Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
CPA Scans
21 mai 2010

Les actualités du 21 mai 1910

avril 1910 20 mai 1910   mai 1910   22 mai 1910 juin 1910

Les funérailles d'Edouard VII

funerailles edouard vii

uk Londres, 20 mai. - The King's Weather ! Il faisait aujourd'hui le temps du roi, et un soleil d'or éclaira dès l'aube la scène historique la plus fastueuse et la plus grandiose des temps modernes. Pour voir passer une dernière fois le cadavre d'un de ses rois, pour donner au monde la preuve éclatante et suprême de son inébranlable loyalisme, le peuple anglais s'était massé au cœur de la capitale de l'empire, sur ces quatre kilomètres de rues qui séparent l'abbaye de Westminster de la gare de Paddington.

Combien y avait-il là de spectateurs ? Sûrement un million. Peut-être deux ou trois. On ne comptait plus que par centaines de mille. Il y avait tout le cœur et toute l'âme de la nation britannique. Des êtres humains étaient accourus de là-haut, du fond de l'Ecosse, et d'autres de là-bas; des îles lointaines. Pas un homme, si pauvre fût-il, qui n'eût un crêpe ; pas une femme qui ne fût en noir. Pas une maison sur le trajet du cortège qui ne fût drapée de violet. Et dans cette foule, dans ces maisons, sur ces estrades, pas un cri, pas un rire, nul désordre.

On avait annoncé la procession pour neuf heures, mais au lever du soleil Londres était déjà massé près de White-hall, dans Piccadilly, au coin de Hyde park. Quand le lourd et grave bourdon de Westminster fit entendre son premier glas funèbre, annonciateur de la cérémonie, il y avait des gens qui étaient là depuis la nuit, depuis la veille.

Le palais de Buckingham, et celui de Marlborough, et tous les autres, transformés en auberges de princes, ouvrirent simultanément leurs portes à la cohue des souverains et des envoyés ; et au dernier coup de neuf heures, dans la cour de Westminster, la royale assistance était au complet. Empereurs, rois, Princes, grands-ducs, margraves et ambassadeurs étaient tous à leur poste à cheval ou en landau de gala. M. Asquith, président du conseil, entouré des principaux membres du cabinet, s'y trouvait aussi. Et chose curieuse, ce fut la seule fois de toute la journée qu'on le vit, comme ce fut la seule fois de la journée qu'on vit des députés ou des pairs du royaume, car l'étiquette de la vieille Angleterre n'associe ni le Parlement ni le gouvernement à la pompe de ses rois.

Il ne manquait, à neuf heures, que les voitures des deux reines et des princesses, arrêtées sans doute par la foule ; mais elles ne tardèrent pas à arriver, et Guillaume II, qui avait mis pied à terre, fut le premier à se précipiter vers la portière, à repousser le laquais qui dressait le marchepied et à tendre la main à la reine Alexandra pour l'aider à descendre de carrosse. Puis il y eut dix minutes d'entr'acte. Le roi George, les reines Alexandra et Mary, l'empereur Guillaume et les membres de la famille royale anglaise pénétrèrent seuls dans le grand hall de Westminster, où l'archevêque de Cantorbery prononça une rapide prière, tandis que toute la suite attendait silencieusement dans la cour.

Et soudain, hors du vélum de pourpre, sur le seuil de l'abbaye toute noire, on vit apparaître dans la lumière aveuglante du jour le cercueil d'Edouard VII, que portaient à bras douze grenadiers géants. En quelques secondes, il était, placé sur l'affût de canon qui devait lui servir de corbillard ; et lentement, majestueusement, des murs de Westminster aux grilles de la gare de Paddington, à travers Londres en deuil, le cortège se déroula.

En tête marchaient des détachements de toutes armes : rudes highlanders d'Ecosse, yeomen de Norfolk, hussards noirs, chasseurs verts, fantassins rouges, coloniaux au teint basané, grenadiers de la garde dont le lourd bonnet à poil évoquait l'épopée d'un autre siècle; fusiliers hindous et gallois, cavaliers de la garde royale ayant pour selles des peaux de bique, et marins aux chapeaux de paille d'enfants. Tout cela est heurté, rutilant, magnifique et étrange. Tout cela défile dans le silence solennel de la foule ; sur le gravier jeté à profusion, on n'entend que les sabots des chevaux ou le pas rythmé des hommes qui passent, le jarret tendu, l'arme inclinée sous le bras droit, la main gauche repliée derrière le dos.

Voici les attachés militaires de toutes les ambassades, et voici les délégations des armées étrangères. Guillaume II a amené avec lui des dragons de sa garde des hussards du régiment de Blücher et les fameux cuirassiers blancs, dont les tuniques de neige et les casques d'acier étincellent aux feux du soleil. , Voici, tous les maréchaux et généraux de l'armée anglaise ; voici tous les héros de la terrible guerre d'Afrique, dont les noms de batailles sonnent encore dans toutes les mémoires : Hamilton et Lyttelton, Roberts et Ritchener, Wood et Smith-Dorrien. Roberts, Kitchener et Wood marchent en tête, leur bâton de feld-maréchal au poing. Voici tous ceux sur lesquels reposent l'orgueil et la sécurité de l'empire britannique; voici tous les amiraux de la flotte monstrueuse: Fanshawe, Seymour, Richards, Kerr et Noël. Voici le bataillon des aides de camp du feu roi, et le duc de Norfolk, grand-maréchal de la cour, que suivent trois gentilshommes portant des cannes d'or ; voici la brillante escorte des écuyers, des chambellans, des lords in waitings, des trésoriers.

Et enfin voici le mort ! L'affût de canon sur lequel on a pose son cercueil est trainé par huit chevaux de l'artillerie royale, conduits à la main, et sur sa bière énorme on a, comme drap mortuaire, étendu le drapeau national. C'est sous ses lourds plis qu'il dort son éternel sommeil. Pas une fleur. Pas une gerbe. Seuls, au sommet brillent la couronne royale, le sceptre et l'orbe, ces trois attributs des Césars terrestres. Et derrière son cheval, que tiennent deux laquais, derrière son chien favori, que mène en laisse un de ses fidèles Ecossais, derrière son' étendard royal, voici l'escadron auguste des empereurs et des rois.

Le roi George V est au milieu ; à sa droite, sur un cheval gris pommelé, droit et raide comme à la parade, se tient Guillaume II, empereur d'Allemagne, et à gauche est le duc de Connaught, frère du souverain défunt. Les trois hommes portent le même uniforme : celui de feld-maréchal de l'armée anglaise. Leurs trois tuniques pourpres sont barrées du grand-cordon bleu de la Jarretière, et ils ont en main, posé sur leur cuisse droite, le bâton, suprême insigne de leur commandement.

Derrière eux, trois par trois, chevauchent les autres rois : celui de Norvège, imposant ; celui de Grèce, effacé ; celui d'Espagne, séduisant. Et voici encore le roi de Danemark, le roi de Bulgarie, qui vient d'ajouter un dernier fleuron à sa couronne princière, et le charmant petit roi de Portugal, dont l'autre année on a tué le père... Voici la grande et maigre silhouette du nouveau roi des Belges, et voici les princes héréditaires ou royaux des plus vieilles monarchies de la terre : François-Ferdinand d'Autriche, le silencieux, sur qui reposera demain la paix de l'Europe ; le grand-duc Michel-Alexandrovitch, frère du tsar; le prince consort des Pays-Bas et les représentants des dynasties lés plus lointaines : celles d'Egypte, du Siam et du Japon !

Mais quel est ce vide soudain dans lecortège, et que va-t-on voir apparaître au détour de la rue ? Un rideau de cavaliers masque le regard. Ah ! le rideau s'écarte, et un carrosse d'or surgit. Derrière les glaces, il y a quatre femmes en noir, dont les longs voiles de deuil s'inclinent sous le souffle de pitié de la foule. L'une d'elles est si pâle et si belle qu'on s'agenouillerait sur son passage comme sur celui d'une sainte : c'est la douce et fière reine Alexandra, symbole de la bonté, de la charité et de la résignation sur la terre. A côté d'elle est assise sa sœur, l'impératrice Maria Feodorovna de Russie, et devant elle sont ses deux filles, les princesses royale et Victoria.

Et derrière le carrosse d'or des reines d'hier vient le carrosse d'or des reines d'aujourd'hui. Côte à côte, la reine Mary d'Angleterre et la reine Maud de Norvège sont assises, et devant elles le petit duc de Cornouailles, de ses grands yeux étonnés, contemple tous ces soldats et tout ce peuple, qui seront un jour ses soldats et son peuple. D'autres landaus de gala suivent encore, qui portent des mères, des sœurs ou des filles de rois. Et dans le huitième d'entre eux, ainsi encerclé de princesses royales, se trouvent les représentants des deux plus grandes Républiques de la terre : M. Théodore Roosevelt et M. Stephen Pichon, le premier en habit noir et le second en grand uniforme de ministre plénipotentiaire.

Lentement, le cortège traversa. Pall Mal, gravit la pente de Saint-James Street, longea Piccadilly, côtoya Hyde park, et un peu avant midi, il arrivait à la gare de Paddington. L'affût de canon venait s'aligner près du wagon-salon du train funéraire ;. les douze grenadiers géants faisaient glisser le cercueil dans le train ; souverains, princes et ambassadeurs, prenaient place à leur rang dans les diverses voitures ; un léger signal était donné, et sur les rails le convoi s'ébranlait sans heurt, sans secousse, avec majesté. Bientôt, dans le lointain, on ne distinguait plus que la lumière rouge du fanal arrière, et cette lumière allait en s'éteignant. C'était fini. Dans la gloire d'une journée de printemps, dans l'apothéose d'une nation entière, dans le recueillement ému du monde, Edouard VII, roi d'Angleterre et empereur des Indes, venait une dernière fois de traverser la capitale de son empire, et s'en allait à Windsor dormir près de ses aïeux !...

Le Matin – 20 mai 1910


EN BREF

Un cyclone dans l'Allier - Montluçon, 20 Mai - Un cyclone a passé, hier soir, vers sept heures, sur la commune de Saint-Désiré, située à 26 kilomètres de Montluçon. Pendant quelques minutes, une rafale épouvantable a fait rage, brisant les arbres, démolissant les cheminées, enlevant les toitures des maisons ; les dégâts, qui sont considérables, ont été particulièrement importants à la station du chemin de fer de Montluçon à Châteauroux. Le hall aux marchandises a été complètement démoli, la toiture du bâtiment des voyageurs enlevée et la cheminée de la machine fixe de la prise d'eau, haute d'une quinzaine de mètres, jetée bas. Le cyclone a ravagé une partie de la commune die Saint-Désiré. Ce cyclone, qui suivait la direction du Sud-Ouest au Nord-Est, a tout dévasté à son passage, sur une largeur d'environ cent mètres ; il a duré 30 secondes. Avant d'arriver à Saint-Désiré, il avait passé sur la commune de Saint-Palais et avait presque complètement détruit le village de Lacaut, composé de 19 maisons. Là, en effet, quatorze habitations ont été balayées au ras du sol. Dans les étables, les bêtes à cornes ont été tuées sous les décombres. On n'a pas eu heureusement à déplorer la perte de vies humaines, les habitants se trouvant, à cette heure, dans les champs. A Lacaut, 19 familles se trouvent sans abri ; au village de Morand, de la même commune de Saint-Palais, trois maisons ont été également détruites sans accidents de personnes. Enfin à Courçais, le cyclone est passé près du bourg qu'il a épargné. Par contre, en rase campagne, sur un kilomètre de longueur et sur 150 mètres de largeur, tout a été fauché ; on n'a pas encore pu évaluer le montant du désastre. Le Petit Journal – 21 mai 1910

La foudre tombe sur une poudrière– Saint-Etienne, 20 Mai - Ce soir, quelques minutes avant sept heures, comme au lieu de Momey des ouvriers de la poudrière Herbuel, artificier place Carnot, à Saint-Etienne, achevaient leur travail, un violent coup de tonnerre retentit et à peine le personnel revenait-il de son émoi, qu'une formidable explosion se produisait. La foudre était tombée sur la poudrière même, et avait atteint la dangereuse matière. Ce fut alors une série ininterrompue de détonations ; tout sauta puis tout s'enflamma et tout brûla. Magasins, dépôts, constructions diverses, il y eut un moment d'indicible affolement et quand enfin on put se porter au secours des ouvriers, on trouva cinq de ceux-ci plus ou moins grièvement blessés. On avait bien demandé une pompe automobile, mais à cause du mauvais état du chemin, celle-ci ne put arriver, et les sapeurs durent se contenter d'abattre à coups de hache les débris d'où s'échappaient de dangereuses flammèches. Les dégâts atteignent cinquante mille francs. Une vingtaine d'ouvriers sont réduits au chômage. Le Petit Journal – 21 mai 1910

Caruso et Toscanini ouvrent la saison italienne au Châtelet - La première représentation de la saison italienne a eu lieu hier soir au Châtelet. Le succès en a été considérable. La salle présentait un coup d'œil unique, car M. Gabriel Astruc l'avait composée avec un goût aussi raffiné que parisien, réservant le premier rang de balcon à cinquante des plus jolies artistes de Paris, priant l'élite de la société parisienne à entendre Caruso et la trompe du Metropolitan Opera de New-York. La représentation a dépassé toute attente. M. Toscanini a conduit Aida par cœur avec une maîtrise, un feu et une finesse incomparables. Il a dû être traîné sur la scène pour répondre aux acclamations du public. Caruso et Mme Emmy Destinn ont eu presque un trop triomphal accueil, car les applaudissements ont sans cesse interrompu les plus beaux passages et ainsi- coupé l'audition en couvrant la voix de ces deux incomparables artistes. On a beaucoup remarqué la sûreté des ensembles et le jeu de Mme Louise Homer et de MM. Amato, de Segurola, Rossi. La soirée s'est terminée à une heure moins un quart du matin après des rappels sans fin. Le Temps – 21 mai 1910


Publicité
Commentaires
Publicité
Archives
Publicité