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CPA Scans
11 avril 2009

Les actualités du 11 avril 1909

meru3 Les troubles renaissent à Meru

Le soleil rouge descendait à l'horizon par delà la plaine. Le train qui m'amenait de Paris à Méru n'avait pas encore stoppé en gare que j'entendais déjà retentir des cris de colère, des clameurs d'émeute. Ah ! la figure consternée des Parisiens qui descendaient à Méru pour y passer leurs bonnes vacances de Pâques en se trouvant au sortir de la gare au milieu des hussards, gendarmes sabre au clair qu'invectivaient des groupes de grévistes en brandissant leurs poings : Il y avait de quoi d'ailleurs s'émouvoir, s'inquiéter ; et ceux même que leur devoir professionnel conduit souvent au cœur des agitations populaires se sentaient envahis par une angoisse poignante. Il était évident qu'on tombait là en plein orage.

Dans un train supplémentaire, à 6 h. 20, le préfet de l'Oise, M. Meunier, qui était arrivé pendant la nuit avait fait embarquer pour Beauvais, quatre grévistes arrêtés dans la matinée pour faits de violence commis contre les usines et sur lesquels nous reviendrons tout à l'heure ; le préfet était monté dans le même train pour s'en retourner à Beauvais dès cette besogne achevée, comme si tout était fini. Ce n'était pas fini pourtant !

La foule de grévistes, massée aux abords de la gare, est frémissante et trépignante, en quelques minute une exaspération la gagne ; elle offre bientôt sa poitrine aux cavaliers dont les chevaux s'énervent, et une fureur la secoue toute quand elle apprend le départ à contre-voie des camarades arrêtés.

Débraillés, la voix rauque, les yeux pleins de menace, les grévistes, dont plusieurs ont des cravates rouges et parmi lesquels on voit quelques femmes véhémentes, se sont agglomérés devant le café Marchand qui a fermé ses volets. Las hussards, venus de Senlis quelques heures avant par la route, ne semblent pas, à la vérité, très maîtres de leurs montures. On se bouscule, on s'affole, on les Appelle "feignants" !

Un des manifestants leur crie : "On se retrouvera !" Un autre prend a partie un lieutenant en lui reprochant son attitude insolente et l'officier fait avancer les gendarmes qui arrêtent deux ouvriers pour injures à l'armée. On fait monter les deux manifestants dans un omnibus pour les conduire à Méru. Mais alors, le tumulte s'accroît. Une jeune femme ébouriffée, a cravate rouge, tend son bras vers l'un des gendarmes qui garde la voiture et le désigne aux imprécations des grévistes. Des pierres sont lancées et le gendarme — il s'appelle Lecat — est blessé au front et son visage ruisselle de sang, Le lieutenant de hussards reçoit lui aussi une pierre qui lui fend la lèvre.

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M. Mallet, commissaire spécial à la gare du nord, accompagné de M. Calmette, commissaire spécial a Versailles, qui vient d'arriver a l'instant pour prendre la direction du service d'ordre, fait de son mieux pour calmer la foule et les soldats. Il fait rentrer les sabres au fourreau. Mais dans le crépuscule qui tombe, l'orage s'est tout à fait déchaîné.

Des grévistes veulent passer entre les chevaux qui se cabrent. Des cris de frayeur déchirent l'air. Les hussards ont reçu la mission d'escorter jusqu'à la mairie la voiture où l'on a fait monter les deux prisonniers, et ils se rassemblent. Alors, de nouveau, on les hue, on les lapide. Le commandant reçoit une pierre en pleine poitrine ; il ne bronche pas. Mais deux cavaliers croient devoir se défendre contre les approches des grévistes surrexcités, et un malheureux ouvrier est renversé par une ruade. Il n'est que blessé, très légèrement. Mais deux autres manifestants, M.Espinard, de Méru qu'on me dit être secrétaire du syndicat des ouvriers, et un autre gréviste, M. Hucleux, père de neuf enfants, sont blessés a la tête par des coups de sabre. L'un d'eux inonde le trottoir de son sang, tandis que les hussards s'en vont à la mairie, protégeant la voiture sous une grêle de pierres.A Méru, sur leur passage, toutes les boutiques sont closes. Ou se croirait en état de siège,

Un peloton de hussards revient à la gare pour escorter d'autres voitures publiques qui conduisent des voyageurs aux environs comme si les routes n'étaient pas sûres et, de nouveau, des pierres leur sont lancées et un sous-officier est blessé à l'épaule par un pot a lait. Voici la nuit. Enfin, une certaine tranquillité revient dans les rues ; mais les grévistes emportent leurs colères et leurs rancunes en s'éparpillant vers les localités voisines qui sont de nouveau toutes en grave.

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Revenons maintenant sur les incidents qui sont La cause de l'échauffourée de tout a l'heure. Hier, la journée avait été calme, bien qu'il y eût un peu de fièvre parmi la population ouvrière dont je vous ai exposé la triste situation. Mais le soir, il y eut à Lormaison ume réunion a la salle Besnard, où M. Marck, délégué de la C G. T., parla sans d'ailleurs inciter les ouvriers ou désordre. Pourtant, a l'issue de ce meeting, des groupes de grévistes se rejoignirent dans la campagne et revinrent vers Lormaison, où ils lapidèrent les habitations de quelques ouvriers qui avaient continué à travailler pendant la grève.

L'un de ces travailleurs, M. Dupré, sortit de chez lui avec une bougie à la main, et une dispute s'éleva. Un coup de revolver partit. Il est d'ailleurs bien difficile de savoir qui tira ce coup de revolver. Les grévistes disent que c'est Dupré et Dupré dit que ce sont les grévistes. L'enquête nous fixera sur cet incident très important, puisqu'il parait qu'il est le point de départ des scènes d'irritation qui se produisirent ensuite.

En effet, aux usines de MM. Troisoeufs et Tabary, toutes les vitres et les volets ont été brisés. Les manifestants sont allés ensuite à Saint-Crepin et, en chemin, ils abat tirent deux poteaux télégraphiques et coupèrent les fils. Mais déjà les usiniers de Saint-Crépin, MM. Doudelle, étaient prévenus de ce qui venait de meru5se passer a Lormaison, et ils s'étaient réfugié chez des voisins. Les grévistes enfoncèrent leur porte avec un énorme madrier, brisèrent les carreaux, saccagèrent le rez-de-chaussée et les ateliers et jetèrent par les fenêtres une énorme quantité de boutons représentant, dit-on, une somme de 25,000 francs. Sur la route, ce matin, on marchait sur une véritable mosaïque de boutons de nacre.

Le préfet et le parquet de l'Oise arrivèrent en automobile. Maie tout était terminé. Ce matin on a arrêté quelques-uns des coupables de ces violences, une douzaine de grévistes qui sont : Florimont Maréchal, Fernand Winter, Georges Aumont, Ernest Doyelle, Georges Noël, Jean-Baptiste Deleu, Victor Leroux, Ernest Dochelle, Xavier Gueule et Tavant, cas deux derniers pris en flagrant délit

Une ouvrière, Laure Dufer, femme Potentié, a été aussi arrêtée, mais on l'a remise en liberté provisoire parce qu'elle allaite un enfant de huit mois.D'antre part, le juge d'instruction a lancé encore huit mandats d'amener qui vont être exécutés.

Le Matin – 11 avril 1909

Chamonix

EN BREF

Un berger brûlé vif avec son troupeau - Un incendie d'une violence inouïe a éclaté hier matin vers 11 heures, sur le territoire de la commune de Castets, dans un parc à brebis, appartenant à M. Paul Barrère. Bien que la population tout entière ait vigoureusement combattu le sinistre, les flammes prirent une extension si rapide que le troupeau de cent dix têtes, enfermé dans l'enclos a péri dans les flammes, ainsi que le berger dont on a retrouvé le corps entièrement carbonisé. Le Petit Parisien – 11 avril 1909

Grave accident à Florence - Le samedi saint à Florence a été marqué par un accident tragique. Une ancienne coutume, à laquelle prennent part les autorités et la population, est d'allumer, en commençant place du Dôme, le char traditionnel de la Colombina. Le charporte des pétards et des feux d'artifice auxquels une colombe partant de l'église et glissant sur une corde vient mettre le feu. Le premier allumage ne donna lieu à aucun incident, mais le char arrivé sur la place Victor-Emmanuel, on tira un second feu d''artifice. La place était noire de monde. Une bombe, on ne sait comment, alla tomber au milieu de la place et éclata. Plusieurs femmes et des enfants furent piétines : de plus, les éclats de la bombe blessèrent beaucoup de personnes, dont quelques-unes grièvement. Une petite fille fut tuée sur le coup. L'artificier a été arrêté. Le Matin – 11 avril 1909

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