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CPA Scans
12 février 2010

Les actualités du 12 février 1910

Paquebot general chanzyLe paquebot Général-Chanzy sombre en Méditerranée – 150 victimes – 1 rescapé

Un nouveau deuil frappe notre pays, plus cruel encore, puisqu'il y a, hélas! de nombreuses victimes, cent cinquante, peut-être davantage, et toujours par le terrible fléau de l'eau; contre lequel le génie et le courage sont impuissants. Le transatlantique Général-Chanzy, allant de Marseille à Alger, s'est perdu corps et biens aux Baléares; il y avait à bord environ cent cinquante personnes; dont moitié passagers. La première dépêche annonçant le désastre est parvenue vers quatre heures de l'après-midi à l'Elysée. M. Krantz se trouvait à ce moment chez M. Fallières, qui lui communiqua la triste nouvelle; l'honorable député des Vosges retourna en toute hâte à la Chambre, où il prévint tout d'abord M. Jonnart, député, du Pas-de-Calais et gouverneur général de l'Algérie. M. Jonnart est à Paris pour la discussion prochaine du budget de notre grande colonie.

La nouvelle ne tarda pas à se. répandre dans Paris, où, comme bien on pense, elle causa la plus vive émotion. Peu à peu, on connut quelques détails. C'est ainsi qu'on apprit que le Général-Chanzy était parti de Marseille mercredi, à une.heure de l'après-midi, avec soixante-quinze passagers de 1e, 2e, 3e et 4e classes; qu'en cours de route il avait rencontré. des vents violents qui l'avaient contraint de se diriger plus à l'Ouest; qu'une terrible bourrasque du Nord l'avait jeté sur les côtes des Baléares, où il était allé se perdre contre les récifs qui rendent si dangereux les abords des côtes nord de Majorque.

A la Compagnie générale transatlantique, où nous nous sommes rendu au reçu de la nouvelle, on n'a pu, au premier moment, nous donner d'autres renseignements; on attendait avec une impatience bien compréhensible des détails sur la catastrophe, qu'on avait demandés d'urgence, tant à Marseille qu'à Alger et aussi à Palma, la capitale des Baléares. Dans la soirée, au ministère de la marine, on a reçu une dépêche du vice-consul de France à Palma, dépêche confirmant purement et simplement la nouvelle. Donc, plus de doute à avoir sur la réalité et sur l'étendue de l'épouvantable désastre qui met tant de familles en deuil.A la Compagnie transatlantique on nous a donné les renseignements que voici sur les caractéristiques du Général-Chanzy et sur la composition de l'équipage du bâtiment perdu.

Le navire datait de 1891 ; il jaugeait 2,900 tonneaux, avait une longueur de 109 mètres sur 12 mètres de largeur et était actionné par des machines d'une force de 3,800 chevaux; il sortait des chantiers de Saint-Nazaire et avait été affecté, dès le début, au service des courriers entre Marseille et l'Algérie. Entre temps, le Général-Chanzy avait été employé à des croisières scientifiques et à des croisières de plaisance, notamment, il y a une quinzaine d'années, a un voyage resté célèbre, dans la mer du Nord et la Baltique et sur les côtes occidentales de la Norvège jusqu'au cap Nord. Le navire était commandé par le capitaine Bruno Cayol, un vieux marin, très expérimenté, ancien capitaine au long cours et depuis longtemps décoré de la Légion d'honneur. Le second capitaine était M. Paul Guizot, et le lieutenant M. Carlini. Le reste de l'état-major comprenait : MM. Sylvestre Rigybert, chef mécanicien; Marius Lorenzetti, 2e mécanicien; Jean Courdier, 3e mécanicien; Ange Catanei, médecin; Jean Parsi, maître d'équipage; Lucien Malrais, restaurateur; Jean Boccoz, chef cuisinier.

Quant à l'équipage, il comptait, d'après le rôle réglementaire du paquebot, cinquante-cinq inscrits, dont quinze matelots de pont; vingt-quatre matelots de machine, seize hommes du service général et deux femmes de chambre. En fait, le nombre des inscrits devait dépasser un peu ce chiffre, en ce qui concerne le service général.C'est à cinq heures du soir que M. Rotte, agent général de la Compagnie transatlantique à Marseille, a reçu la nouvelle de la perte du Général-Chanzy, par une dépêche de l'agent consulaire de France a Ciudella; la dépêche disait que le navire avait donné sur la pointe Mola, aux Baléares, et s'était brisé en deux.

Dès que la nouvelle fut connue à Marseille, une foule énorme se porta devant les bureaux pour obtenir des renseignements complémentaires. La presque totalité des officiers et des hommes de l'équipage appartiennent, en effet, à l'inscription de Marseille et ont leurs familles fixées dans cette ville. Le premier soin de M. Rotte, après avoir averti la direction de la Compagnie, à Paris, fut de se rendre chez Mme Cayol, la femme de l'infortuné commandant du Général-Chanzy, pour lui faire part, avec tous les ménagements possibles, du malheur qui la frappait ainsi subitement. Pendant ce temps, le baron d'Uard, secrétaire général de la Compagnie, prévenait de la même façon les familles des autres officiers. De même, les chefs de service allaient communiquer la fatale nouvelle aux familles des marins et employés qui se trouvaient à bord du paquebot au moment du désastre.

D'autre part, dans la soirée, M. Penissot, directeur de l'inscription maritime a Marseille, a reçu du sous-secrétaire d'Etat à la marine un télégramme, qu'il s'est empressé de communiquer à M. Rotte. Dans ce télégramme, M. Chéron demande des renseignements sur la situation de famille des inscrits embarqués sur le Général-Chanzy, pour qu'il puisse leur être accordé des secours immédiats.

Durant toute la soirée, la foule n'a cessé d'assiéger les bureaux de la Compagnie ; malheureusement, aucune nouvelle complémentaire n'était encore parvenue. Tout ce que l'on sait, — et là-dessus il ne peut plus y avoir aucun doute, — c'est que le paquebot est perdu corps et biens, à l'exception d'un seul passager. Quant aux circonstances de la catastrophe, on ne sait rien de précis jusqu'à présent, non plus que sur le chiffre exact des passagers et de l'équipage. A l'agence marseillaise de la Compagnie, on affirmait, hier soir, qu'il y avait 88 passagers et 47 hommes d'équipage, ce qui ferait, défalquant le passager qui est sauvé, un total de 135 victimes, au lieu de 150 environ, chiffre indiqué à Paris.

Comme à Marseille, la nouvelle de l'affreux sinistre a causé à Alger une douloureuse émotion. La plupart des officiers et des matelots étaient très connus dans la capitale de notre grande colonie; quelques-uns même y avaient de la famille. Quant aux passagers, on sait qu'un certain nombre d'entre eux étaient des Algériens ou qui habitent à demeure l'Algérie. Le Général-Chanzy devait arriver à Alger avant-hier jeudi, dans l'après-midi. Le retard du paquebot n'avait pas causé trop d'inquiétudes; en cette saison, la Méditerranée est souvent assez mauvaise, et les tempêtes qui régnent au large depuis deux jours semblaient indiquer que le navire avait dû, soit ralentir sa marche, soit peut-être relâcher en quelque part de la route. Cependant, hier matin, on commença à être plus inquiet, d'autant plus qu'aucun sémaphore, qu'aucun des navires arrivés à Alger ne signalait ni le passage ni la rencontre du Général-Chanzy. Hélas ! ces inquiétudes n'étaient que trop fondées : dans la soirée d'hier, Alger apprenait la désolante nouvelle..

La perte du Général-Chanzy ajoute-un nom de plus à la liste déjà si longue des grands navires qui se sont perdus en mer. Pour la seule période de vingt années, qui va de 1890 à 1910, une quarantaine de paquebots ont disparu, tout comme le Général-Chanzy, brisés sur des rochers, emportés par la tempête ou coulés à la suite de collisions. Citons, notamment, le paquebot anglais Victoria, en 1893, catastrophe qui fit 360 victimes; le navire allemand Elbe, en 1895, avec 330 victimes; le paquebot anglais Drummond-Castle, en 1896, avec 250 victimes; le transatlantique français Bourgogne, coulé, en 1898, en plein Océan, à la suite d'une collision, avec 546 victimes; le transport Camorta englouti, dans un cyclone, au Bengale, en 1902, avec 739 victimes; le Général-Slocum, sombré et incendié dans la Rivière de l'Est, à New-York, en 1904, avec plus de mille victimes, la plupart des enfants; le Hilda, paquebot français de Saint-Malo, coulé en vue de Saint-Cat, en 1905, avec 128 victimes, etc., etc...

Le Gaulois – 12 février 1910


EN BREF

Explosion d'un engin à Graulhet - Graulhet, 11 Février - A une heure précise, cette nuit, tout Graulhet fut réveillé par une formidable explosion : une bombe venait d'éclater dans l'immeuble d'un patron, M. Benjamin Gau. L'engin avait été vraisemblablement placé sur le soupirail de la cave et calé avec des briques. Le barreau de fer du soupirail a été brisé en deux morceaux qui ont été projetés au loin ; un mur en pierres de taille a été fendu et brisé en partie, des barriques ont été défoncées, toutes les vitres de la maison ont été cassées ; dans les appartements, des statues ont été mises en pièces, des meubles détériorés. Dans la rue, les devantures des maisons voisines ont été arrachées, les carreaux des maisons, à cinquante mètres de distance, ont été réduits en miettes. L'émotion est profonde. Toute la matinée, de nombreux curieux ont circulé. Le préfet du Tarn est arrivé. Le Petit Journal – 12 février 1910

Les sufragettes françaises se réunissent — Les femmes qui aspirent à la conquête des droits politiques s'agitent en vue des élections. Déjà on a annoncé la candidature de Mme Marguerite Durand contre M. Escudier, dans le 9e. Bien mieux, les organisations féministes de Paris se proposent de présenter des candidates de principe dans toutes les circonscriptions de la Seine où cela sera possible. Il ne s'agit plus que de trouver des citoyennes assez audacieuses et l'argent nécessaire à la propagande. De cela on s'est entretenu hier dans une petite salle de la mairie du 11e arrondissement, où Mme Hubertine Auclert avait convoqué les suffragettes parisiennes. Une vingtaine de dames seulement, mais des femmes sérieuses, conscientes et prêtes à s'organiser comme on dit chez les socialistes assistaient à cette réunion. Mme Hubertine Auclert estime que les femmes ne doivent pas hésiter à employer les mêmes procédés électoraux que les hommes. La première chose à faire, dit-elle c'est d'avoir une permanence mais pour avoir une permanence il faut avoir-de l'argent. D'ailleurs il nous faudra encore de l'argent pour faire de l'embauchage électoral. Les hommes le pratiquent. Suivons cet exemple. Cette méthode ne plaît pas à Mme Lipman. qui dédaigne l'argent, considère que ce serait avilir le féminisme que d'employer pour sa cause des moyens aussi immoraux. Mme Lipman est l'idéologue de son parti ; elle ne veut pas entendre parler de l'achat des consciences. Elle veut convaincre et non pas marchander. Cette thèse a ses partisans, mais il faut reconnaître que Mme Hubertine Auclert remporte immédiatement un nouveau succès en disant : Faisons comme les hommes ; ils donnent deux, trois, cinq ou dix francs aux électeurs qu'ils entraînent au scrutin. C'est ainsi que quand on est un homme riche on peut être député, si stupide soit-on. Après une heure et demie de discussion, sans qu'il eut été possible de prendre des résolutions viriles et définitives, nos suffragettes parisiennes se séparèrent, car il était cinq heures, c'est-à-dire l'heure du thé. Mais on se reverra et nous aurons des candidates. Le Temps – 12 février 1910


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Commentaires
B
Je corrobore le commentaire de Jeannot qui est tout à fait juste. La photo n'est pas celle du bâtiment qui a sombré. Une correction s'impose.<br /> <br /> Bernard MV le 7 07 16
J
Votre texte est exact mais la CPA du Gouverneur Général Chanzy que vous avez placée en face du titre de votre article n'est pas celle du navire disparu en 1910. Le S.S. nommé "Général CHANZY" de 1910 qui a sombré à Minorque et n'avait qu'une cheminée et sa disparition précède la construction du S.S. "Gouverneur Général CHANZY", vapeur a turbine sorti des chantiers de Liverpool en 1922, qui a lui, deux cheminées et qui est en photo sur la page de votre article. Je suis assez bien placé pour le savoir : j'en effectue la maquette fidèle au 1/100 ème car mon grand père, marin de Marseille fut chauffeur à bord de ce dernier courrier de poste assurant la ligne de l'Algérie pendant plus de 30 ans de 1925 à 1955. J'espère que vous pourrez corriger, car on trouve suffisamment d'image du navire de 1910. Le Gouverneur Général CHANZY n'a jamais sombré, il a été démoli en 1962 après 40 années de bons et loyaux services.
D
Très agréable de parcourir votre blog. Les cartes postales sont superbes.<br /> Toutefois une erreur s'est glissée parmi celle du Havre, la carte postale intitulé la rade et le goulot n'as pas été prise au Havre (seine maritime) mais ailleurs je ne saurais dire où.<br /> Bonne continuation !
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