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CPA Scans
10 août 2009

Les actualités du 10 août 1909

Tramway longjumeau

A Longjumeau, un cheval arrête un tramway, un train survient: douze morts et trente blessés

Quelle épouvantable catastrophe ! Quelle fin tragique a eue l'une de ces promenades dominicales qu'adorent les Parisiens, s'échappant, pour une journée de repos et de joie, vers les jolis sites verdoyants de la banlieue ! Dans la nuit de dimanche à lundi, un accident de tramway à vapeur, sur la ligne qui va de l'Odéon à Arpajon, a causé la mort de douze personnes ! Il y a, en outre, une trentaine de blessés. Et ce sont des deuils et des larmes !

Ce qui se passa fut terrible : Bondé de voyageurs — Parisiens rentrant chez eux avec de grosses gerbes de fleurs et maraîchers allant aux Halles — le tramway à vapeur n° 20, composé de six voitures, était parti dimanche soir, à neuf heures dix-sept, d'Arpajon. Il était conduit par le mécanicien Roussel. La nuit était délicieuse, le ciel tout constellé d'étoiles. Il faisait bon respirer l'air frais du soir après la chaleur accablante de la journée. Et les voyageurs étaient gais, s'en revenaient heureux. Certains d'entre eux chantaient sur l'impériale.

Brusquement, entre la station de Saulx-les-Chartreux et celle de Longjumeau, à deux kilomètres de cette dernière, à l'angle d'un chemin montant, sûr la droite, au hameau de Saulxier, le tramway à vapeur stoppa. Un cheval, attelé à une voiture conduite par le cocher d'une châtelaine voisine, la comtesse de Montuchet, était tombé sur la voie ferrée. Et le mécanicien Roussel devait forcément s'arrêter. Le conducteur du tramway descendit, courut à l'arrière du convoi et plaça les signaux prescrits par le règlement, les lanternes à feu rouge. Il savait qu'un train de marchandises, venant de Marcoussis, suivait.

Or — et cela est presque incompréhensible, la voie ferrée étant en ligne droite à cet endroit — le train de marchandises n° 508, conduit par le mécanicien Gaudouin, arriva sans ralentir. Le conducteur du tramway de voyageurs, affolé, cria : Sauve qui peut ! Quelques personnes purent sauter à temps du tramway, et le mécanicien Roussel, faisant preuve d'un grand sang-froid, débloqua ses freins et reprit sa marche, malgré l'obstacle qui se trouvait devant lui.

Mais il était déjà trop tard : cette manœuvre ne put qu'atténuer les conséquences affreuses du télescopage. La machine du train de marchandises s'enfonçait dans le wagon de queue du tramway, le broyait et montait jusque sur la voiture suivante — une voiture à impériale — qu'elle réduisait également en miettes, tandis que des cris horribles déchiraient la nuit et que les voyageurs, terrifiés, s'enfuyaient dans les champs.

Légèrement blessé au visage, le mécanicien du tramway 508, le mécanicien tamponneur, disparut l'un des premiers. Il fit bien. Des gens, au paroxysme de la colère, le cherchaient pour le lyncher. D'autres procédaient au sauvetage. Les plus alertes couraient chercher des secours à Saulx-les-Chartreux et à Longjumeau. A la lueur des lanternes, on fouillait les débris des voitures brisées. On marchait dans le sang. Il est impossible d'imaginer an tableau plus lugubrement dramatique, plus saisissant !

Une jeune fille de seize ans était partie, en courant droit devant elle, dans un champ de choux et, folle, elle était allée se jeter dans l'Yvette, une petite rivière proche, à cent mètres de là.Des râles s'échappaient de l'amoncellement des boiseries cassées et des ferrures tordues. L'escalier par lequel on montait sur l'impériale de la deuxième voiture de queue, n'était plus qu'un tire-bouchon ensanglanté. Les vitres, qui s'étaient fracassées dans un grand bruit qu'on n'entendit même pas parmi les cris des voyageurs, avaient jonché la route d'innombrables petits morceaux de verre. On marchait sur des chapeaux, on s'empêtrait dans des paniers, on heurtait des cadavres, et il y avait une voix d'enfant qui disait doucement, doucement, sous un amas de banquettes éventrées : Maman ! maman ! maman ! Et l'on ne l'entendit plus.

sauvetage

Maintenant, on accourait de toutes parts. On eût dit qu'un tocsin mystérieux avait réveillé tous les habitants d'alentour. Un pompier de Longjumeau, M. Garouste, lanterne au poing, se multipliait. Il était admirable, prenait la direction du sauvetage et d'autres sauveteurs suivaient son exemple. C'étaient MM. Drapier, Déduit, Baudot — il convient de citer les noms de ces braves gens — qui, les premiers, avec des crics, avec des leviers de fortune, soulevaient les débris sanglants, secouraient les blessés, retiraient les corps mutilés. L'horrible nuit ! L'un des voyageurs indemnes disait : Cette vision atroce restera toujours au fond de mes yeux !

A l'avant du train tamponné, le cheval qui fut la cause de cette catastrophe, râlait aussi, tout secoué par des spasmes d'agonie. Un jeune garçon boucher de Longjumeau, M. Aramis Lacroix, prit son couteau et lui trancha la gorge, mettant ainsi fin à ses souffrances. On improvisa des brancards, sur lesquels ou plaça les morts — il y en avait douze, hélas ! défigurés, écrasés, déchiquetés ! — et les voyageurs les plus grièvement blessés. Et, dans cette belle nuit claire d'été, sous les étoiles scintillantes, ce fut un long, long cortège de douleurs et de sanglots qui s'en alla vers l'hospice de Long jumeau.....

C'est là que, hier matin, nous avons assisté à des scènes qui nous arrachaient des larmes. Les plus proches parents des morts — épouses, pères et mères - qui, habitant, la région, avaient pu être prévenus par la gendarmerie, étaient assis sur des bancs dans le jardin et, la tête dans les mains ils ne parlaient pas. Ils pleuraient. Les religieuses qui donnent leurs soins aux malades de l'hôpital avaient des figures blanches, blanches comme les ailes de leurs cornettes. On les voyait passer, promptes et silencieuses, d'une salle, à l'autre Elles n'avaient pas dormi, toujours prêtes à obéir aux ordres des médecins qui, eux aussi, méritent tous les éloges : les docteurs. Lajotte, Le Mière et Ribot, fils du sénateur.

Des automobiles s'arrêtaient, haletantes à la porte de l'hospice. M. Frize, secrétaire; général de la préfecture de Seine-et-Oise vint, le premier, au nom du prêfet, M. Autrand, demander des nouvelles des blessés. Puis, voici M. Laurent, secrétaire général de la préfecture de police, très ému, et voici encore, quelques secondes après, M. Persil, le très distingué chef de cabinet de M. Millerand, ministre des travaux publics, qui a tenu à apporter tout de suite les condoléances du ministre et aussi quelques secours aux familles si éprouvées. M. Robert, ad joint au maire, les reçoit et les guide dans les salles où, provisoirement, les blessés sont soignés.

Au fond du jardin verdoyant qui s'étend derrière l'hôpital il y a une petite construction qui est devenue la morgue. Nous entrons. Mais le spectacle est si horrifiant que tout le monde recule. Sur le sol gisent douze cadavres, recouverts de draps blancs. On ne voit, dépassant les suaires, que des bottines, douze paires de bottines ou de souliers noirs ou jaunes. Sous l'un de ces linges, on devine le corps d'une fillette, et non loin c'est le cadavre d'une femme avec un tout petit enfant. Ce petit enfant est né au moment où sa mère mourait. Il n'a vécu qu'une minute. Vraiment, c'est atroce ! On s'en va, le cœur serré. Déjà les corps se décomposent, et c'est une odeur abominable. M. Laurent retourne au secrétariat de l'hospice et dresse la liste des morts (..). La voici :

M. Alfred-Denis Manon, de Marcoussis ; Les deux frères Pierre et Jean Herrier de Paris ;

Mme François Gital, de Marcoussis, qui a donné le jour à un enfant, après sa mort:

Mme et Mlle Petitbois, de Longjumeau;

M. Goubain, de Marcoussis ;

M. et Mme Eugé, de Puteaux ;

M. et Mme Delande, de Paris, et leur fille, Mlle Suzanne Delande, âgée de dix-sept ans.

(...)

Le Matin – 10 août 1909

cent_ans

A Longjumeau et Marcousis, on enterre les victimes de la catastrophe

 


EN BREF

Un cheval de courses carbonisé en gare d'Achères – Un employé est mort de saisissement à ce spectacle - Un wagon-écurie, dans lequel se trouvait le cheval Favelotte, à l'entraîneur Hurst, à destination de Cabourg, et qui était engagé pour la réunion d'hier dans le prix du Casino, stationnait en gare d'Achères, lorsque soudain on vit, avec effroi, que des flammes s'échappaient de l'intérieur. La paille servant de litière s'était enflammée. Malgré la promptitude des secours pour sauver la pauvre bête qui poussait des hennissements de douleur, le cheval ne tarda pas à succomber et acheva de se carboniser au milieu des débris du wagon. Le chef de manutention, M. Héomet, âgé de 53 ans, témoin de l'accident, fut tellement émotionné qu'il s'affaissa frappé de mort subite. Le Petit Journal – 10 août 1909

Pour la première fois, une automobile atteint la mer de glace – Nous vivons décidément une magnifique époque. Découvertes scientifiques et prouesses sportives ne nous laissent pas une minute de répit. Blériot traverse la Manche, Sommer tient l'air plusieurs heures durant, et voici qu'en auto un sportsman anglais, M. Fawcett, escalade les pentes abruptes du Montanvert et parvient a la Mer de Glace, à 1.910 mètres d'altitude. Magnifique record ! M. Fawcett est parti de l'admirable village des Praz, accompagné de Mme Fawcett et de son mécanicien. Par les méandres innombrables du chemin muletier, il a, en deux heures et demie, accompli la redoutable escalade. Une erreur de conduite, une défaillance au moteur pou vaient avoir les plus graves conséquences Mais M, Fawcett est un conducteur émérite et son véhicule est d'une sûreté absolue. Ni les tournants à angles aigus, ni les pentes du sentier, 20 % de moyenne, 30 et 35 % a certains endroits, n'ont arrêté la voiture dont le moteur merveilleusement souple et énergique, a eu raison de toutes les difficultés. La voiture qui vient d'accomplir ce raid, remarquable est une de Dion-Bouton et, fait véritablement admirable, une simple mono cylindre de 9 chevaux environ. Les célèbres constructeurs de Puteaux seront légitimement fiers d'avoir inscrit dans l'histoire de l'automobilisme, cette nouvelle date mémorable. Le Matin – 10 août 1909

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