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CPA Scans
31 juillet 2010

Les actualités du 31 juillet 1910

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Une grève au Père-Lachaise

Pere Lachaise

Le syndicalisme devait nous réserver cette surprise macabre : une grève au cimetière du Père-Lachaise. Le conflit actuel a éclaté subitement parmi les ouvriers marbriers qui ont mis à l'index un entrepreneur, et, par solidarité, tous les patrons ont déclaré le lock-out : dès lors, abandon complet de la vaste nécropole, gardée maintenant par des agents de police qui font mélancoliquement les cent pas dans les allées désertées.

Les sapeurs du génie ont été requis pour remplacer les grévistes; revêtus de blouses blanches, ils sont assis devant le bureau du conservateur, prêts à faire le travail qui leur sera commandé. Ils ne sont pas surmenés, d'ailleurs, les braves soldats, car très peu nombreuses sont les inhumations dans les caveaux du Père-Lachaise, et les employés de la Ville suffisent à assurer le service des nouvelles concessions, extrêmement réduites également.

Mais l'aspect du cimetière avec ses monuments imposants, que les marbriers ont délaissés, a un caractère particulièrement empoignant. Et les sépultures des hommes illustres, autour desquelles on n'aperçoit aucun des ouvriers habituellement chargés de leur entretien; et la large allée, qui conduit à la Colline, et la rampe, et les escaliers, et les contre-allées et les abords de la chapelle abandonnés ont quelque chose de profondément douloureux; sous les pas, le gravier semble gémir tragiquement dans ce silence impressionnant. Une grève dans un cimetière est plus qu'un banal incident du travail; c'est un événement angoissant par ses conséquences particulières. Au Père-Lachaise, dans cette grande capitale des morts, l'impression apparaît encore plus grandiose !

L'arrivée, hier matin, des sapeurs du génie, commandés par un sergent, provoqua dans tout le quartier la plus vive émotion et lorsque, l'après-midi, on apprit dans Paris que des soldats du génie assuraient au Père-Lachaise le service des inhumations, la même émotion se manifesta. Sur le boulevard de Charonne, cette petite occupation militaire attira la foule des curieux. Et les questions les plus diverses se croisaient.

Quelle est l'origine de ce conflit sans précédent, qui menace de s'étendre à tous les cimetières parisiens ? Il a surgi de l'autocratie syndicaliste, qui a inventé la chasse aux renards, dont eurent déjà à souffrir quatre travailleurs briqueteurs de Villejuif. Ici, le renard, houspillé, conspué par ses camarades, est un ouvrier marbrier que les beautés du syndicalisme n'attirent pas. Cet ouvrier veut rester indépendant; il refuse d'abdiquer sa liberté envers un conseil syndical qui lui donnera l'ordre de chômer ou de travailler selon les circonstances. Il n'entend pas que des camarades lui prescrivent d'agir selon leur bon plaisir sans s'inquiéter si sa famille aura du pain le lendemain.

Mais avec le régime actuel de la C. G. T. il n'est plus permis de vouloir conserver son indépendance absolue; c'est une prétention impossible à tolérer. Aussi le comité intersyndical des diverses corporations employées par les entrepreneurs marbriers condamna-t-il sans rémission cet adversaire du syndicalisme, qui fut exclu purement et simplement : plus de travail ! Ce comité groupe tous les travailleurs des cimetières : Jardiniers, maçons, tailleurs de pierre, terrassiers, peintres, serruriers, graveurs, charretiers, laveurs de tombes, femmes de chapelles, etc. Tous étaient l'autre matin très vivement agités au moment de l'arrivée d'un entrepreneur, M. Soupe, qui venait visiter un de ses chantiers au Père-Lachaise. On discutait avec animation et personne ne songeait au travail ; on s'occupait du cas de l'ouvrier condamné.

L'entrepreneur s'approcha, ému, croyant à un accident. Il fut mis rapidement au courant par un délégué du comité intersyndical, lequel, beau parleur, prit la parole au nom de ses camarades : Nous vous enjoignons, dit-il, de congédier immédiatement le sieur Un Tel, que vous occupez sur ce chantier. Pourquoi ? demanda M. Soupe, ahuri. Parce que c'est un renard, que nous ne tolérerons pas plus longtemps parmi nous. D'ailleurs, notre comité l'a exécuté. Son crime? Il refuse obstinément de se syndiquer ! De plus en plus surpris, M. Soupe essaya de temporiser; il dit qu'il allait examiner la question et il finit en promettant de donner sa réponse dans les quarante-huit heures. Nous exigeons une réponse immédiate, hurlèrent vingt voix. Cet ultimatum indigna l'entrepreneur, qui répondit avec fermeté : Je n'ai aucun ordre à recevoir de vous ; je suis le maître et, puisque vous me poussez à bout, voici : je ne sacrifierai pas cet ouvrier. Vous ferez ce que vous voudrez.

Dix minutes après, sur un signe du délégué, le chantier était déserté et le soir même, à la suite d'une réunion des membres du comité intersyndical, la maison de M. Soupe était mise à l'index. L'entrepreneur n'accepta pas cette décision qui lésait gravement ses intérêts; il saisit de la question la chambre des entrepreneurs marbriers, qui compte trente-trois patrons admis à travailler au Père-Lachaise et, après en avoir délibéré, les entrepreneurs répondirent par le lock out à la mise à l'index de l'entrepreneur Soupe. Cette mesure fut exécutée hier matin ; et depuis ce moment tous les travailleurs du cimetière, fervents syndicalistes, chôment forcément.

Le Gaulois – 31 juillet 1910


EN BREF

Alphonse XIII aux régates de Biarritz – Biarritz, 30 Juillet - Aujourd'hui samedi ont eu lieu les régates internationales Bayonne-Biarritz, croisière de Saint-Sébastien à Biarritz. Le départ de Saint-Sébastien a eu lieu à neuf heures et demie. Les 19 yachts y prenant part ont été escortés par le contre-torpilleur français Grondeur et par l'aviso royal Giralda, ayant à bord la reine mère et la reine d'Espagne. Le yacht Hispania, piloté par le roi Alphonse en personne, arrive bon premier a Biarritz à trois heures. Un canot automobile prit le roi pour aborder, mais la marée était basse et la passerelle insuffisante. Alors le roi escalada avec agilité les rochers de l'Esplanade et de la Vierge. Trempé jusqu'aux os par une grosse averse, Alphonse XIII, salué aux accents de l'hymne royal espagnol, se rendit en automobile à Biarritz pour y changer de vêtements et se restaurer. Le Giralda, après avoir suivi les régates, débarqua les deux reines à Saint-Jean-de-Luz. De là, les souveraines se rendirent en automobile à Biarritz où elles furent saluées, place de la Mairie, par la colonie espagnole. Après avoir fait différents achats dans les magasins, les souveraines ont rejoint le roi à l'hôtel. Le Petit Journal – 31 juillet 1910

Olieslagers bat le record de hauteur - Bruxelles, 30 juillet — La journée de samedi a été particulièrement sensationnelle au meeting national de Stockel. Dès une heure, tous les aviateurs présents, c'est-à-dire six aviateurs belges, ont pris la voie des airs, et Olieslaegers notamment, qui avait déjà brisé trois appareils depuis ces derniers jours, et qui manifestait une certaine mauvaise humeur, a, parmi les premiers, pris son vol a cinq heures et demie ; après deux heures et demie de séjour dans l'air, un accident de moteur l'a fait descendre. Mais bientôt après, il s'en allait de nouveau et conquérait le record du monde de l'altitude, atteignant la hauteur vertigineuse de 1,440 mètres. Le comité de l'Aéro Club a enregistré officiellement ce soir le record du monde de la hauteur d'Olieslaegers. On se rappelle que le dernier détenteur était Latham qui, à Reims, était monté a 1,380 mètres. Le Matin – 31 juillet 1910


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