre, une grande partie de celui du Blanc et la partie sud de Chateauroux accusent des pertes qui vont jusqu'à 95 %. Sur un troupeau de 500,000 têtes, 200,000 ont disparu.
Dans le Cher, où la race a été plus fortement croisée de mérinos, l'hécatombe est moins effrayante. Sur 350.000 moutons, on ne compte guère qu'un déchet d'une cinquantaine de milliers. La maladie s'est montrée surtout aux environs de Saint-Amand. Le troupeau solognot, très résistant, possède la douve du foie à l'état endémique. Il n'en a pas moins été décimé. Du côte de Nevers, on n'estime atteints que 10.000 moutons, sur 136.000.
Mais le vétérinaire départemental Martin nous a signalé un autre danger. La douve s'attaque maintenant aux bovins, qui sont, on le sait, la richesse du Nivernais. Il ne se passe pas de jour sans qu'on conduise à l'équarrissage un ou plusieurs veaux, car le parasite frappe rarement les adultes. M. Martin en a compté cinq cents depuis deux mois, et il s'attend à en découvrir un millier encore d'ici au printemps.
Comme il n'existe aucun remède contre la cachexie aqueuse, on juge du désespoir des éleveurs. Leur seule ressource est de vendre les animaux dès les premiers symptômes les animaux dès les premiers symptômes. La viande est en effet parfaitement saine pour la boucherie. C'est ce qui explique l'affluence des moutons au marché de la Villette depuis trois mois. Quelquefois, une bonne alimentation arrête la maladie, quand le foie n'est pas trop gorgé de vers. Les professeurs d'agriculture conseillent, à titre préventif, de garder les animaux à l'étable et d'éloigner tout de suite ceux qui présentent des signes funestes.
Ce dépeuplement des bergeries va tarir la production pendant deux ou trois mois, car on en cite où il ne reste plus une seule brebis. Cependant il ne faut pas croire que les dix-sept millions de sujets de l'espèce ovine française sont menacés. La distomatose n'est pas une maladie contagieuse proprement dite, et les gens compétents pensent qu'elle n'aurait pas pris cette gravité si les bergers avaient été moins négligents.
Le Gaulois – 10 janvier 1911
EN BREF
Un tamponnement a Dreux - Dreux, 9 janvier — Samedi soir, a. 10 h. 1/2, un train de marchandises, extraordinaire, était resté en détresse à 1.500 mètres de Dreux, lorsqu'il lut télescopé par un autre train qui le suivait. Cinq wagons furent réduits en miettes. Le choc fut si violent qu'un wagon contenant une citerne d'alcool rentra dans le wagon qui le précédait. Par suite de ce tamponnement, le service des trains a été fait sur voie unique entre Dreux et Marchezais. Les trains ont subi un retard considérable par suite de l'encombrement de la gare de Dreux. Il n'y a pas eu d'accident de personnes. Le Siècle – 11 janvier 1911
Un tamponnement près d'Agen - Agen, 9 janvier. — Ce matin, vers 5 heures 45, le train rapide 122, de Cette à Bordeaux, a tamponné une rame de wagons déraillés entre le passage à niveau de l'abattoir et celui de la route du gaz, à 300 mètres environ de la gare d'Agen. Le mécanicien du train de marchandises en manœuvre, sachant que le rapide allait arriver, avait pris la précaution de faire fonctionner le disque et de poser des pétards sur la voie en se portant au-devant du 122, mais le rapide était proche et en pleine vitesse. Aussi, la collision ne put-elle pas être évitée, mais le choc fut néanmoins relativement peu violent, le mécanicien Père, du train 122 ayant renversé la vapeur et bloqué les freins. Les voyageurs du rapide ont ressenti une forte secousse, mais aucun d'eux n'a été blessé. Quant au train tamponné, il a eu deux ou trois wagons éventrés, et un bœuf a été tué. Le Siècle – 11 janvier 1911